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12 avril 2024

ACTIONS ET INFORMATIONS ANTI-GUERRE Avril 2024

Manifestation contre les guerres capitalistes et la paix capitaliste

Le collectif organisant la Semaine d’action en mai à Prague appelle à une manifestation contre la guerre le vendredi 24 mai 2024 à 17h sur la place Palacký.

La guerre est un phénomène qui n’est pas seulement théorique, mais qui s’immisce aussi très concrètement dans la vie de chacun. Dans l’ordre social actuel, il n’y a pas de frontière entre la vie en guerre et la vie en paix. Nous sommes tous en guerre. Seules les façons dont la réalité de la guerre nous affecte diffèrent. Certains vivent à l’arrière dans des villes bombardées, d’autres sont envoyés au front pour servir de chair à canon, et d’autres encore sont contraints de vendre leur force de travail, ce qui fait tourner les rouages de l’économie de guerre. Nous sommes tous également la cible d’une propagande de guerre destinée à nous inciter à nous engager dans une forme de guerre ou une autre. Enfin, nous sommes tous endoctrinés par le soi-disant devoir de nous sacrifier à la guerre pour le bien du pays, de la nation, du peuple, de l’économie, de la démocratie, de la religion…

Que nous vivions à Kharkov, Prague, Tel Aviv, Madrid, Gaza, Moscou, Budapest, Zagreb, Rome, Berlin ou ailleurs dans le monde, aucun d’entre nous ne vit en dehors du contexte de la guerre. C’est donc à partir de cette position que nous devons nous opposer à la guerre. Nous devons agir comme une force collective internationale qui subit l’impact des guerres mais qui a aussi les moyens de les arrêter.

Mais nous ne voulons pas nous réunir pour exiger quelque chose des hommes politiques, de leurs partis et leurs institutions. Nous savons très bien qu’ils font tous partie du problème et qu’aucune solution ne peut venir de leur part.

Nous ne voulons pas chercher à nous rapprocher des fractions « progressistes» ou démocratiques de la bourgeoisie, car nous savons que ce sont les capitalistes qui déclenchent les guerres et que ce sont eux qui en profitent.

Nous ne voulons pas appeler à ce que l’armée de tel ou tel État soit mieux équipée au nom du soutien au « moindre mal », car l’histoire nous a appris que la désescalade des conflits s’obtient en subvertissant la machine de guerre, et non en l’alimentant.

Nous ne voulons pas appeler à la paix au sein du capitalisme, car nous savons que la paix capitaliste n’est qu’une préparation à d’autres guerres, encore plus destructrices que les précédentes.

Nous voulons nous réunir pour que les voix des personnes les plus touchées par la guerre puissent être entendues. Nous voulons que la rencontre physique serve de forum et d’outil d’organisation pour renforcer la communauté confrontée non seulement aux guerres, mais aussi à leurs causes : le capitalisme, ses États et ses idéologies. Nous voulons aider à organiser la résistance qui leur est opposée.

Les guerres sont un phénomène mondial auquel nous répondons par une mobilisation internationaliste. Nous ne nous limitons pas à une région ou à une langue, c’est pourquoi la manifestation fera entendre des voix en tchèque, en anglais, en allemand, en russe, en ukrainien et éventuellement dans d’autres langues, que nous pourrons utiliser pour articuler nos positions et plaider en faveur d’une action anti-guerre collective.

Vendredi 24 mai 2024

Prague – Palackého náměstí (près de la station de métro Karlovo náměstí)

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WS-«L’armée de l’avenir»: L’Allemagne restructure son armée pour la guerre totale

 

Le ministre allemand de la Défense n’a pas caché que la restructuration de la Bundeswehr (forces armées) vise à créer une machine militaire offensive capable de mener une guerre totale.

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Macron à Bergerac pour l’économie de guerre

Xavier Niel, l’un des principaux capitalistes français, entend acheter en Ukraine le numéro 1 de l’internet fixe et le numéro 3 de la téléphonie mobile. C’est un excellent exemple de comment le capitalisme français agit dans le cadre du repartage du monde, et comment la guerre contre la Russie s’inscrit à tous les niveaux.

Xavier Niel sait d’ailleurs très bien qu’il agit avec une réelle envergure:

« Nous sommes convaincus que notre transaction historique servira de signal à d’autres que le moment est venu d’investir en Ukraine, de soutenir la reconstruction du pays et de réaliser son potentiel. »
Lire la suite en cliquant qur le titre

 

Article de Révolution permanente

« Projet stratégique de défense européenne » : l’UE propose un plan de militarisation coordonné

Dans un document stratégique, l’UE assume un plan de militarisation coordonné inédit. Si le projet est ambitieux, il est miné par des contradictions profondes. Il n’en contribue pas moins à la militarisation en ordre dispersé des Etats membres et justifie de nouvelles politiques austéritaires.

Enzo Tresso

9 avril 202

Le Haut représentant de l’Union aux affaires étrangères a récemment publié un document programmatique aussi ambitieux que contradictoire. Dressant un bilan général de l’état du marché militaire européen, il milite pour l’élaboration de la première stratégie commune de développement industriel dans l’histoire de l’Union, fondée sur la collaboration des différents Etats membres et la planification de la production à l’échelle européenne :

« Cette stratégie entreprend d’améliorer et de stimuler l’effort d’investissement, commun et européen, des pays membres. La disponibilité renforcée des produits et des systèmes de défense devrait être assurée en améliorant l’efficacité et la capacité de réponse de la Base Européenne de Défense Technologique et Industrielle (EDTIB), soutenue par une sécurité d’approvisionnement renforcée. Il est également important de développer les moyens financiers qui soutiennent la réactivité de l’industrie de défense européenne. En outre, une culture de la réactivité défensive devra être massifiée au travers de l’ensemble des politiques européennes » [1].

Militant pour une stratégie européenne de défense, le plan appelle les pays membres à augmenter leurs investissements militaires, au service d’un programme de planification générale de l’ensemble de la production. Développant une stratégie belliciste agressive, au service de l’industrie militaire, la Commission européenne cherche à initier une militarisation coordonnée d’échelle continentale, en fixant de premiers objectifs pour une « défense européenne intégrée », minée cependant par des contradictions profondes.

Confronté à un conflit des souverainetés, le plan de la commission, présenté en grande pompe début mars par Joseph Borrell et Ursula von der Leyen, maintient les mêmes ambitions budgétaires que les précédentes initiatives : les dépenses de défense demeurent la prérogative des Etats. Si les dépenses militaires nationales connaissent une forte augmentation depuis le début de la guerre en Ukraine, l’enveloppe prévue par la Commission pour les investissements européens est presque insignifiante par rapport aux budgets individuels des Etats. En outre, les réglementations néolibérales limitent les velléités planificatrices des dirigeants européens : l’hyper-concurrence, au cœur de la régulation économique de l’UE, interdit toute planification cohérente et entrave la coopération des industries à l’échelle internationale tandis que la doxa austéritaire et le contrôle des dettes souveraines conditionnent l’augmentation des budgets à de nouvelles réductions des dépenses publiques. Si l’Europe de la défense n’est pas pour demain, l’idéologie belliciste des dirigeants européens stimule, à court terme, la militarisation en ordre dispersé des Etats et donne aux bourgeoisies européennes de nouveaux outils pour approfondir leur offensive austéritaire contre le monde du travail et les classes populaires.

Un tournant militariste volontariste : le projet de la planification stratégique

Critiquant l’irrationalité des investissements militaires des pays membres, le document constate que les dépenses militaires européennes ont augmenté tout en bénéficiant à des pays non-membres. Alors que les achats militaires des pays de l’UE s’élevaient à 240 milliards d’euros en 2022, 78% des acquisitions militaires, entre le début de la guerre en Ukraine et juin 2023, ont été faites en dehors de l’Union, dont 63% aux Etats-Unis (p. 3-4.). Alors qu’entre 2017 et 2023, le marché européen de la défense a connu une croissance de 64%, les échanges commerciaux entre les pays membres ont peu augmenté et « représentent seulement 15% de la valeur total du marché européen » (p. 14). Enfin, 80% des investissements militaires des pays européens ont bénéficié à des fournisseurs non-européens (p. 15). Militant pour un « protectionnisme européen », le document émet le souhait que 60% des équipements de défense achetés par les Etats membres soit à terme de facture européenne : « Les Etats sont invités à accomplir des progrès continus pour qu’au moins 50% de leur investissements de défense soient effectués au sein de l’UE à l’horizon 2030, 60% à l’horizon 2035 » (p. 15).

Alors que les chaînes de valeur globales ont été fragilisées, le rapport fixe des objectifs déterminés pour limiter « les dépendances externes excessives » (p. 7). Il s’agit ainsi pour l’UE de se doter d’une industrie capable de passer, « quand cela est nécessaire, à un modèle économique de guerre ». Le plan se fixe ainsi pour tâche de massifier la production afin d’éviter la pénurie de matériel militaire (p. 13) et d’empêcher que les exportations commerciales ne nuisent aux capacités militaires des Etats membres : « Afin de parvenir à ces objectifs, l’Union a besoin de maximiser les bénéfices de la compétition, de la coopération et de la consolidation. Du même coup, la compatibilité de la EDTIB et sa capacité d’exportation doivent être préservées tout en assurant, nonobstant, que les Etats membres puissent se reposer complètement sur leur industrie de défense pour satisfaire leurs besoins, quand cela est nécessaire et dans des proportions adéquates, quand la sécurité des citoyens de l’Union est en jeu » (p. 7).

Pour ce faire, le plan prévoit la création d’un « Conseil de préparation de l’industrie de défense » qui aura pour tâche de soutenir « la coordination et l’harmonisation des plans de production des États membres et de fournir des conseils stratégiques afin d’ajuster la demande et l’offre » (p. 8). En outre, l’Union se dotera d’un « Groupe européen de l’industrie de défense » qui sera « l’interlocuteur privilégié du Conseil dans ses discussions avec les industriels » (p. 8-9). Nouant des liens forts avec les industries de l’armement, dont l’influence est déjà importante grâce au lobbying intensif dans les institutions européennes [2], le plan se donne ainsi pour objectif d’harmoniser l’ensemble de la production militaire européenne en proposant un plan de développement général qui tiendra compte des spécificités industrielles de chaque pays. Parmi les objectifs privilégiés, le document fixe, à l’horizon 2035, l’élaboration d’une défense européenne aérienne intégrée, d’une force de protection spatiale, d’un réseau de cyber-protection et d’atouts stratégiques pour la défense maritime et sous-maritime (p. 9). Afin de garantir « l’interopérabilité et l’interchangeabilité des équipements dans n’importe quelle coalition », un « procès d’harmonisation » (p. 11) de l’équipement militaire sera initié.

