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9 octobre 2008

Loren Goldner : Déclin de l’accumulation centrée sur le dollar (2008

 

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Loren Goldner : Déclin de l’accumulation centrée sur le dollar

jeudi 9 octobre 2008

Continuité et discontinuité dans le déclin de l’accumulation mondiale centrée sur le dollar

Avant d’entrer dans la dynamique de classe de la situation mondiale économique actuelle, considérons les manifestations de la crise les plus visibles à la surface des choses et bien réelles.

Le monde est encore dans la phase préliminaire d’une explosion inflationniste centrée sur les « Etats-Unis consommateurs » endettés jouant comme « locomotive de l’économie mondiale(1).

Chacun des indicateurs de l’économie mondiale aujourd’hui pointe vers un boom induit par une relance(2) que l’on peut faire remonter jusqu’à l’expansion du crédit aux Etats-Unis, expansion généralisée au monde entier par les niveaux incroyables des déficits de la balance commerciale américaine. Quand ce schéma mondial de Ponzi(3) se détricotera, les géants asiatiques exportateurs (Japon, Corée, Chine) iront droit dans le mur en même temps que les Etats-Unis tout comme les producteurs de matières premières du tiers-monde (par exemple l’Amérique latine) qui connaissent un boom de leurs exportations vers l’Asie, essentiellement vers la Chine.

Le parallèle avec le début des années 1970, juste avant l’explosion inflationniste 1973-1979 est surprenant :

* Les Etats-Unis sont enlisés dans une guerre perdue impopulaire (hier le Vietnam, aujourd’hui l’Irak) ;

* l’administration républicaine s’effondre sous le poids des scandales ;

* tirés par l’or et le pétrole, les prix de toutes les marchandises s’envolent ;

* les sphères dominantes des Etats-Unis tergiversent à propos d’un « boom » (finalement touché, l’indice Dow Jones des moyennes industrielles remonte au niveau du début des années 2000 juste avant l’éclatement de la bulle informatique en mars 2000 ; en fait, le marché boursier n’a pas progressé pendant six ans et a même régressé si l’on prend en considération l’inflation ;

* la dette des consommateurs aux Etats-Unis s’accroît de façon incroyable ;

* le dollar vacille et le malaise grandit parmi les créanciers internationaux des Etats-Unis qui ont rendu possible cette accumulation de dettes.

Ces parallèles ne sont pas des coïncidences empiriques mais ils pointent sur un « invariant » dans l’accumulation mondiale depuis les années 1950 quand le niveau mondial du dollar commença à s’effriter. Par définition, chaque « expansion » américaine depuis 1958 a conduit à un déclin de la position américaine internationale et a seulement été possible grâce à un tel déclin. (C’est ce que Michael Hudson (4), dans son excellent ouvrage Super Imperialism, appelle « gérer l’empire par la faillite ».)

Un bref regard sur les réalités économiques de base montre que cette érosion ne s’est nullement affaiblie. A la fin de 2005, la dette (que ce soit la dette fédérale, celle des Etats, les dettes locales, professionnelles et personnelles) atteignait le niveau incroyable de 33 mille milliards de dollars dans l’économie américaine, trois fois le PNB. Personne ne connaît le niveau de cette dette, niveau lié aux fonds spéculatifs internationaux et les 7 à 8 mille milliards de la dette fédérale n’incluent pas plusieurs milliers de milliards de dollars de plus concernant les engagements de la retraite de base et les soins médicaux. L’Etat (l’Etat fédéral, mais aussi les Etats et collectivités locales) consomme 40 % du PNB. La dette extérieure nette américaine se situe entre 3 et 4 mille milliards de dollars (au moins 11 mille milliards détenus par les étrangers ; moins 8 mille milliards de dollars investis à l’étranger) ; cette dette (d’un montant de 30 % du PNB) est comparable à la situation des pays du tiers-monde enfoncés dans la crise. Ce montant augmente au taux normal de 800 milliards par an. Plus inquiétant, à la fin de 2005, les revenus des investissements étrangers aux Etats-Unis ont dépassé pour la première fois les revenus des investissements à l’étranger (qui restaient jusqu’ici un des piliers de la position internationale des Etats-Unis). Les étrangers détiennent un pourcentage croissant de la dette du gouvernement américain ; les quatre banques centrales asiatiques (Japon, Chine, Corée du Sud et Taiwan) à elles seules en détiennent près de 2 mille milliards de dollars. C’est la dette fédérale et, partant, ces emprunts étrangers qui rendent possible la politique de relance de la Réserve fédérale (FED ou Federal Reserve Bank). Depuis le début des années 1980, une sorte de « capitalisme financier d’arbitrage », dans lequel l’investissement est de plus en plus concentré sur un choix d’instruments financiers différents au lieu d’instruments de production, a été mis en place. Ainsi le vieux concept du rôle du système bancaire et de l’apparente capacité de la Réserve fédérale de s’en servir pour étendre le crédit et l’utiliser est balayé par le développement du crédit « virtuel » créé par la finance indépendante « sécurisée » des banques. On doit aussi considérer que les entités liées au gouvernement (Freddie Mac, Fammie Mae) (5) qui soutiennent la relance des prêts hypothécaires des quatre dernières années ont conduit à une incroyable bulle immobilière spéculative. Tout l’édifice repose entièrement sur :

