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13 octobre 2012

ALLEMAGNE-LA BAISSE DU COÛT DU TRAVAIL ( septembre 2012)

 

Ce qu’une coa­li­tion entre le Parti socia­liste et les Verts actuel­le­ment au pou­voir en France peut nous valoir peut être ana­lysé à la lumière de ce qu’une même coa­li­tion, socia­lis­tes du SPD et Verts alle­mands (les Green), a fait en Allemagne il y a dix années, et qu’aucun gou­ver­ne­ment de droite n’avait jamais osé. La com­mis­sion qui s’est tenue entre tous les pro­ta­go­nis­tes sociaux, patrons, syn­di­cats et experts, et qui doit de nou­veau se réunir peut abou­tir au même consen­sus qui a présidé à ce qui, en Allemagne, fut appelé le comité Hartz, lequel s’était vu confier par le gou­ver­ne­ment Schröder la tâche de « réf­ormer le marché du tra­vail ».

     Celui qui pré­sidait ce comité d’experts, Peter Hartz, était le DRH de Volkswagen, un homme d’expéri­ence dans les mét­hodes d’exploi­ta­tion du tra­vail, éga­lement membre du puis­sant syn­di­cat de la mét­all­urgie alle­mande, IG Metall.

     Après ces dix années, les rela­tions de tra­vail ont été pro­fondément modi­fiées en Allemagne, pra­ti­que­ment sans oppo­si­tions nota­bles ce qui vaut que mét­hode, dis­po­si­tions et rés­ultats pour le capi­tal soient éga­lement loués, notam­ment en France. Sans doute conce­vrait-on mal que le comité éventuel d’experts chargés de la réf­orme des rela­tions de tra­vail en France soit le DRH de PSA ou de Renault, mais on trou­vera tou­jours un expert « neutre » pour pré­sider un tel comité, un expert ayant la confiance à la fois des patrons et des syn­di­cats « res­pon­sa­bles ». D’après une étude de l’OCDE publiée en 2011, les iné­galités de revenu se sont aggravées beau­coup plus rapi­de­ment en Allemagne que dans n’importe quel autre pays d’Europe ; c’est là l’exem­ple de la prét­endue prospérité de l’Allemagne. Il y a dix ans, l’éco­nomie alle­mande était for­te­ment cri­ti­quée pour payer des salai­res exces­sifs, pour avoir un marché du tra­vail trop rigide et un système social beau­coup trop généreux. Un refrain qui sonne étr­an­gement aujourd’hui à l’oreille des tra­vailleurs français. Le pro­blème, pour le gou­ver­ne­ment alle­mand d’alors, tout comme il l’est aujourd’hui pour le gou­ver­ne­ment socia­lio-vert en France, est de savoir com­ment modi­fier le contrat de tra­vail et les accords sociaux, les acquis sociaux, sans pro­vo­quer de rés­ist­ances.

     Le gou­ver­ne­ment alle­mand choi­sit alors une manière différ­ente de ce qui se pra­ti­quait habi­tuel­le­ment. Au lieu de cher­cher une confron­ta­tion fron­tale avec les sec­teurs les plus com­ba­tifs de la classe ouvrière, il créa un marché du tra­vail auxi­liaire dominé par de bas salai­res et par la réd­uction dras­ti­que des avan­ta­ges sociaux. Ce fut le but de la com­mis­sion Hartz, comme c’est ce qui s’amorce actuel­le­ment en France. En tant que membre du SPD et du plus grand syn­di­cat alle­mand IG Metall, Hartz avait toutes les rela­tions sou­hai­ta­bles pour mener à bien sa réf­orme. Il ne fait aucun doute que l’on peut trou­ver un per­son­nage sem­bla­ble en France. Dans le comité Hartz se trou­vaient des experts en rela­tions socia­les, des consul­tants, des mana­gers et des uni­ver­si­tai­res, des représ­entants syn­di­caux comme ceux du syn­di­cat des ser­vi­ces publics Verdi ou celui de la mét­all­urgie IG Metall, et le minis­tre du Travail et des affai­res socia­les de Rhénanie-Westphalie du Nord, qui était aussi un bureau­crate syn­di­cal. On n’était pas loin de ce comité convo­qué par le Premier minis­tre en France au len­de­main de la vic­toire élec­to­rale du PS. En Allemagne, les diri­geants syn­di­caux n’avaient aucune objec­tion quant à la création d’un sec­teur de bas salai­res, pour autant que leurs posi­tions et leurs pri­vilèges dans les usines n’étaient pas remis en cause. En fait, ils rép­on­dirent avec enthou­siasme aux pro­po­si­tions de réd­uire le coût du tra­vail dans le but de ren­for­cer la compé­ti­tivité de l’éco­nomie alle­mande sur le marché mon­dial. Bien que la situa­tion syn­di­cale en France soit différ­ente de celle de l’Allemagne, il n’est pas inter­dit de penser que les syn­di­cats français, soit direc­te­ment comme pour la CFDT, soit indi­rec­te­ment, au-delà de déc­la­rations de prin­cipe pour FO ou la CGT ne s’ali­gnent déjà sur une telle posi­tion.