Un tel projet sera coûteux. Le document donne ainsi aux Etats des objectifs budgétaires ambitieux. Déplorant le manque d’investissement des Etats membres, il martèle l’objectif collectif, fixé en 2006, que 2% du PIB de chaque pays soit consacré à la défense : « Si tous les Etats membres avaient consacré 2% de leur PIB à la défense, dont 20% à l’investissement, cela aurait permi d’apporter 1100 milliards d’euros supplémentaires à la défense européenne, dont 270 milliards pour l’investissement » (p. 3).

Le 3 avril, les ministres de la défense polonais, français et allemand reprenaient les éléments stratégiques du rapport et demandaient, dans une tribune publiée sur Politico, une augmentation massive des budgets militaires européens : « La solidité du lien transatlantique demeure le fondement de notre sécurité et, nous, Européens nous devons répondre à certaines difficultés qui sont devenues douloureusement évidentes durant les derniers mois et les dernières années : manque de ressources, réactivité de nos forces, capacités de production, logistique, standardisation et compatibilité des équipements. […] Tout d’abord, consacrer au moins de 2% de notre PIB à la défense est une précondition nécessaire et la fondation sur laquelle nous construirons notre défense collective. Nos trois pays ont atteint cet objectif cette année, mais ces chiffres ne sont qu’un point de départ ».

Vers une hausse des budgets militaires nationaux

Ce dimanche 7 avril, Ursula von der Leyen, qui fait campagne pour un second mandat, tenait un discours semblable à Athènes, à l’occasion du 15ème congrès du parti de droite pro-européen Nouvelle Démocratie : diabolisant la Russie, « qui ne cherche pas seulement à effacer l’Ukraine de la surface de la terre » mais conduit également des « attaques hybrides contre l’Europe », la présidente de la Commission européenne entend « défendre la prospérité et la sécurité de l’Europe ». Pendant son discours, von der Leyen a fait du projet de réarmement européen l’élément central de sa politique et mis l’accent sur la nécessité d’« accroître les dépenses de défense européenne ». Elle a profité de son voyage à Athènes pour louer « le soutien inestimable » de Kyriakos Mitsotakis dont les politiques budgétaires « montrent la voie », la Grèce allouant aux dépenses militaires un budget qui dépasse les 2% de son PIB.

L’augmentation des dépenses militaires est également à l’ordre du jour dans les pays proches de l’Union, comme la Norvège dont le gouvernement a annoncé, vendredi 5 avril, un plan de réarmement massif sur douze ans. Si la Norvège a rejeté à deux reprises l’adhésion à l’Union, en 1972 et en 1974, elle appartient à l’espace économique européen et à l’espace Schengen, participe aux missions de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) et contribue financièrement à certains budgets européens. Doublant à terme son budget militaire annuel, le gouvernement norvégien a soumis au parlement un projet de loi prévoyant une augmentation son budget de défense de 60 milliards de dollars sur douze ans : « Assurer la sécurité du peuple norvégien est la tâche fondamentale du gouvernement. Nous avons besoin de forces militaires qui satisfassent cet objectif dans le contexte d’un environnement d’insécurité. Ce plan représente une augmentation historique des dépenses militaires et inclut un renforcement significatif de toutes les branches de nos forces armées ».

Souhaitant approfondir la coordination entre les Etats et les industries de l’armement, dans le cadre de son projet de planification, le plan accorde aux industriels un rôle décisionnaire important et s’aligne sur leurs revendications comme en témoigne les multiples appels du secteur militaro-industriel à augmenter les budgets de l’armement. Dans une interview donné au Financial Times, Armin Papperger, dirigeant du plus gros producteur d’armement allemand, Rheinmetall, appelait ainsi les dirigeants européens à construire une stratégie d’ensemble permettant de dépasser « la fragmentation industrielle » des industries d’armement, et à unifier les « chaines d’approvisionnement des pays individuels » et les « budgets nationaux », militant pour la construction de « grosses industries » en Europe pour pallier le retrait étatsunien. De son côté, Guillaume Faury, président du groupe Airbus, appelait dans les pages du Monde à accélérer le rythme de la coopération : « Nous sommes clairement entrés dans un nouveau cycle, où beaucoup de choses ont commencé à changer. Les budgets de défense, qui avaient baissé durant quarante ans, se redressent, même si l’équation budgétaire est plus difficile à résoudre en sortie de crise sanitaire. La défense retrouve la place qu’elle aurait dû garder pour offrir des garanties de souveraineté, d’indépendance et de prospérité ». lire la suite : https://www.revolutionpermanente.fr/Projet-strategique-de-defense-europeenne-l-UE-propose-un-plan-de-militarisation-coordonne

Projet de loi de finances pour 2024 : Défense


 

Rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, annexe 9, déposé le 23 novembre 2023

RAPPORTEUR

Dominique de LEGGE

ESSENTIEL

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1 avril 2024

Ne pas laisser Julian Assange dans le couloir de la mort.

L’affaire débute en 2010, quand Julian Assange le fondateur de WikiLeaks publie sur le site plus de 700 000 documents confidentiels sur des activités diplomatiques et militaires américaines ; particulièrement en Irak et en Afghanistan. On y découvre notamment des crimes de guerre.

L' acharnement à vouloir liquider d'une manière ou d'une autre Julian Assange tient aux révélations et diffusion sur Wikileaks des agissements de l' armée américaine. Pour rappel les documents attestants de l' assassina de 110 000 irakiens majoritairement civils, de l'usage de la torture a Guantanamo.

Les États-Unis considèrent que ces informations mettent la vie d’agents en danger et poursuivent Julian Assange en justice. Arrêté par la police britanniques en 2019 après sept ans de réclusion dans l' ambassade d' Équateur à Londres.

Nous venons d' apprendre que pour le moment Julian Assange ne sera pas extradé vers les états unis. La justice britannique ayant pour le moment demandé aux États Unis certaines garanties avant de procéder à son extradition. Selon sa femme Stella Assange sa vie est en danger :

 "Son état de santé se détériore au fil du temps, se désole-t-elle. Julian est en danger chaque jour dans cette prison. Il est dans une cellule de deux mètres sur trois. Seul, pendant plus de 21 heures par jour. Il y a un bouton d'urgence mais si vous n'êtes pas capable d’appuyer dessus, si vous faites un malaise, vous ne savez pas combien de temps ça prendra avant que quelqu’un vous voie."

Il est plus que jamais nécessaire de tout faire pour qu' Assange soit libérer, lui qui s' est élevé contre les crimes de guerres , qui se poursuivent actuellement sur la planète comme à Gaza et autres.

A bas la militarisation des économies, A bas les guerres « socialisme ou barbarie » tel est le destin de l'humanité.


 


 


 


 


 


 


 


 

 

29 mars 2024

Les mondes du travail à l’échelle planétaire: entre accroissement, recomposition et rébellions

Par Kim Moody

Article paru dans ECHANGES N 185 Hivers 2023-2024

La classe laborieuse (*) du XXIe siècle est une classe en formation, comme on pouvait s’y attendre dans un monde où le capitalisme n’est devenu universel que récemment. En même temps, Marx lui-même nous rappelait, en parlant du développement des classes en Angleterre où elles s’étaient « le plus classiquement développées », que « même ici, cependant, cette articulation de classe n’émerge pas sous une forme pure » (1). La classe laborieuse, bien sûr, est beaucoup plus large que ceux qui sont salariés à un moment donné. Le fait de se fier uniquement aux chiffres de la population active masque des aspects importants de la vie de la classe laborieuse au sens large, y compris au niveau de sa reproduction sociale. Néanmoins, ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas forment le noyau de la classe laborieuse, autrefois considérée comme un monde masculin, mais aujourd’hui composée pour près de la moitié de femmes. Les limites de taille et de temps de recherche font que cet article se concentre sur les sections employées et quasi employées de cette classe globale. En gardant ces réserves à l’esprit, nous examinerons d’abord la croissance de la main-d’œuvre mondiale de la classe ouvrière au XXIe siècle.

Les forces motrices contemporaines de cette dynamique ont été la mondialisation inégale du capitalisme et la montée simultanée des firmes multinationales après la Seconde Guerre mondiale ; la baisse du taux de profit, qui a commencé à la fin des années 1960, a poussé le capital au-delà de ses anciennes frontières et a provoqué des crises récurrentes ; l’intégration des anciennes économies bureaucratiques « communistes » dans le giron capitaliste ; et, plus récemment, l’approfondissement des chaînes de valeur mondiales (CVM). Ces dernières se développent depuis un certain temps mais, au cours des deux dernières décennies, elles ont façonné la croissance et le changement économiques dans de nombreuses économies en développement, en faisant passer les tâches autrefois non rémunérées de la reproduction, de la production de produits de base et des chaînes d’approvisionnement nationales préexistantes dans la sphère des chaînes de production de valeur du capital multinational. Cela a disloqué certaines industries et certains emplois dans les économies développées, mais a surtout entraîné leur expansion dans de nouveaux domaines. Ainsi, par exemple, bien que la part de la production mondiale dans les pays de l’OCDE ait diminué, les États-Unis et l’UE produisent tous deux fois plus de valeur ajoutée aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans.

Croissance de la main-d’œuvre

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la population active mondiale a augmenté de 25 % entre 2000 et 2019. Les personnes effectuant un travail rémunéré sont passées de 2,6 milliards à 3,3 milliards au cours des deux premières décennies du XXIsiècle, soit également une augmentation de 25 %. Parmi les personnes travaillant (employed au sens de l’OIT), 53 % étaient des salariés, contre 43 % en 1996 ; 34 % étaient considérées comme des travailleurs « à leur propre compte », contre 31 % en 1996 ; 11 % étaient des travailleurs « familiaux », contre 23 % en 1996 ; et 2 % étaient des employeurs, contre 3,4 % cette année-là (2).

Il est évident que même les non-employeurs de ce décompte de l’OIT ne sont pas tous de la classe laborieuse. Beaucoup sont des professionnels salariés ou des cadres de diverses sortes, d’autres sont des propriétaires de petites entreprises, des vendeurs ambulants, etc. Mais on peut dire qu’environ deux tiers, soit un peu plus de deux milliards, des personnes considérées comme employées par l’OIT appartiennent à la classe laborieuse. En même temps, ces travailleurs salariés ne sont pas ceux qui touchent un salaire ou un traitement. Beaucoup de ceux qui sont considérés comme des travailleurs « à leur compte » ou indépendants, ainsi que comme des travailleurs « familiaux », sont en fait enfermés dans la relation capital-travail par le biais des chaînes de valeur avec des sources d’approvisionnement nationales et mondiales élargies qui caractérisent le cycle d’accumulation capitaliste depuis un certain temps. Les travailleurs « à leur compte » ou indépendants sont souvent classés comme tel par les employeurs afin d’éviter les contributions, les impôts, tout en basculant la responsabilité du côté de ces travailleurs.