* un faible taux d’inflation aux Etats-Unis car un taux d’inflation élevé éloignerait les prêteurs étrangers ;

* la bonne volonté des « consommateurs » américains qui s’endettent de plus en plus sérieusement (le taux d’endettement atteint désormais 14 % des revenus contre 11 % il y a quelques années) ;

* le bon vouloir, la capacité et surtout le besoin pour les étrangers d’aller prêter aux Etats-Unis les déficits de leur balance des paiements, permettant de plus en plus aux « consommateurs » américains endettés d’être la locomotive de l’économie mondiale.

Quand quelqu’un prête constamment de l’argent à un emprunteur toujours plus endetté pour retarder la faillite de ce dernier, il tombe précisément dans ce que l’on appelle un « schéma de Ponzi » et c’est ce que l’accumulation mondiale est devenue.

Il y a évidemment d’importantes différences avec le début des années 1970.

La stratégie américaine du global leverage buyout (financement d’entreprises par effet de levier à l’échelle mondiale) (6) dans des régions précédemment protégées ou à moitié protégées (ex-URSS, Chine, Inde, Asie orientale, Europe) est beaucoup plus avancée, amenant plus de deux milliards d’hommes dans une force de travail mondiale beaucoup moins protégée contre la prédation par les anciennes barrières nationales. Cette réalité tire les salaires vers le bas alors que l’externalisation s’accélère depuis les Etats-Unis et l’Europe vers ces nouvelles zones (Chine, Inde, Europe de l’Est).

Le début des années 1970 marquait la phase finale des dernières luttes ouvrières mondiales ; la période post-1973 doit être comprise comme une offensive consciente contre cette période de luttes. Il a fallu près de trois décennies au mouvement ouvrier mondial pour apprendre à entamer une lutte offensive sur le nouveau terrain du néo-libéralisme. La nouvelle vague de luttes peut remonter à la grève d’UPS aux Etats-Unis en 1997 (7) et aux émeutes anti-mondialisation de Seattle en 1999, nouvelle vague contre laquelle le 11 septembre marque un point décisif dans la stratégie de la contre-offensive surtout américaine.

Plus récemment, on peut déceler des signes d’une nouvelle recomposition de la classe ouvrière dans une réelle vague de grèves en Europe occidentale et, plus récemment, dans la mobilisation du Premier mai de la classe ouvrière latina aux Etats-Unis sur les droits des immigrés.

Il est vrai que les exportations chinoises tirent globalement les prix vers le bas dans un effet déflationniste, à la différence de ce que l’on voyait dans les années 1970. Mais les salaires augmentent rapidement à Shenzhen et dans le Guandoung pour attirer les travailleurs, et le Bangladesh concurrence la Chine comme champion du tiers-monde des bas salaires. De plus, l’inextinguible boom chinois fait monter le prix des marchandises avec une demande inépuisable pour les matières premières, qui propage le boom vers les Etats pétroliers d’Amérique latine et d’Afrique.

Enfin, on ne doit pas oublier la dislocation géopolitique menée par le bouillonnement de la crise iranienne, ce qui nous pousser à sortir de considérations purement économiques.