     chomageLa com­mis­sion Hartz prés­enta un tas de pro­po­si­tions pour contrain­dre les tra­vailleurs à accep­ter différ­entes formes de tra­vaux à bas salai­res. La plu­part ont été oubliées aujourd’hui. Parmi les pro­po­si­tions, celle de la création d’une Agence du per­son­nel de ser­vi­ces (Hartz I), qui don­nait à l’Etat la fonc­tion d’une agence de l’emploi. Les chômeurs se voyaient sup­pri­mer les avan­ta­ges sociaux avec la création de dénommés « mini jobs », « midi-jobs » (Hartz II). La réor­ga­ni­sation de l’Office fédéral du tra­vail en fonc­tion du prin­cipe du « sou­tien mais obli­ga­tion » (Hartz III) visait à accé­lérer le pla­ce­ment des emplois et orga­ni­sait une pres­sion sur les chômeurs pour les contrain­dre à accep­ter n’importe quoi. Tous les par­ti­ci­pants offi­ciels sont d’accord avec l’idée que Hartz IV a été un succès, bien que les chômeurs aient perdu dans cette réf­orme tous droits à indem­ni­sa­tion au bout d’un an et se trou­vent ensuite réduits à des miet­tes socia­les. En effet, après une année de chômage, les tra­vailleurs pou­vaient seu­le­ment prét­endre à une allo­ca­tion de 347 euros men­suels et cela seu­le­ment après avoir épuisé leurs éco­nomies et si leur conjoint n’était pas capa­ble de les nour­rir. Ils devaient aussi pren­dre n’importe quel emploi, quels que soient leur qua­li­fi­ca­tion et leur salaire pré­cédents. Quiconque tom­bait dans la trappe de Hartz IV n’avait plus guère de chan­ces d’éch­apper à la pau­vreté. Selon une étude du Joint Welfare Association, les ¾ de ceux qui sont tombés dans la trappe sont restés en per­ma­nence dép­endants de Hartz IV. La simple menace de tomber dans la trappe de Hartz IV a contraint bien des chômeurs à pren­dre des emplois sous-payés, avec des réd­uctions d’horai­res et sans aucune sécurité d’emploi, de droits à la retraite et autres avan­ta­ges.

     Dans un com­men­taire lors de l’anni­ver­saire de Hartz, le Suddeutscher Zeitung concluait : « Hartz IV a établi le prin­cipe qu’il est tou­jours pré­fé­rable de tra­vailler pour moins d’argent qu’une vie dans une dép­end­ance per­ma­nente de l’Etat. » Les rés­ultats des 4 lois Hartz peu­vent être cons­tatés dans les sta­tis­ti­ques : sur les 42 mil­lions de tra­vailleurs, 29 mil­lions ont encore un emploi avec la tota­lité des avan­ta­ges sociaux, quel­que 5,5 mil­lions tra­vaillent à temps par­tiel et 4,1 mil­lions gagnent moins de 7 euros de l’heure, 4,5 mil­lions dép­endent de Hartz IV, y com­pris 1,4 mil­lion qui ont un tra­vail mais ne peu­vent gagner assez pour cou­vrir le néc­ess­aire. Le sec­teur bas salai­res a servi de levier dans toute l’éco­nomie. Au cours de la der­nière déc­ennie, l’aug­men­ta­tion du coût de l’unité de tra­vail a été réd­uite au mini­mum ; le pays, sur ce point, est au plus bas de l’éch­elle europé­enne. Les asso­cia­tions patro­na­les, les médias et les res­pon­sa­bles des prin­ci­paux partis ont célébré à l’envi la réf­orme Hartz comme un grand succès. Dans le Bild, Schröder loue les mesu­res prises comme un « béné­fice net pour la société », « payan­tes pour notre pays ». Si par « notre pays », Schröder com­prend les 10 % plus riches de la société alle­mande, il a raison ; ceux-ci en ont énormément pro­fité. Ici aussi les sta­tis­ti­ques par­lent d’elles-mêmes. En 2001, le revenu des 10 % plus riches était 8 fois plus élevé que celui des 10 % plus pau­vres. Cet écart s’est accru dans les quatre années écoulées depuis le décl­enc­hement de la crise éco­no­mique.

     Dans les années 1990, il n’était que de 6 contre un. En 2011, 924 000 mil­lion­nai­res vivent en Allemagne, face à 4,5 mil­lions soumis à Hartz IV. Aujourd’hui, ils seraient plus d’un mil­lion. La mis­sion de Hartz et l’agenda prévu par le SPD et les Verts représ­entent la réf­orme du système wel­fare qu’aucun gou­ver­ne­ment conser­va­teur n’avait jamais osé ache­ver. Ces réf­ormes furent seu­le­ment pos­si­bles avec l’actif sou­tien des syn­di­cats. Peter Hartz lui-même ne put jamais jouir de son « succès ». En 2007, il est condamné à deux ans d’empri­son­ne­ment et à une séri­euse amende et il vit main­te­nant en marge de la société. Hartz était impli­qué dans un scan­dale com­pre­nant éga­lement les représ­entants syn­di­caux de Volkswagen, scan­dale si mani­feste que l’appa­reil judi­ciaire s’est trouvé contraint d’agir.

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