Les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d’être employées de manière informelle. Cette informalité correspond à une définition légale des travailleurs qui se situent en dehors de la plupart des formes de réglementation étatique de l’emploi. Selon cette définition, la plupart des travailleurs à l’époque de Marx étaient « informels ». Comme le remarque Ursula Huws à propos des diverses formes de travail non rémunéré de reproduction ou de prestation de services individuels « improductifs » (de plus-value), « l’histoire du capitalisme peut être considérée de manière synoptique comme l’histoire de la transformation dynamique de chacun de ces types de travail en un autre, avec [comme Marx l’avait pressenti] l’effet global de faire passer une proportion de plus en plus importante du travail humain dans la catégorie “productive” où il est discipliné par les capitalistes et produit de la valeur pour eux » (3).

Ainsi, la Banque mondiale note que les travailleurs à domicile, qui sont presque exclusivement des femmes, représentent une proportion considérable de la partie inférieure des chaînes de valeur (d’approvisionnement) des entreprises mondiales. En outre, des études sur l’impact de ces chaînes d’approvisionnement montrent qu’une grande partie des travailleurs du secteur informel, classés comme employés « à leur propre compte » ou « familiaux » en Asie du Sud, en Afrique et dans les pays en développement, sont généralement intégrés dans des chaînes de valeur mondiales (4).

Ces chaînes d’approvisionnement dominées par les entreprises ne font pas que relier les économies en développement aux firmes multinationales. Elles reconfigurent l’économie et la main-d’œuvre locales en fonction des besoins de ces entreprises. Même si la majorité des travailleurs d’un pays n’est pas directement liée à une chaîne de valeur de telle ou telle firme, les niveaux d’informalité, les salaires, le rythme de travail et les rapports de genre sont fixés pour l’ensemble des travailleurs par la dynamique et la rapidité des chaînes de valeur mondiales « juste à temps » des multinationales.

Comme le soulignent Bhattacharya et Kesar, la croissance de la production capitaliste en Inde a accru le secteur informel parce qu’il est moins coûteux de s’approvisionner auprès de producteurs de marchandises autrefois insignifiants et de s’occuper des travailleurs domestiques, où les femmes fournissent à la fois un travail (très mal) rémunéré ou en réalisant le travail domestique, de reproduction, non rémunéré ce qui réduit le coût de chaque travailleur. Loin d’être « précapitaliste », cet emploi informel est un produit dérivé de l’universalisation du capitalisme (5).

Le poids des chaînes de valeur mondiales dans le commerce mondial est passé de 45 % au milieu des années 1990 à près de 55 % en 2008, avant de retomber ensuite à environ 50 % (6). Selon les estimations de l’OIT, au cours des deux premières décennies du XXIe siècle, l’emploi dans les transports et les communications a augmenté de 83 %, et celui de la construction de 118 %, plus rapidement que tout autre grand secteur. En termes d’emplois directs, ces secteurs sont composés en grande partie de travailleurs masculins. Néanmoins, un résultat important de la croissance des chaînes de valeur mondiales a été l’augmentation du travail productif des femmes puisqu’elles sont passées de 40 % de la main-d’œuvre employée en 2000 à 49 % en 2019. Dans le secteur manufacturier, qui dépend de ces chaînes de valeur, les femmes sont passées de 41 % à 44 % en 2019 (7).

En outre, de plus en plus de travailleurs ont également été attirés « dans le nœud » des rapports sociaux de production du capital, comme le souligne Ursula Huws, par la marchandisation croissante des services publics et du travail de reproduction sociale, auparavant non rémunéré, c’est-à-dire par l’organisation capitaliste de services auparavant assurés par l’État contre rétribution ou dans le foyer ou la communauté sans rémunération. Un nombre disproportionné de ces travailleurs sont des femmes, qui constituent les deux tiers des travailleurs dans l’éducation, les soins de santé et les services sociaux au niveau mondial (8). Une indication de cette tendance est l’augmentation rapide des « services marchands », qui sont passés de 20 % de l’emploi mondial selon la définition de l’OIT en 1991 à 31 % en 2018. Une autre indication de cette tendance est la diminution des actifs publics en tant que part de la richesse nationale dans tous les principaux pays industrialisés à moins de 10 % pour la plupart d’entre eux (9).

Lorsque l’on examine la recomposition de la classe laborieuse dans les pays de l’OCDE, il est courant de souligner l’augmentation des services et le déclin de la production manufacturée de biens, en supposant que cela équivaut à une réduction quantitative de la classe laborieuse. En fait, la ligne de démarcation entre ces deux secteurs représente un obscurcissement de la façon dont la valeur est créée par la classe laborieuse mondiale dans le capitalisme contemporain. La production de services est également de plus en plus dominée par des firmes géantes impliquées dans les chaînes de valeur mondiales ; sa part dans le commerce de la valeur ajoutée est passée de 31 % en 1980 à 43 % en 2009. Il est important de garder à l’esprit que la production de biens est essentielle à la fourniture de services, et vice versa. Il n’y a pas de services réalisés sans fabrication d’objets et il n’y a pas de biens produits sans l’apport de « services ». Le travail impliqué dans les deux secteurs est supposé produire de la plus-value. La valeur d’usage de la marchandise produite est secondaire. Alors que l’emploi dans le secteur mondial des services a augmenté de 61 % au cours des deux premières décennies du XXIe siècle, la main-d’œuvre industrielle internationale a augmenté de 40 % (10). Cette différence relative de croissance est en partie due à l’augmentation continue de la productivité dans le secteur manufacturier mondial à un rythme plus rapide que l’économie mondiale dans son ensemble, plutôt qu’à une diminution de la production industrielle.

En effet, de 2000 à 2019, ce qui correspond à une période de croissance plutôt modérée, la valeur ajoutée manufacturière mondiale, loin de disparaître, a augmenté de 123 % en dollars courants, soit environ la moitié en termes réels. Dans l’ensemble, contrairement à ce que suggère la notion de société « post-industrielle », la main-d’œuvre manufacturière est passée de 393 millions en 2000 à 460 millions en 2019, tandis que la main-d’œuvre industrielle (fabrication, construction et exploitation minière) est passée de 536 millions à 755 millions au cours de la même période. Cela n’inclut pas les travailleurs des transports, des communications et des services publics, qui sont également essentiels à la production de biens et qui constitueront 226 millions de travailleurs supplémentaires en 2019, contre 116 millions deux décennies plus tôt. Ensemble, ce « noyau » industriel représentait 41 % de la main-d’œuvre non agricole mondiale en 2019 (11). En d’autres termes, les travailleurs industriels du monde, pour emprunter une expression, restent une composante majeure dans la production de valeur et dans la population active. Leur répartition mondiale a toutefois changé.

Dispersion géographique et inégalités

La croissance de la production mondiale et, par conséquent, de la main-d’œuvre ouvrière, n’a cependant pas été répartie de manière égale sur la planète. Alors que les pays de l’OCDE produisent toujours la plus grande part de la valeur ajoutée manufacturière (VAM), les pays en développement ont vu leur part augmenter de 18 % en 1990 à environ 40 % en 2019, tandis que celle des pays anciennement industrialisés est passée de 79 % à 55 % au cours de cette même période. La part de l’UE est passée de 33 % de la production mondiale de VAM en 1990 à 22 % en 2018, tandis que celle de l’Asie est passée de 24 % à 37 % au cours de cette période. La Chine, à elle seule, est passée d’environ 5 % de la production mondiale de VAM en 2000 à 20 % en 2018.

Récemment, une grande partie de l’augmentation de la part de l’Asie dans la VAM est allée à 4 pays seulement : Chine, Inde, Indonésie et Corée du Sud. L’emploi a suivi le mouvement, la part des pays industrialisés dans l’emploi manufacturier passant de 30 % en 1991 à 18 % en 2018 (12). Au XXIe siècle, la croissance du travail « informel », celle de la production de biens et le rôle croissant des femmes dans ces deux domaines se sont produits principalement dans le monde en développement.

Dans le même temps, les bouleversements économiques, politiques et liés à la guerre, ainsi que les dépossessions, ont entraîné une augmentation de la population migrante internationale. Le nombre de personnes vivant en dehors de leur pays d’origine est passé de 173 millions en 2000 à 271 millions en 2019, soit une augmentation de 57 %. La plupart de ces migrants sont en âge de travailler, et 48 %, soit près de la moitié, sont des femmes. Environ 111 millions de personnes ont été classées par l’Organisation internationale pour les migrations comme travailleurs migrants en 2017, ce qui correspond à des transferts de fonds vers leur pays d’origine de 689 milliards de dollars en 2018 (13). Au moins un demi-milliard de personnes perçoivent ces transferts de fonds, contribuant ainsi de manière significative à la reproduction sociale de la classe laborieuse mondiale et réduisant par la même occasion le coût du travail pour le capital international. Comme l’ont souligné Ferguson et McNally, en négligeant le rôle de la migration laborieuse, on « perd de vue les processus internationaux de dépossession et d’accumulation primitive qui, entre autres choses, génèrent des réserves mondiales de main-d’œuvre dont les mouvements transfrontaliers sont au cœur de la production et de la reproduction mondiales du capital et de la main-d’œuvre ». Ainsi, 111 millions de travailleurs supplémentaires entrent et sortent des chiffres statiques de l’OIT sur l’emploi et le processus de formation des classes, en particulier dans les centres de production importants comme les États-Unis, l’Europe et le Moyen-Orient (14).

Le capital dans son ensemble s’est extrêmement bien tiré d’affaire grâce aux réorganisations géographiques, aux progrès technologiques, à la réorganisation de la production et du procès de travail, et même aux crises du système dans sa globalité. Dans l’ensemble, dans la plupart des économies développées et en développement, que les salaires réels aient baissé ou augmenté, la part des revenus du travail dans le PIB a diminué à partir du milieu des années 1970, avec des oscillations, jusqu’en 2019. Par conséquent, la part du capital a augmenté. À titre d’indication, la part du revenu national des 10 % les plus riches a augmenté, tandis que celle des 50 % les plus pauvres a diminué, dans toutes les grandes économies (15). La pauvreté reste une caractéristique centrale du travail dans les pays en développement, malgré les affirmations de sa réduction qui a été obtenue en réalité en manipulant la définition de la pauvreté (NdT). Même en Europe, autrefois le summum de l’État-providence, l’économiste social-démocrate Wolfgang Streeck note que « ce qui suit analysera la trajectoire de la politique sociale européenne sur la longue durée, en montrant qu’elle a muté d’un État-providence social-démocrate fédéral en un programme d’ajustements compétitifs orienté sur les marchés mondiaux » (16). Autrement dit, la classe laborieuse a perdu partout.