Un des contre-scénarios plausibles serait la chute du marché immobilier américain, processus actuellement en cours. Cela plongerait les Etats-Unis dans un krach déflationniste plus rapide qu’on ne pouvait l’anticiper (et par contre-coup provoquerait une chute de la demande américaine mondiale). La Réserve fédérale (la Federal Reserve Bank) ne laissera pas un tel scénario émerger sans tenter d’abord de lever tout ce qui bloque la relance avec le fameux helicopter money (8) théorisé par son nouveau président Benjamin Bernanke. A vrai dire, la Réserve fédérale n’est pas omnipotente et, dans ce dernier cas, il y aurait une énorme fuite devant le dollar, contraignant à une immédiate hausse des taux d’intérêt, ce qui, à son tour ferait crever la bulle immobilière. Pour le moment, les capitalistes peuvent uniquement continuer à faire grandir la pyramide de la dette et intensifier leurs attaques contre la classe ouvrière.

En quoi consiste le global leverage buyout(6) (financement d’entreprises par effet de levier à l’échelle mondiale) ? L’accumulation est menacée parce que la totalité des titres papier capitalistes réclamant de la richesse (profit, intérêt et rente foncière), à commencer par les 11 à 12 mille milliards de « dollars nomades » détenus hors des Etats-Unis, excède la plus-value disponible pour leur valorisation. L’excès de demande fictive est, comme esquissée ci-dessus, le résultat de décennies d’accumulation de la dette visant à retarder la crise déflationniste et ne peut être perpétuée qu’en réduisant le salaire mondial et un processus « d’accumulation primitive » (sans reproduction et sans échange égal) en incorporant les petits producteurs de l’agriculture du tiers-monde dans la classe ouvrière mondiale, la détérioration des installations fixes du capital et des infrastructures et le pillage de la nature. C’est totalement différent de l’expansion capitaliste « normale » d’autrefois car cette demande se développait conjointement avec l’expansion de la reproduction de la société. Aujourd’hui les titres papier capitalistes se répandent et la reproduction sociale diminue. Depuis 1973, le global leverage buyout a conduit à ouvrir des zones régionales ou nationales d’assises pour la bulle de crédit centrée sur les Etats-Unis, à peu près de la même façon dont l’expansion militaire de l’Allemagne après 1938 visait à soutenir la pyramide du crédit créée en 1933-1938 par Hjalmar Schacht avec son « Mefo Bill » (9).

Grâce au FMI, lors de la crise financière asiatique de 1997-1998, par exemple, des « vautours capitalistes » américains purent acheter, dans des économies relativement fermées comme celle de la Corée du Sud, des installations industrielles à des prix discount. Celles-ci furent restructurées et revendues plus tard avec un profit significatif. L’ouverture de l’ex-URSS, de la Chine et de l’Inde présentent les mêmes possibilités de global leverage buyout (financement d’achat d’entreprises par effet de levier) avec d’immenses possibilités d’exploiter une force de travail bon marché et très instruite, mais aussi des ressources naturelles qui peuvent permettre de maintenir le processus pendant des années. Derrière ces manifestations empiriques, on peut voir le cycle classique de valorisation-dévalorisation-revalorisation décrit dans le livre III du Capital (10).

Deux puissances majeures, l’Europe et la Chine, représentent des obstacles à la stratégie américaine de global leverage buyout. Toutes deux sont vulnérables face à la domination courante américaine des ressources mondiales pétrolières ; elles concurrencent de plus en plus les Etats-Unis dans la course mondiale pour le contrôle ces ressources, qu’il s’agisse des désaccords au sujet de l’Irak ou de la compétition autour des nouvelles ressources pétrolières en Afrique.

L’Europe est loin de pouvoir s’opposer aux Etats-Unis. Parce que le Capital n’est pas seulement une relation économique et sociale mais aussi une question politique et militaire, l’histoire a montré que l’union économique et monétaire sans unification politique n’est pas viable. Et l’unification politique de l’Europe est présentement en panne.

Considérons la concurrence de l’euro face au dollar comme monnaie internationale de réserve. Alors que la position nette de l’Europe, à la fois commerciale et financière, n’a aucun des problèmes que rencontre la dette étrangère des Etats-Unis, une fuite mondiale devant le dollar entraînerait une réévaluation de l’euro. À son tour, cela pèserait lourdement sur la position compétitrice de l’Europe sur le plan international (cela a déjà alarmé les capitalistes européens lors de la remontée de l’euro après 2002 – une réévaluation de 40 % en 18 mois). Mais ce problème serait bien mineur à côté d’une crise majeure au Moyen-Orient, crise qui menacerait l’accès de l’Europe au pétrole, pour ne rien dire d’une confrontation militaire (dont les guerres yougoslaves peuvent donner un excellent aperçu) qui révélerait le profond désarroi de l’Europe dans sa politique étrangère et militaire.

La Chine est en fait le problème réel pour les Etats-Unis, comme l’avoue franchement un récent rapport de la CIA. Parfois, il semble que toute la politique étrangère des Etats-Unis depuis au moins la fin des années 1970 (cf. l’Afghanistan) vise à contrôler la périphérie de la Russie et de la Chine mais aussi, depuis l’effondrement du bloc soviétique, à encercler la Chine. L’émergence d’un bloc capitaliste est-asiatique capable de supplanter les Etats-Unis et d’acquérir l’hégémonie mondiale est le cauchemar du Capital américain. Contrairement à l’Union européenne, la Chine est encore trop fermée pour la satisfaction des capitalistes et le global leverage buyout (financement d’achat d’entreprises par effet levier à l’échelle mondiale) n’en est encore qu’à ses premiers pas.

Le nationalisme asiatique (Chine, Corée, Japon) et les questions héritées de la guerre froide (Taiwan, division de la Corée) sont encore des obstacles majeurs à ce qui pourrait ressembler à une Union asiatique ; les Etats-Unis utilisent tous les moyens pour attiser ces rivalités et empêcher une telle union de prendre corps.

Dans la relance mondiale qui s’accélère actuellement, l’Allemagne et le Japon, les deux précédentes « locomotives » de l’Europe et de l’Asie orientale, récemment éclipsées respectivement par la création de l’euro et l’essor de la Chine, bénéficient de la « confiance capitaliste » la plus élevée depuis 15 ans.

Mais ces deux pays sont très vulnérables face à la montée internationale des taux d’intérêt destinée à endiguer un retour de l’inflation tout autant que la réévaluation de leur monnaie. Début mai, la Banque centrale européenne a évité de relever les taux d’intérêt pour prévenir une telle réévaluation et éviter de contrarier les signes d’une reprise économique, particulièrement en Allemagne.

Ces deux pays (et particulièrement le Japon) montrent également les signes de la « crise démographique » évoquée dans la presse capitaliste autour de la faillite des système de retraite. Le tapage récent des capitalistes sur cette crise pourrait difficilement être plus hypocrite. Dans le cadre capitaliste, cette crise existe seulement parce que les restructurations des 30 dernières années ont réduit la « population active » (c’est-à-dire la population capable de produire de la plus-value) à la population ayant entre 25 et 50 ans.

La France, par exemple, a vu récemment tous les groupes d’exclus ou de personnes potentiellement exclues lutter contre les effets réducteurs de ces restructurations : les employés des services publics ont manifesté contre la réforme des retraites (mai-juin 2003) ; les jeunes migrants (ou fils de migrants) ont mené des émeutes contre leur exclusion totale et leur criminalisation (novembre 2005) ; et plus récemment les étudiants ont fait grève durant deux mois (mars-avril 2005) pour empêcher la restriction des protections du droit du travail pour les jeunes. Les retraités, les chômeurs et les futurs exploités ont tous lutté alors que la population productrice de plus-value, le groupe avec le plus grand potentiel de résistance au Capital, est resté largement immobile.

La « crise démographique » n’existe qu’à cause des exigences de la valorisation capitaliste. Elle exprime le fait que les forces productives existant aujourd’hui peuvent sécréter une forme plus évoluée de société dans laquelle la demande de travail socialement nécessaire serait réduite graduellement et transformer le travail nécessaire restant :

« La tendance universelle au développement des forces productives, à la richesse en général, tout comme à l’universalité du commerce, sont le résultat fondamental de ce processus (...). Ce résultat offre la possibilité d’un développement réel et universel des individus à partir de quoi un perpétuel dépassement des limites devient possible (...). L’universalité de l’individu n’est pas simplement pensée ou imaginée, elle est vivante dans ses rapports réels et spirituels » (11).

En outre, la « crise démographique » en Europe et au Japon reflète la contraction démographique (le Japon a une croissance négative en 2005, l’Allemagne une croissance proche de zéro) à cause du coût largement accru, en termes capitalistes, de la reproduction de la prochaine génération.