Une grande partie de cette inégalité accrue est due au déclin relatif des syndicats et à la stagnation des salaires qui s’en est suivie dans les économies développées, à l’augmentation continue de la productivité manufacturière dans le monde entier et à l’incorporation croissante des travailleurs à bas salaires, formels et informels, des pays en développement dans les systèmes de production mondiaux. Ces tendances ont contribué à l’augmentation des taux d’exploitation partout dans le monde. Comme l’affirme l’économiste politique Anwar Shaikh, « le degré global d’inégalité des revenus repose en fin de compte sur le rapport entre les bénéfices et les salaires, c’est-à-dire sur la répartition de la valeur ajoutée » (17). Pour renforcer ce rapport à la faveur du capital, des méthodes avancées de surveillance, de mesure, de quantification et de normalisation du travail ont été mises en place, qui ont finalement eu un impact sur les travailleurs partout dans le monde.

Technologie et contrôle du travail
Technologie et contrôle du travail

Pour des centaines de millions de travailleurs à travers le monde, le travail reste avant tout un effort physique épuisant, apparemment éloigné du régime de haute technologie de l’automatisation et de la gestion numérique qui en est venu à intensifier le travail. Cependant, peu importe où et comment un travailleur est employé, la rapidité d’exécution et l’intensité des efforts sont déterminés par la mesure et la direction numérique du travail tout au long des vastes corridors des « juste-à-temps » du capital qui s’étendent maintenant à travers le monde.

Ce qui a le plus changé dans la nature du travail au cours des deux dernières décennies est le degré, la pénétration et l’application des technologies numériques qui contrôlent, quantifient, normalisent, modularisent, suivent et dirigent le travail des individus et des équipes (18). Ces technologies s’appuient sur les efforts du taylorisme et de la lean production pour quantifier, fragmenter, normaliser et ainsi contrôler le travail individuel et collectif, quel que soit le produit ou le service qu’il produit. La numérisation d’une grande partie des technologies mobilisées dans le cadre du travail permet de mesurer et de décomposer le travail en nanosecondes, par opposition aux minutes et aux secondes de Taylor, et d’obtenir une précision absente de la simple élimination des temps morts via le management par le stress que l’on retrouve dans la lean production. Cela signifie également que chaque aspect du travail est désormais quantifié. La simplification par la quantification permet la rapidité, et la rapidité exige la quantification. Le stress peut être mesuré, mais pas l’émotion, les effets de la formation professionnelle ou les compétences tacites de tous les travailleurs.

Tout cela s’applique aux services déjà transformés au XXsiècle, passant du service domestique et des travaux effectués par des artisans locaux ou des petites entreprises à des fournisseurs d’entreprises, puis réorganisés selon des principes du lean management, et maintenant pilotés numériquement – des centres d’appel aux hôtels en passant par l’entretien des bâtiments. La quantification numérique s’applique également aux activités professionnelles dans des domaines tels que les soins de santé et l’éducation. Les données sont recueillies au cours de l’exercice de la prestation de travail pour être utilisées ensuite contre leur profession, ce qui est tout aussi vrai dans une usine ou un entrepôt. Ainsi, les enseignants sont mesurés par les notes des étudiants (prétendument le produit de l’enseignant) à partir de tests standardisés basés sur des « connaissances standardisées qu’ils sont obligés d’enseigner pour tester ». Pendant ce temps, les infirmières des hôpitaux peuvent être suivies par GPS et dirigées par des systèmes algorithmiques d’aide à la décision clinique qui recommandent des traitements standardisés. Ainsi, le personnel infirmier pourra être remplacé par des travailleurs moins qualifiés et moins coûteux effectuant des tâches standardisées. Étant donné qu’il s’agit principalement de travailleuses effectuant un « travail émotionnel », le contenu émotionnel du travail est considéré comme une gratification non reconnue par le capital – l’aspect non rémunéré du travail de reproduction sociale qui est effectué au travail plutôt que dans la sphère domestique (19).

Ce n’est pas pour rien qu’Amazon est l’exemple le plus cité de travailleurs dirigés à l’aide du numérique. Une étude récente d’un centre d’épanouissement Amazon en Californie décrit le contexte dans lequel les employés travaillent : « Afin de chorégraphier le ballet brutal qui s’ensuit lorsqu’un consommateur clique sur “passez votre commande” pour une livraison le lendemain sur Amazon Prime, la compagnie met à profit ses prouesses algorithmiques et techniques au sein de son vaste réseau de communication et de technologie numérique, de ses entrepôts et de ses machines, en “flexibilisant” numériquement sa main-d’œuvre en fonction des fluctuations de la demande des consommateurs. » Dans des installations identiques à travers le monde, le travail lui-même est guidé par des scanners et des ordinateurs de poche ou de poignet qui suivent, chronomètrent et guident les travailleurs vers le bon produit. Les travailleurs ont droit à 30 minutes de temps « hors tâche », c’est-à-dire de temps où ils ne sont pas en mouvement. En outre, ils sont poussés à des cadences élevées par des robots Kiva qui effectuent également le ramassage des produits dans les rayonnages (20). On observe la même tendance partout, à moins que la résistance des travailleurs ne la freine.

Une autre dimension de la technologie actuelle sur le lieu de travail est rarement mentionnée : tout comme la main-d’œuvre mondiale, celle des entrepôts d’Amazon est multiraciale et multinationale. Comme l’a souligné la vague internationale de manifestations de Black Lives Matter en juillet 2020, la racialisation et le racisme, bien qu’ils soient particulièrement enracinés aux États-Unis, sont présents dans le monde entier et y sont ancrés depuis l’époque de l’esclavage et du colonialisme. Le racisme sous le capitalisme n’est pas seulement un moyen de diviser la classe laborieuse, mais aussi d’imposer une condition subalterne aux groupes raciaux ou ethniques dont les « opportunités dans la vie » sont restreintes par des barrières raciales ou ethniques. C’est une force dans la formation de classe. C’est pourquoi les Afro-Américains appartiennent de manière disproportionnée à la classe laborieuse en étant des travailleurs pauvres. Le capitalisme a peut-être hérité du racisme de l’époque de l’esclavage et de la conquête coloniale, mais il a également divisé le travail et les travailleurs sur des bases raciales, ethniques, sexuelles et nationales inégales pendant des générations (21). Comme les pratiques managériales en général, la technologie classe les travailleurs par professions, rangs, compétences, attitudes, etc. et porte les marques de cet héritage.

L’intelligence artificielle (IA) et les algorithmes sont programmés par des êtres humains élevés dans ce contexte historique, qui possèdent le plus souvent un grand nombre de ses hypothèses séculaires, souvent inconscientes, tout en utilisant des données nécessairement fondées sur le passé. Comme l’a constaté un analyste : « Le passé est un lieu très raciste. Et nous n’avons que des données du passé pour former l’intelligence artificielle » (22). L’argument d’un mathématicien concernant les résultats raciaux des programmes d’IA utilisés par la police pour « prédire » les zones à forte criminalité s’applique à tous les aspects de la vie : les données raciales biaisées « créent une boucle de rétroaction pernicieuse » qui renforce les stéréotypes raciaux et, par conséquent, l’affectation des travailleurs et la distribution inégale des « opportunités de vie » raciales (23).

L’un des exemples les plus scandaleux est celui de la technologie de reconnaissance faciale, utilisée par les employeurs et les services de police, qui ne parvient pas à distinguer les individus au teint sombre les uns des autres (24). Ce n’est guère un hasard si la plupart des travailleurs surmenés et mal payés de cet entrepôt californien d’Amazon sont latinos ou noirs. Le racisme, après tout, est l’une des armes de la lutte des classes du capital, désormais intégrée dans sa technologie. Il en va de même pour le genre et le sexisme. Par exemple, les Clinical Support Decision Systems ou systèmes de décision clinique imposés aux infirmières sont basés sur des études cliniques qui « excluaient systématiquement les femmes et les minorités » (25)…

Le travail et le contrôle des corridors du capital
Le travail et le contrôle des corridors du capital

La technologie, les modèles d’emploi et les flux de biens, de services et de capitaux qui caractérisent la production nationale et façonnent le monde du travail reposent à leur tour sur une infrastructure matérielle internationale de plus en plus importante pour la circulation des produits et de la valeur dans le monde entier. Ces corridors matériels du capital sont principalement constitués de routes, de rails, de voies de navigation, de ports, de pipelines, d’aéroports et d’entrepôts traditionnels. Mais ils comprennent maintenant d’énormes grappes logistiques urbaines d’installations et de main-d’œuvre, des kilomètres de câbles à fibres optiques qui ne sont utilisés à grande échelle que depuis la fin des années 1990, des centres de données dont les applications sont encore plus récentes et des entrepôts reconfigurés pour le mouvement plutôt que pour le stockage et transformés par la technologie. Cette infrastructure essentiellement intégrée est créée par le travail de millions de personnes qui la construisent et l’entretiennent, et dépend de lui. Si la technologie impose des contrôles, la dépendance de l’infrastructure à l’égard d’apports continus de main-d’œuvre donne aux travailleurs leur propre contrôle potentiel – la capacité de ralentir ou d’arrêter le mouvement incessant de la valeur du capital et, par conséquent, le processus d’accumulation.

Rappelons que Marx voyait le transport et les communications comme faisant partie du secteur produisant de la valeur (26). Ainsi, les dizaines de millions de travailleurs à travers le monde dans ces dépôts intégrés de capital constant fixe [NdT: Le capital variable fait référence à la masse salariale (variable) tandis que le capital constant fixe correspond au capital immobilisé dans la technologie, les outillages, le bâtiment, etc.] et dans les camions, trains, bateaux, avions, stations de câbles et centres de données qui permettent de transporter ces marchandises, les données et les finances à travers cette infrastructure, sont des travailleurs de production autant que ceux des usines ou des sites de prestation de services. Ils font fonctionner les circuits du capital et fournissent une grande partie de la vitesse à laquelle ces circuits tournent. C’est par ces voies de transport et de communication que ces circuits de capital se déplacent selon la formule familière de Marx, A – M – A’  [qui correspond au cycle d’accumulation Argent => Marchandises => Argent’ car majoré par le procès de travail]  et qui se répète séquentiellement et simultanément des millions de fois par jour. La vitesse à laquelle cela se produit détermine le profit potentiel (27). Et, bien sûr, sous l’impulsion de la concurrence mondiale, la vitesse et la livraison « juste à temps » sont devenues des caractéristiques majeures de la production et de la logistique contemporaines.

Cela est tout aussi vrai pour ceux qui travaillent dans le domaine de la circulation des données, des informations et de l’argent que pour ceux qui conduisent sur une route, font fonctionner un porte-conteneurs, entretiennent un pipeline ou travaillent dans une usine, c’est-à-dire tous ces travailleurs qui fusionnent la force de travail vivante avec la le travail mort déjà accumulé pour continuer à produire de la valeur. Aucune de ces infrastructures, ni les biens d’équipement qui les parcourent, ne prennent vie sans la main et l’esprit du travail vivant. Même le système le plus automatisé nécessite une maintenance et des réparations constantes. Par exemple, au début de 2020, les 39 centres de données d’Amazon aux États-Unis et en Irlande, censés être entièrement automatisés, employaient quand même 10 000 salariés indispensables pour les faire fonctionner (28).

Ce que l’on appelle le cloud, « le nuage » ou le cyberespace n’est rien d’autre qu’un complexe matériel étendu de câbles à fibres optiques, de centres de données, d’émetteurs et d’ordinateurs. Comme l’affirme un article du New York Times : « Les gens pensent que les données sont dans le cloud, mais ce n’est pas le cas. Elles sont dans l’océan. »  En fait, elles se trouvent aussi sur et sous terre ainsi que sous la mer, suivant les chemins tracés à l’origine au milieu du XIXsiècle pour les câbles télégraphiques.

Aujourd’hui, les câbles à fibres optiques acheminent 95 % du trafic Internet. L’ensemble du système matériel connecté et ses parties sont très vulnérables, et les ruptures ou perturbations sont fréquentes (29).

Le système est posé et réparé par les travailleurs des navires câbliers, ceux des stations de câblage du monde entier, les travailleurs des entreprises nationales de télécommunications et ceux des nombreux et gigantesques centres de données qui, comme l’a écrit James Bridle, « génèrent de telles quantités de chaleur perdue et nécessitent des quantités correspondantes de refroidissement, à partir d’hectares de systèmes de climatisation » (30). Tout cela exige à son tour la mobilisation du travail humain pour fonctionner. À chaque point de ce mouvement apparemment immatériel de données et d’argent, il y a toutes sortes de travailleurs qui ont des compétences différentes sans lesquels il n’y aurait pas de mouvement. Il n’y a pas de numérisation sans manipulation humaine.

Dans une période où les niveaux d’investissement en capital sont relativement faibles, d’innombrables milliards ont été versés pour l’extension et l’approfondissement de cette infrastructure. Si l’on considère une mesure un peu plus large de l’infrastructure, Price Waterhouse Coopers estime que 1 700 milliards de dollars ont été investis par des sources privées dans l’infrastructure entre 2010 et 2017, dans un secteur où l’investissement public joue souvent le rôle principal (31). De nouveaux câbles sont posés régulièrement, des ports et des canaux sont creusés ou dragués, de nouveaux rails de câbles transcontinentaux sont incorporés, davantage d’aéroports sont construits et les anciens sont agrandis (32). Aussi importants que soient ces nouveaux investissements, ils ne représentent que le coût initial et la main-d’œuvre nécessaire. Comme l’explique Akhil Gupta à propos des nombreux projets d’infrastructure dans le monde, « dès que le projet est terminé et officiellement déclaré ouvert, il commence déjà à être réparé » (33). Autrement dit, le « travail mort » – les dispositifs automatisés– impliqué dans l’infrastructure nécessitent un apport constant de travail vivant pendant toute sa vie de fonctionnement.

L’une des forces majeures de cette expansion des infrastructures a été l’initiative du président chinois Xi Jinping en faveur d’une nouvelle route de la soie, lancée en 2013. Cette initiative a permis de financer, en grande partie grâce à des prêts, un réseau de super-autoroutes, de lignes ferroviaires de la Chine vers l’Europe, de ports et d’aéroports qui « s’étend dans le Pacifique, l’océan Indien et jusqu’en Afrique » ainsi qu’au Moyen-Orient et en Europe. En 2015, la Chine avait mis de côté 890 milliards de dollars pour 900 projets (34). En 2019, elle s’est concentrée sur l’énergie, les infrastructures et les transports avec un investissement potentiel global estimé à environ 1 400 milliards de dollars – une échelle jamais vue auparavant, selon l’analyste Daniel Yergin (35). De telles entreprises signifient l’emploi d’un grand nombre de travailleurs à travers les vastes espaces de l’Asie centrale et du Sud, du Moyen-Orient et de l’Afrique, qui donnent vie à ces projets et qui, grâce à une action collective, peuvent également les arrêter.

Une ère de rébellion : classe ou multitudes ?

 Tout cela s’est produit dans une période de turbulences économiques et de crises récurrentes, une crise climatique qui ne peut plus être ignorée, et plus récemment la pandémie de Covid-19. Chacun de ces événements a contribué, à un degré ou à un autre, à une recrudescence spectaculaire de l’activisme social, de grèves et de mobilisations de masse en opposition au statu quo. Presque partout, ces grèves, manifestations de masse et mobilisations ont été le résultat de changements économiques, de bouleversements et de détresse parfois exacerbés par la guerre. Mais elles étaient avant tout politiques dans la mesure où elles étaient principalement dirigées contre les gouvernements et les politiques néolibérales – et la corruption qui les accompagne – qui ont infligé des souffrances à la majorité des gens dans le monde. La poussée internationale qui a commencé au printemps 2011 dans le monde arabe, et qui s’est poursuivie et même accélérée pendant la pandémie de Covid-19 de 2020, a été bien trop massive pour être décrite en détail ici. Je vais plutôt tenter d’analyser certaines de ses principales caractéristiques et le rôle de la classe laborieuse dans cette recrudescence générale de l’action collective.

Selon une analyse des « troubles civils », en 2019, réalisée par la société d’évaluation des risques Veririsk Maplecroft, 47 pays, soit près d’un quart de l’ensemble des nations, ont connu des troubles civils majeurs rien qu’en 2019. Ce décompte montre que ces protestations ont balayé toutes les régions du monde autres que l’Amérique du Nord (36). Il manque dans leur décompte certaines actions importantes en Amérique du Nord, y compris plusieurs grandes grèves, l’énorme poussée de Black Lives Matter, et les mobilisations de rue et les grèves de masse de juillet à Porto Rico (37). A ces « troubles civils » se sont ajoutées de nouvelles mobilisations de masse très visibles et des manifestations en cours en 2020 en Biélorussie, en Thaïlande et dans l’Extrême-Orient russe ; des grèves de masse en Indonésie ; ainsi que la recrudescence de Black Lives Matter aux États-Unis et une grande partie du monde (38).

Nombre de ces mobilisations ont été lancées par des étudiants ou des militants de différentes classes sociales. Il convient donc de se demander quel a été le rôle exact des travailleurs et des organisations du monde du travail dans tous ces « troubles civils ».

David McNally a analysé le « retour de la grève» de masse de manière très détaillée. En examinant les grèves de masse depuis la récession de 2008, il écrit en 2020 : « Au cours de la décennie qui a suivi la grande récession, nous avons assisté à une série d’énormes grèves générales – Guadeloupe et Martinique, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Colombie, Chili, Algérie, Soudan, Corée du Sud, France, et bien d’autres – ainsi qu’à des vagues de grèves qui ont contribué à faire tomber des chefs d’État – Tunisie, Égypte, Porto Rico, Soudan, Liban, Algérie, Irak » (39).

En outre, il y a eu des grèves de masse de différemment suivies dans le monde, souvent liées à des questions de reproduction sociale, notamment les grèves des enseignants de 2018-2019 aux États-Unis. Comme le souligne McNally, la grève de masse a également été adoptée par le mouvement des femmes, notamment lors des grèves internationales des femmes qui ont parcouru 50 pays en 2017 et en 2018 au nom du « féminisme des 99 % » . Certaines grèves de masse, rapporte-t-il, ont eu lieu au milieu de mobilisations plus larges dans les rues et sur les places du monde entier, comme celles de Hong Kong, du Chili, de Thaïlande, d’Ukraine, du Liban et d’Irak (40).

Quelques chiffres généraux montrent que l’action des travailleurs a été au centre de cette recrudescence. L’Institut syndical européen calcule que, entre 2010 et 2018, il y a eu 64 grèves générales dans l’UE, dont près de la moitié en Grèce (41). Plus largement, l’OIT, en ne prenant en compte que 56 pays, estime qu’il y a eu 44 000 arrêts de travail entre 2010 et 2019, principalement dans le secteur manufacturier. L’auteur de l’OIT note cependant que, compte tenu des limites des données, le nombre de grèves « pourrait être bien supérieur à 44 000 » (42). Rien qu’en Chine, le China Labour Bulletin a recensé quelque 6 694 grèves entre 2015 et 2017 dans des secteurs très variés. Yu Chunsen estime à 3 220 le nombre de grèves des travailleurs de l’industrie manufacturière en Chine de 2011 à mai 2019, malgré la nature précaire du travail, la migration interne massive vers les villes et l’interdiction des grèves par le gouvernement (43). Nous voyons ici un exemple clair de la fusion des travailleurs migrants informels avec la main-d’œuvre formelle – et de leurs actions ultérieures.

Nous savons que les syndicats ont joué un rôle important dans bon nombre des luttes récentes, même lorsque les dirigeants des classes moyennes se sont placés au-devant des masses. En Biélorussie, par exemple, une interview sur la BBC d’un dirigeant syndical a révélé qu’il était l’un des principaux chefs de file de la rébellion. Dans une analyse détaillée du Printemps arabe, Anand Gopal note que si les travailleurs syndiqués ont joué un rôle clé dans la plupart des révoltes populaires arabes, dans les premières phases de l’essor syrien, les masses ouvrières fragmentées sont venues en premier lieu des bidonvilles et que « la base du mouvement était constituée de travailleurs précaires, semi-employés, qui ne possédaient tout simplement pas le pouvoir structurel de menacer l’élite syrienne » (45).

En d’autres termes, une grande partie de la base de masse de 2011 provenait à la fois de la classe laborieuse organisée et des travailleurs informels dans la plupart des pays arabes, dont beaucoup, comme nous l’avons vu ci-dessus, auraient été à un moment ou à un autre attirés dans les chaînes de valeur globales du capital multinational travaillant dans les champs pétrolifères, sur les oléoducs, sur le canal de Suez et dans les nombreux ports du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Gopal soutient que leur précarité et leur emploi informel signifient qu’ils avaient peu de pouvoir. Pourtant, dans de nombreux pays en développement, ces travailleurs se sont organisés dans leurs quartiers et par le biais de syndicats nationaux, d’associations de travailleurs informels, d’organisations de travailleurs migrants et de coopératives, ainsi que sur les lieux de travail, pour prendre d’assaut les rues et les places, comme le font les travailleurs depuis des générations (46).