Finalement, à une échelle mondiale, il n’existe pas la moindre « crise démographique ». La crise se répand uniquement à cause de la production de la valeur et des Etats-nations. La crise dans le secteur capitaliste avancé, depuis le début des années 1970, a produit une population-pour-le-capital trop âgée ; la même crise, dans le monde moins développé, a produit une énorme population jeune (notamment parmi les paysans pauvres où une grande famille est indispensable pour soutenir les personnes âgés dans des pays où il n’existe aucune retraite). Ces déséquilibres complémentaires sont seulement les deux faces de la même pièce, la crise de la recomposition du capital pour une nouvelle expansion possible.

Cela nous amène à la dimension finale de l’analyse. Pourquoi le Capital, depuis les années 1970 doit-il recourir à de tels développements fictifs et se lancer (au moins aux Etats-Unis) dans une guerre de classe combattue seulement unilatéralement par un des adversaires – le Capital – alors que l’autre – le Travail – reste passif ?

La crise du début des années 1970 a surgi à la fin d’une période de révoltes croissantes de la classe ouvrière. Sous toutes ces apparences, la crise exprime la « caducité » de la valeur comme une forme par laquelle la société peut se reproduire. Durant l’éruption prolétarienne en Europe et aux Etats-Unis, du milieu des années 1960 (grèves sauvages aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne) au milieu des années 1970 (Italie, Portugal, Espagne) dans la foulée de mai 68 en France, la classe ouvrière (et aussi les autres couches sociales) agissait vers le « plein développement de l’activité elle-même », rendue possible et nécessaire par le développement précédent du capitalisme.

Les capitalistes, d’un autre côté, avait besoin de surmonter une dévalorisation générale du capital et de la force de travail telle qu’une nouvelle expansion pourrait commencer sur une base profitable. Contrastant avec le première phase de l’histoire capitaliste (1815-1914) cela ne pouvait survenir par une rapide déflation, une dépression et un rétablissement de l’économie. La société mondiale était trop productive pour la forme valeur dont ce monde résultait ; les titres papier capitalistes, les forces productives réelles et surtout la force de travail devaient être détruites et laminées comme cela s’était vu pendant la transition 1914-1945 qui vit l’accumulation mondiale passer de la Grande-Bretagne aux Etats-Unis. L’émergence de la phase néo-libérale du capitalisme à la fin des années 1970 visait à protéger les titres capitalistes fondés sur le profit, l’intérêt et la rente foncière d’une dévalorisation excessive à travers le « schéma Ponzi » (3) décrit précédemment et en même temps renverser une tendance lente vers l’effondrement en attaquant globalement les niveaux de vie de la classe ouvrière.

Résultat, le monde actuel est coincé dans des phases d’expansion capitaliste centrées sur les Etats-Unis et l’Asie orientale. Mais cette dernière partie ne peut triompher qu’au prix d’un bouleversement beaucoup plus violent que ce que l’on a pu voir dans le passé. Et, comme lors du dernier bouleversement (1917-1921) avant que la nouvelle domination américaine prenne place, cela peut créer une nouvelle opportunité pour la « vieille taupe » au cours de laquelle le vieux slogan « Socialisme ou Barbarie » ne sera pas le mot d’ordre d’une bataille romantique, mais la plus exigeante nécessité.

Notes

(1) Voir mon article de 2003 « D’abord inflation, puis déflation » dans Wildcat n° 66.

(2) Par analogie avec l’inflation (accroissement excessif des instruments de paiement entraînant une hausse des prix et une dépréciation de la monnaie) et avec la déflation (résorption de l’inflation pour faire baisser les prix), le terme « reflation » – relance – utilisé en anglais désigne une tentative d’accroître l’activité économique en injectant argent et crédits.

(3) Schéma de Ponzi : Ponzi était un escroc célèbre dans les années 1920. Alors que l’économie américaine sombrait dans une dépression profonde mais brève et dans la déflation, il empruntait de l’argent en payant un taux d’intérêt beaucoup plus élevé que la moyenne. Attirés par ces taux d’intérêt exceptionnels, les clients affluaient vers lui pour en profiter ; au départ, il put rembourser les premiers clients avec l’argent des suivants pour en attirer encore et ainsi de suite jusqu’à l’effondrement à la suite duquel il disparut. On appelle donc « schéma de Ponzi » une pyramide financière où les prêteurs peuvent continuer à alimenter le système pour éviter la faillite (on dit aujourd’hui « trop énorme pour faire faillite »).