La composition de classe apparemment mixte d’un grand nombre de grévistes et de manifestants de masse est également le résultat de la « prolétarisation » des catégories instruites, telles que les enseignants et les infirmières, dont les emplois avaient été normalisés et soumis à une gestion plus stricte par les processus décrits ci-dessus, ainsi que de la descente de nombreux jeunes milléniaux instruits dans les emplois de la classe laborieuse. Ici, les lignes de classes semblent floues, mais le destin social de la majorité de cette génération et de la suivante est clairement celui de la classe laborieuse. Certains d’entre eux se manifestent par des grèves des travailleurs de plate-forme, ou des livreurs et autres travailleurs, nouvellement découverts comme « essentiels » à la reproduction sociale dans le contexte de la pandémie, ce qui est susceptible d’accélérer cette transformation sociale.

Ce qui semble clair, que les étudiants aient joué un rôle d’initiateur ou pas, et que les professionnels et les politiciens de la classe moyenne aient pris en charge le leadership, la plupart des rébellions de la dernière décennie étaient avant tout des rébellions de la classe laborieuse dans sa composition, et que, dans une large mesure, ils ont utilisé l’arme traditionnelle de la grève de masse. C’était le cas, qu’ils soient syndiqués ou non, ou qu’ils aient un emploi permanent ou pas, tout comme les masses analysées par Rosa Luxemburg dans La Révolution russe de 1905, dont les grèves « montrent une telle multiplicité de formes d’action les plus variées » (47). Toute

dancette période a constitué un exemple d’autoactivité de la classe laborieuse avec des revendications à la fois économiques et politiques.

Pourtant, nulle part les grèves ou les mobilisations de masse ont cherché à conquérir le pouvoir politique pour les travailleurs eux-mêmes ou suivant un programme approchant le socialisme. Nulle part, la classe laborieuse ou les classes mixtes en transition ont été organisées pour de tels objectifs. Dans certains cas, il ne semblait pas y avoir de dirigeants reconnaissables. Pourtant, les participants étaient organisés en « une multiplicité de formes d’action les plus variées » et en organisations, souvent par le biais de mobilisations rendues possibles par les réseaux sociaux.

La difficulté d’analyser le potentiel de cette ère de rébellion est aggravée par l’impact incertain des trois crises du capitalisme, et en particulier l’effet de la pandémie, sur diverses industries et les chaînes de valeur mondiales. Cette réflexion fera l’objet d’un autre article. Dans l’intervalle, la compréhension la plus utile du potentiel de la rébellion actuelle est décrite par McNally : « Les nouveaux mouvements de grève sont les signes avant-coureurs d’une période de recomposition des cultures de résistance ouvrières militantes, le sol fertile même à partir duquel une orientation socialiste peut se développer » (48). Il est impossible de prévoir si cette recomposition contribuera à produire une révolte sociale mondiale. Mais comme l’écrit Mark Meinster, représentant du syndicat des travailleurs de l’énergie, dans Labor Notes, « les poussées de la classe laborieuse se produisent souvent dans un contexte de profonds changements sociaux dans l’ensemble de la société tels qu’une dislocation économique abrupte et généralisée, une perte profonde de légitimité des élites dirigeantes ou une instabilité politique hors du commun » (49). Cela décrit très précisément la situation à laquelle le monde du travail est confronté aujourd’hui. (Traduction par Les Mondes du Travail. Cette revue nous a offert la possibilité de reproduire ce texte)

Kim Moody a été le fondateur du réseau syndical étatsunien ainsi que du site et de la revue ayant pour nom Labor Notes. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le travail et l’action collective dont On New Terrain: How Capital Is Reshaping the Battleground of Class War, Haymarket Books, 2017. Il est actuellement enseignant chercheur à l’université de Westminster à Londres.

Notes

(*) Note de la traduction: dans la conceptualisation de Kim Moody, la ‘working class’ inclut les cols blancs, employés, ingénieurs et techniciens. Nous avons donc choisi d’utiliser la notion de «classe laborieuse » au lieu de celle de «classe ouvrière » qui est habituellement définie à partir du périmètre des catégories socio-professionnelles.

  1. Karl Marx, Capital, vol. III, Londres, Penguin Books, 1981, p. 1025.

  2. International Labour Office, « World Employment and Social Outlook: Trends 2020 », ILO, 2020, p. 19 ; International Labour Organization, « ILO Modelled Estimates: Employment by Sector: Annual», nov. 2019, MBI_33_EN(2).xlsx; International Labour Office, « Global Wage Report 2008/09 », ILO, 2008, p. 10.

  3. Ursula Huws, « Social Reproduction in Twenty-First Century Capitalism », Leo Panitch et Greg Albo (sous la dir. de), Socialist Register 2020, Londres, The Merlin Press, 2019, p. 169.

  4. The World Bank, « Report 2020 », p. 88 ; Snehashish Bhattacharya et Surbhi Kesar, « Precarity and Development: Production and Labor Process in the Informal Economy in India », in Review of Radical Political Economics, vol. 52, n° 3, 2020, p. 387-408 ;Kate Maegher, « Working in Chains: African Informal Workers and Global Value Chains », in Agrarian South: Journal of Political Economy, vol. 8, n° 1-2, 2019, p. 64-92 ; ILO, « Interactions Between Workers’ Organizations and Workers in the Informal Economy: A Compendium of Practice », ILO, 2-19, p. 13-14.

  5. Bhattacharya et Kesar, « Precarity… », op. cit., p. 387-408.

  6. World Bank, « Report 2020 », p. 19.

  7. ILO, « World Employment », p. 19 ; ILO, « ILO Modelled Estimates », nov. 2019 ; Bhattacharya et Kesar, « Precarity », p. 387-408 ; Kate Maegher, « Working in Chains », op. cit., p. 64-92.

  8. Ursula Huws, « Labor in the Digital Economy: The Cybertariat Comes of Age », in Monthly Review, 2014, p. 149-181 ; ILO, « LO Modelled Estimates ».

  9. World Inequality Lab, « World Inequality Report 2018, Executive Summary », World Inequality Lab, 2017, p. 11 ; ILO, « World Employment and Social Outlook – Trends 2019 », ILO, 2019, p. 14.

  10. World Bank, « Employment in Industry (% of total employment) (modelled ILO estimate)» ; World Bank, « Employment in Services (% of total employment) (modelled ILO estimate) ».

  11. World Bank, « Manufacturing Value Added ($US current» ; World Bank, « World Development », p. 27 ; Unido, « Industrial Development Report 2020 », United Nations Industrial Development Organization, 2019, p. 150; ILO, « ILO Modelled Estimates ».

  12. Unido, « Report 2020 », p. 144-149 ; BDI, Global Power Shift11 nov. 2019,

  13. International Organization for Migration, « World Migration Report 2020 », 2019, p. 3, 21.

  14. Susan Ferguson et David McNally, « Precarious Migrants: Gender, Race and the Social Reproduction of a Global Working Class », Leo Panitch et Greg Albo (sous la dir. de), Socialist Register 2015, Dublin, Merlin Press, 2014, p. 1, 3.

  15. Unctad, « Trade and Development Report 2020 »UN Conference on Trade and Development, 2020, p. 6 ; World Inequality Lab, « Report 2018 », p. 5-8.

  16. Wolfgang Streeck, « Progressive Regression: Metamorphoses of European Social Policy », in New Left Review, 118, juillet-août 2019, p. 117.

  17. Anwar Shaikh, Capitalism: Competition, Conflict, Crises, Oxford, 2016, p. 755

  18. Ursula Huws, Digital Economy, op. cit., p.94-96.

  19. Institute for Health and Socio-Economic Policy, « Health Information Basics », 2009, p. 4-7 ; Lois Weiner, « Walkouts Teach U.S. Labor a New Grammar for Struggle », in  New Politics, n°65, été 2018, p. 3-13 ; Will Johnson, « Lean Production », Shawn Gude et Bhaskar Sunkara (sous la dir. de), Class Action: An Activist Teacher’s Handbook, Jacobin Foundation, 2014, p. 11-31 ; Ursula Huws, Digital Economy, op. cit., p. 34-41.

  20. Jason Struna et Ellen Reese, « Automation and the Surveillance-Driven Warehouse in Inland Southern California », Jake Alimahomed-Wilson et Ellen Reese (sous la dir. de), The Cost of Free Shipping: Amazon in the Global Economy, Pluto Press, 2020, p. 90-92 ; James Bridle, New Dark Age: Technology and the End of the Future, Londres,Verso, 2018, p. 114-116.

  21. Voir David R. Roediger et Elizabeth D. Esch, The Production of Difference: Race and the Management of Labor in U.S. History, Oxford, 2012.

  22. James Bridle, Dark Age, op. cit., p. 144-145.

  23. Cathy O’Neil, Weapons of Math Destruction: How Big Data Increases Inequality and Threatens Democracy, Londres, Penguin Books, 2016, p. 87.

  24. James Bridle, Dark Age, op.cit., p. 139-144.

  25. Institute for Health, p. 4-7.

  26. Karl Marx, Grundrisse: Introduction to the Critique of Political Economy, Londres, Penguin Books, 1973, p. 533-534 ; Karl Marx, Capital, vol. IILondres, Penguin Books, 1978, p. 226-227.

  27. Karl Marx, Grundrisse, op. cit., p. 517-518.

  28. Datacenters.com, « Amazon AWS, maps and photos» (consulté 4/20/20).

  29. Allan Satariano, « How the Internet Travels Across Oceans», in New York Times, 10 mars 2019 ; Nicole Starosielski, The Undersea Network, Durham, Duke University Press, 2015.

  30. James Bridle, Dark Age, op. cit., p. 61 ; Nicole Starosielski, The Undersea Network, op. cit.

  31. PwC, « Global Infrastructure Investment: The Role of Private Capital in the Delivery of Essential Assets and Services », Price Waterhouse Coopers, 2017, p. 5.

  32. Voir Laleh Khalili, Sinews of War and Trade: Shipping and Capitalism in the Arabian Peninsula, Dublin, Verso, 2020.

  33. Akhil Gupta, « The Future in Ruins: Thoughts on the Temporality of Infrastructure » Nikhil Anand et al. (sous la dir. de), The Promise of Infrastructure, Durham, Duke University Press, 2018, p. 72.

  34. Peter Frankopan, The New Silk Roads: The Present and Future of the World, Londres, Bloomsbury, 2018, p. 89-114.

  35. Daniel Yergin, The New Map: Energy, Climate, and the Clash of Nations, Allen Lane, 2020,p. 181.

  36. Miha Hribernik et Sam Haynes, « 47 Countries Witness Surge in Civil Unrest – Trend to Continue in 2020», Maplecroft, 16 janv., 2020 ; Saeed Kamali Dehghan, « One in Four Countries Beset by Civil Strife as Global Unrest Soars », in Guardian, 16 janv., 2020.

  37. Rafael Bernabe, « The Puerto Rican Summer », in New Politics, n° 68, hiver 2020, p. 3-10.

  38. Dera Menra Sijabat et Richard C. Paddock, « Protests Spread Across Indonesia Over Job Law», in New York Times, 8 oct. 2020.

  39. David McNally, « The Return of the Mass Strike: Teachers, Students, Feminists, and the New Wave of Popular Upheavals, in Spectre, vol. 1, n° 1, printemps 2020, p. 20.

  40. David McNally, « The Return of the Mass Strike… », op. cit., p. 15-27.

  41. European Trade Union Institute, « Strikes in Europe», 7 avril 2020.

  42. Rosina Gammarano, « At least 44,000 work stoppages since 2010», ILO, 4 nov. 2019.

  43. Yu Chunsen, « All Workers Are Precarious: The “Dangerous Class” in China’s Labour Regime », Leo Panitch et Greg Albo (sous la dir. de), Socialist Register2020…, op. cit., p.  156.

  44. Ksenia Kunitskaya et Vitaly Shkurin, « In Belarus, the Left Is Fighting to Put Social Demands at the Heart of the Protests»,in Jacobin, 17 août 2020.

  45. Anand Gopal, « The Arab Thermidor », in Catalyst, vol. 4, n° 2, été 2020, p. 125-126.

  46. Pour de multiples exemples, voir ILO, « Interactions Between Workers’ Organizations and Workers in the Informal Economy: A Compendium of Practice », ILO, 2019 ; Ronaldo Munk et al.,Organizing Precarious Workers in the Global South, New York, Open Society Foundations, 2020.

  47. Rosa Luxemburg, « The Mass Strike, the Political Party and the Trade Unions », Mary-Alice Waters (sous la dir. de), Rosa Luxemburg Speaks, Pathfinder Press, 1970, p. 163, 153-218.

  48. David McNally, « The Return of the Mass Strike… », op. cit., p. 16.

  49. Mark Meinster, « Let’s Not Miss Any More Chances » in Labor Notes, n°  500, novembre 2020, p. 3.

 

Nouveau commentaire sur votre article « La dynamique capitaliste des économies étatisées (Adam Buick et John Crump 1986) »
Auteur/autrice : Luis Júdice (adresse IP : 79.168.8.148, a79-168-8-148.cpe.netcabo.pt)
E-mail : albertojudice@netcabo.pt

Ce que j'expose ci-dessous contient ce que je ne partage pas et où je diffère de ce qu'Adam Buick et John Crump exposent dans leur texte The Capitalist Dynamics of Statist Economies, que j'espère pouvoir vous envoyer bientôt avec les détails correspondants.

Dans sa révolution victorieuse, la bourgeoisie a fait de l'argent un capital, c'est-à-dire qu'elle a conditionné l'argent à une fonction spécifique dans le processus de production, à savoir la médiation de la formation du produit excédentaire ou de la plus-value par le biais du capital salarial. L'argent, au sens bourgeois, est indexé sur la plus-value, sur le produit excédentaire, et non sur le produit, la plus-value qui est à son tour étroitement liée à la propriété privée des moyens de production et à la propriété privée de la force de travail.

La grande réalisation de la bourgeoisie a été le droit privé inaliénable à la richesse monétaire et à la propriété des moyens de production, ce qui n'était pas le cas sous l'ancien régime parce que les principaux moyens de production, et même la richesse, étaient tenus captifs par le souverain, le roi, y compris les obligations qui accompagnaient la propriété liée parce que leur accomplissement était également suprêmement contrôlé par la couronne.

La monnaie, en étant indexée sur le produit (et non sur la propriété privée des moyens de production et la propriété privée de la force de travail) résout le problème de l'établissement de la révolution communiste - la révolution bourgeoise a également eu lieu en tant que processus dans un temps successivement construit et non comme un coup de baguette magique dans un conte de fées. En d'autres termes, ce n'est pas l'indexation sur un produit excédentaire ou une plus-value qui détermine l'émission monétaire et la quantité de monnaie en circulation, mais l'indexation sur la nature et la culture qui leur donnera une raison d'être tant qu'elles seront socialement nécessaires.

En indexant la monnaie sur la propriété (propriété des moyens de production et propriété de la force de travail), la bourgeoisie a résolu son problème économique. L'argent indexé sur la double propriété privée des moyens de production et de la force de travail est un capital. Et il est capital parce qu'il implique une production sociale exponentielle en même temps que le droit inaliénable de s'approprier les richesses pour ceux qui les possèdent.

La propriété privée de la force de travail est pleinement assumée avec la fin du servage et l'abolition de l'esclavage. Avec la fin du servage et de l'esclavage, la propriété privée de la force de travail devient une réalité sociale.
La révolution communiste, en supprimant l'achat et la vente des moyens de production en même temps qu'elle interdit l'achat et la vente de la force de travail, libère l'humanité à la fois de la tutelle du propriétaire des moyens de production et de l'aliénation du propriétaire de la force de travail.

Le travail cesse alors d'être une humiliation et la propriété n'est plus le privilège de quelques-uns.

Ce que je viens d'expliquer contient ce que je ne partage pas et ce en quoi je diffère des propos d'Adam Buick et de John Crump, et j'espère pouvoir vous envoyer bientôt les détails correspondants.

Pedro Pacheco
Ilha de S. Miguel, Azores

 

24 mars 2024

ACTIONS ET INFORMATIONS ANTI-GUERRE Mars 2024

Assemblées débat Paris 23 mars: Combattre ensemble l'impérialisme.

Débat national organisé à Paris le samedi 23 mars à 14h00 au Maltais Rouge 40 rue de Malte 75011 Paris (métro République).

Le Parti Révolutionnaire COMMUNISTES accorde une place importante à la question de l'impérialisme comme forme du capitalisme à l'échelle mondiale et cela au moins pour deux raisons majeures :

  • Les décisions des monopoles capitalistes le sont à l'échelle internationale et la division du travail entraîne la mise en mouvement des forces productives conjointement dans de nombreux pays. Les chaînes de production de la valeur sont complexes et largement internationalisées.

  • Les affrontements au sein de l'impérialisme se font plus aigus dans la logique de recherche des marchés et des taux de profits et d'accumulation les plus élevés pour le capital, ils ont pour objet la conquête des sources de matières premières, le contrôle des voies de communications matérielles et immatérielles et de la force de travail.

Penser que l'on peut s'abstraire de ces réalités est une pure fiction et n'aide en rien à comprendre les enjeux des décisions prises par les multinationales dans leurs stratégies de mise en mouvement du capital.

De l'analyse que nous faisons de l'étape actuelle de développement du capitalisme et de celle de ses contradictions et affrontements, résulte la stratégie politique que nous développons comme force politique révolutionnaire qui entend contribuer à détruire le système d'exploitation capitaliste et construire une société socialiste. Elle détermine la nature des relations que nous développons au plan international avec le mouvement communiste et ouvrier.

Au regard des enjeux ainsi exprimés, il est donc tout à fait nécessaire de mener un débat approfondi sur la question de la nature du système impérialiste aujourd'hui, des affrontements qui se développent en son sein et du combat de classe national et international qu'il convient de mener.

C'est à ce débat que nous convions tous ceux qui veulent combattre le capitalisme  dans sa forme impérialiste telle qu'elle est aujourd'hui.

Texte préparatoire aux initiatives sur la question de l'impérialisme ici

Vous y êtes cordialement invités.

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Ensemble contre les guerres capitalistes et la paix capitaliste.

SEMAINE D’ACTION / PRAGUE / 20 – 26 MAI 2024 /

Source : https://actionweek.noblogs.org/post/2023/12/29/semaine-daction-prague-20-26-mai-2024/

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https://youtu.be/NENamZFI68w

Selon un rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) publié ce lundi 11 mars. La France est devenue le deuxième plus grand exportateur d'armes au monde, derrière les États-Unis et devant la Russie. Entre 2014 et 2023, les exportations d'armement français ont augmenté de 47%.

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RP- Aide à l’Ukraine-comment les budgets militaires s’envolent en Europe

Lors de la conférence internationale sur l’Ukraine, réunie ce lundi à l’Élysée, Macron a annoncé que l’Europe doit « aller encore plus fort sur une économie de guerre ». Un appel à approfondir la militarisation massive que connait l’Europe.

Antoine Chantin 27 février 2024

En affirmant ce lundi lors d’une conférence internationale que « rien ne doit être exclu » concernant l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, Emmanuel Macron à créer un véritable remous diplomatique au sein des membre de l’Alliance de traité de l’Atlantique Nord, l’Otan. Alors que la conférence a acté un nouvel envoie d’armes, ce saut dans le discours militariste approfondit ue dynamique européenne de course aux armements entamé depuis le début de la guerre en Ukraine.

Les dirigeants européens minimise l’annonce de Macron mais acte un nouvel envoie d’armes

Une mobilisation telle que la décrit Emmanuel Macron marquerait en effet un tournant majeur dans l’intensification du confits armée sur le continent européen. Aussi les vingt-cinq chefs d’États réunis à Paris ce lundi 26 février pour discuter d’un accroissement de l’aide militaire accordée à l’Ukraine, dans un contexte marqué par l’échec de la contre-offensive ukrainienne et par la défaite militaire et politique à Avdiivka, ont réagi avec plus de retenue que le Président français.

Le chancelier allemand a ainsi rappelé ce mardi, en conférence de presse, « qu’il n’y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les États européens ni par les États de l’Otan sur le sol ukrainien », de même que le Premier ministre polonais, qui a affirmé que « la Pologne n’a pas l’intention d’envoyer ses troupes sur le territoire de l’Ukraine ». En effet, si les propos du chef de l’Etat français ne vont pas entrainer un changement immédiat sur le terrain avec l’envoi de troupes au sol, ils marquent toutefois un saut indéniable du discours militariste d’Emmanuel Macron et des dirigeants européens, qui n’ont pas exclus cette perspective à moyen et long terme.

Signe de cette dynamique, la conférence réunie ce lundi a actée une nouvelle salve de production et de livraison d’armes à l’Ukraine. En ce sens, la proposition de la République Tchèque devant permettre à l’Union européenne d’acheter des munitions produites hors d’Europe a « jouit d’un grand soutien de la part de plusieurs pays », parmi lesquels la France, d’après le premier ministre de cet État d’Europe centrale. Une nouvelle batterie d’aides militaires des États de l’Union européenne qui vient s’ajouter aux 28 milliards d’euros de matériel militaire déjà livré à l’Ukraine, depuis février 2022, par ces derniers.