(4) Michael Hudson, brillant économiste jusqu’à récemment tout à fait marginal (pas marxiste, plutôt hudsonien). Son livre Super imperialism (1972) décrivit si bien la stratégie américaine de l’« Imperial Management Through Bankrupcy » (gestion impériale par la faillite) que le gouvernement Nixon s’en servit pour affiner sa stratégie. Il démontra que « l’aide » américaine subventionnait les exportations américaines et rien de plus, ce qui obligea le ministère du Commerce à réviser et même à supprimer les statistiques sur lesquelles Hudson s’appuyait. Super Imperialism a été réédité en 2002 par Pluto Press (Londres) avec une nouvelle préface et un nouveau chapitre final qui remettent l’analyse à jour. Mais il y avait peu à revoir quant au noyau de l’analyse de 1972 qui n’a été modifié en rien.

(5) Freddy Mac et Fammie Mae sont deux énormes entreprises privées-publiques qui stabilisent le marché hypothécaire américain en rendant possible les acquisitions immobilières par presque tout le monde (70 % des ménages américains sont actuellement propriétaires, 30 % seulement locataires). Les deux entreprises soutenues par le gouvernement : la Federal National Mortgage Association (Fannie Mae) et la Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddy Mac) sont des institutions financières de prêts immobiliers. Elles rachètent les prêts hypothécaires des banques commerciales, des caisses d’épargne, des banques hypothécaires et autres prêteurs primaires, gardent ces créances hypothécaires dans leur portefeuille ou les regroupent dans des titres fondés sur ces créances pour les revendre à des investisseurs. Ces opérations de seconde main jouent un rôle important afin d’attirer des fonds pour financer de nouveaux prêts hypothécaires L’ensemble des opérations de FreddyMac et Fannie Mae représentait 4 200 milliards de dollars à la fin de 2005.

(6) Le global leverage buyout est une opération financière dans laquelle un acquéreur utilise très peu de son propre capital en empruntant beaucoup pour un investissement à prix soldé dans une entreprise en difficulté, ou bien en y mettant le prix dans une entreprise solide qu’il restructure en la divisant en diverses entreprises de sous-traitance et en revendant le tout au prix fort après avoir licencié le personnel d’origine, pillé le fonds de retraite, etc... Cette stratégie, à un échelon mondial et non plus individuel, est un élément essentiel de la stratégie américaine pour préserver son économie ; elle fut mise en œuvre notamment en Corée en 1997 : attendre (et même provoquer) la crise, obliger les marchés à s’ouvrir, acheter les capitaux dévalorisés et ensuite revendre.

(7) La grève d’UPS et la situation actuelle du mouvement ouvrier américain ont fait l’objet de plusieurs articles dans Echanges n° 85, septembre-décembre 1997, p. 3.

(8) En novembre 2002, Bernanke (qui n’était alors qu’un des gouverneurs de la Réserve fédérale) a prononcé un discours célèbre dans lequel il a déclaré qu’au cas où déflation aux Etats-Unis serait semblable à celle du Japon, le gouvernement américain devait imprimer de l’argent à l’infini (faire marcher la planche à billets) et le déverser par hélicoptère. Depuis on le surnomme « helicopter Ben ». Les marchés le soupçonnent d’être un inflationniste.

(9) Schacht était le ministre des Finances de Hitler et les titres « Mefo-bills » étaient émis par la firme d’économie mixte Metallforschunggesellschaft, fondée initialement avec un capital de 199 000 marks. Dans la période 1937-1938 elle créa pour 4 milliards de marks d’émissions soit 4 000 fois son capital ; l’argent servit au réarmement allemand qui préluda au pillage de l’Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale.

(10) Aussi dans mon article de 2003 « Allemagne 1938, Etats-Unis 2003 » traduit dans le n° 105 d’Echanges, été 2003, p. 19 et reproduit dans ce livre pp. 118-121.

(11). Grundrisse, Principes d’une critique de l’économie politique, Karl Marx, tome II, pp. 253-254, La Pléiade.

(2006, traduit par Echanges et mouvements)

 

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