Dès lors, les déclaration d’Emmanuel Macron annoncent un renforcement de ce dynamique, alors que ce dernier a également affirmé ce lundi que les États européens doivent « aller encore plus fort sur une économie de guerre ». Un appel clair à accélérer la course à l’armement alors que depuis février 2022 les budgets militaires occupent une place sans cesse plus importante, en France comme dans le reste de l’Europe.

413 milliards d’euros dépensé pour les armées françaises d’ici à 2030

Les déclarations belliqueuses de Macron résonnent en effet avec les récentes annonces du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Ce dernier avait déclaré, lors d’un déplacement au sein du siège de l’OTAN, le 15 février dernier, que la France allait atteindre le seuil des 2% de son produit intérieur brut (PIB) consacré aux dépenses militaires en 2024, alors que cet objectif des 2% avait initialement été annoncé pour 2025.

Cette accélération militaire s’inscrit elle-même dans un plan plus ambitieux encore, qui vise à doubler le budget militaire français d’ici à 2030, par rapport à celui 2019. Soit un objectif de 413 milliards d’euros dépensé pour les armées françaises jusqu’en 2030, qui contrastent cruellement avec les 10 milliards de coupes budgétaires, principalement dans le domaine de l’éducation, annoncées par Bruno Lemaire.

Or, comme l’a affirmé le ministre des armées, cet objectif ne vise pas simplement, pour la France, à respecter les objectifs de dépenses militaires prévues par l’OTAN pour ses États membres. Ce pallier des 2% doit, en effet, permettre à la France de faire face et de se préparer à des conflits de haute intensité. « La vraie question maintenant ce n’est pas tant d’obtenir ces 2%, même si c’est un sujet qui a l’air de passionner beaucoup de gens, c’est de faire en sorte évidemment que ces 2% du PIB soient véritablement utiles sur le terrain militaire », déclarait ainsi Sébastien Lecornu, le 15 février dernier. Des déclarations très bientôt mises en œuvre avec la livraison à l’Ukraine de 78 canon césars, ces « fleurons » de l’industrie de l’armement français, qui valent entre trois et quatre millions d’euros à l’unité selon le même ministre.

Cette même industrie de l’armement français jouit elle aussi en plein de ce réarmement généralisé. Une industrie centrale pour les ambitions que porte Macron dans le domaine militaire. En ce sens, comme le soulignait un rapport au Parlement de 2023 du Ministère des Armées, « pour disposer dans la durée d’un outil de défense performant, qui puisse nous permettre de faire face à l’éventualité du retour d’un conflit de haute intensité auquel nous serions partie prenante, nous avons besoin d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) résiliente, compétitive et innovante, et qui a besoin des marchés à l’exportation pour asseoir son modèle économique ». Une industrie également très lucrative , dont le gouvernement cherche à multiplier les exportations à l’étranger, alors qu’on trouve déjà des armes de fabrication française dans les violents conflits actifs ces derniers années, comme au Yemen par exemple. À l’heure ou l’impérialisme français multiplie les camouflets, notamment dans son ancien pré-carré colonial, le terrain ukrainien devient donc également un terrain de premier ordre pour la promotion de ce marché de la mort.

Le réarmement de l’Allemagne, au coeur de l’offensive militariste européenne

Sans production militaire conséquente depuis la Seconde guerre mondiale, l’Allemagne participe également à plein à cette campagne militariste. En effet, l’État dirigé par le chancelier social-démocrate a lui aussi annoncé, début février, sa volonté d’accélérer considérablement sa production militaire qui permet là-aussi, aux industriels militaires de s’enrichir et de proliférer grâce à cette résurgence des conflits armés. En ce sens, comme nous le notions dans ces mêmes colonnes, « en mars 2023, Rheinmetall, premier producteur allemand de munitions et producteur des chars Leopard, dont une centaine ont été envoyés en Ukraine, a officiellement rejoint le DAX, l’indice de référence de la Bourse de Francfort, après avoir vu sa cote en bourse bondir de plus de 120%. » Un fleurissement industriel auquel le gouvernement allemand est le principal contributeur, en portant, comme la France, son budget consacré aux dépenses militaires, de 1,53% du PIB, à 2% du PIB dès 2024. En effet, 100 milliards d’euros de budget extraordinaire avaient été accordé l’armée des 2022, conduisant à une multiplication des commandes. En ce sens, le chiffre d’affaire de Rheinmetall devrait doubler entre 2022 et 2026, passant de de 6,4 milliards d’euros à 13 ou 14 milliards d’euros selon Les Échos.

Un réarmement généralisé en Europe

Or, cette militarisation s’observe également à l’échelle du continent tout entier. Ainsi, dès 2022, les dépenses des États membres de l’Union européennes ont bondis de 6% par rapport à l’année 2021, atteignant la somme record de 240 milliards d’euros de dépenses militaires, selon un rapport de l’Agence européenne de défense délivré fin 2023. Une conjoncture loin d’être anodine, comme l’illustre un rapport de la Fondation pour la recherche stratégique, qui note que « le niveau [de dépense militaire en Europe] de 2022 (2182 milliards de dollars) est plus élevé de 33%, par rapport à 1988 (1602 milliards de dollars), pic de la guerre froide.

Une hausse des budgets militaires d’autant plus importante chez les États frontaliers ou géographiquement proches de la Russie, qui figurent parmi les États de l’UE réservant la plus grande part de leur budget aux dépenses militaires : la Pologne (3,9 %), l’Estonie (2,7 %) ou encore la Finlande et la Lituanie (2,5 %), la Hongrie et la Roumanie (2,4 %) et la Lettonie (2,3 %). En ce sens, la Pologne illustre parfaitement cette dynamique en se posant comme un pilier du schéma militaire européen. En effet, l’État de l’Est européen ambitionne de devenir « la plus grande puissance militaire » du continent, comptant à terme 300.000 soldats dans ses rangs et consacrant plus de 5% de son PIB aux dépenses militaires.

Une dynamique de creuse aux armements dans les Etats européens que le dirigeant ukrainien, Volodymyr Zelenski, participe activement à renforcer. Ainsi ce lundi il a exhorté les dirigeants européens a accroitre d’avantage leur aide à l’Ukraine, déplorant que « sur un million d’obus que l’Union européenne nous a promis, ce n’est pas 50 % mais malheureusement 30 % qui ont été livrés ». A cet égard, les difficultés militaires de l’Ukraine risquent de renforcer cette montée en tension des puissances européennes. De même, l’escalade activée par les déclarations de Macron est aussi à comprendre comme une réponse aux dernières sorties de l’ancien président américain, Donald Trump, qui a lancé aux dirigeants européens, lors d’un meeting, que « Non, je ne vous protégerai pas. En fait, je les encouragerai à vous faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes ». Une déclaration qui a ouvert une véritable crise au sein de l’OTAN, poussant les ministres de la défense des États membre de l’Alliance à réaffirmer leur soutien à l’Ukraine et d’augmenter leurs budgets militaires.

Cette réorientation des dépenses publiques qui s’inscrit dans une escalade militariste est très inquiétante pour notre classe car elle laisse présager des guerres, des coupes dans les budgets des services publics, et facilitera aussi la répression même au niveau national. Comme le notait en ce sens Damien Bernard, dans notre journal, « ce qui semble certain c’est qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que le continent européen est entré dans une spirale de militarisation. Quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, l’Europe redeviendra une région hautement militarisée et dangereuse où des conflits de haute intensité pourraient éclater. Une escalade militariste qui sonne un nouvel avertissement pour la classe ouvrière et tous les secteurs opprimés du continent ».

Antoine Chantin 27 février 2024

[Italie] Nous ne serons pas complices. Nous serons des déserteurs (Spoleto, mars 2024)

/ Italiano / English / French /

Source en italien : https://lanemesi.noblogs.org/post/2024/03/04/non-saremo-complici-saremo-disertori-spoleto-marzo-2024/

Répondant à une question parlementaire, le ministre de la guerre Guido Crosetto a confirmé que l’Établissement de munitions militaires terrestres (SMMT) de Baiano di Spoleto pourrait bientôt produire les nouveaux missiles et munitions qui seront envoyés en Ukraine pour soutenir la guerre en cours. L’Agence des industries de défense (AID) a en effet désigné trois de ses sites de production – Spoleto, Capua et Fontana Liri – pour l’appel d’offres de l’Union européenne, qui prévoit une aide de 500 millions d’euros pour produire de nouveaux armements destinés à Kiev.

Bien qu’il ne s’agisse encore que d’une candidature, le contrat est donné comme très probable par les journaux locaux, notamment en raison du fait que l’usine de Spoleto serait sous-utilisée par rapport à ses capacités « productives » (mais peut-être devrions-nous dire destructrices).

Le ministre, qui est déjà un représentant du lobby de l’armement en tant que président de la Fédération des entreprises italiennes pour l’aérospatiale, la défense et la sécurité (AIAD), c’est-à-dire une annexe de la Confindustria qui rassemble des entrepreneurs de guerre, continue de promettre des bénéfices de plusieurs milliards à ses acolytes et croit peut-être qu’en vue des élections régionales il peut amadouer, avec quelques promesses d’emplois, les habitants de Spoleto, en colère contre la réduction des effectifs de l’hôpital.

Si les États et les blocs de puissances capitalistes se disputent le contrôle de l’hégémonie mondiale, nous les exploités, nous n’avons rien à voir avec leurs guerres. Les bombes produites à Spoleto vont massacrer les soldats enrôlés de force, prolongeant également le massacre de la population civile ukrainienne. Mais la guerre nous concerne tous.

Alors que les seigneurs de guerre font des affaires en or (on apprenait il y a quelques semaines que Leonardo avait vu sa capitalisation boursière augmenter de 82% en 2023), nous en payons tous les conséquences avec la hausse du coût de la vie, à commencer par les produits énergétiques, l’intensification de l’exploitation au nom de la productivité, dont l’expression directe est clairement visible dans l’augmentation continue du nombre de morts et de blessés au travail. Enfin, nous en voyons les effets avec l’escalade répressive en cours : les matraques contre les étudiants ou les piquets de grève, les enquêtes contre la presse anarchiste et l’intolérance croissante à l’égard des opinions dissidentes, jusqu’au transfert d’Alfredo Cospito au 41 bis, sont la représentation même des politiques de guerre que nos dirigeants ont mises en place pour la lutte sur le front intérieur.

Il est possible de s’opposer à tout cela : les dockers de nombreuses villes qui ont refusé de livrer du matériel militaire et les actions directes qui ont pu mettre concrètement des bâtons dans les roues de l’appareil de guerre et de ses complices en sont la preuve.

Aucune complicité avec les industriels de la mort !
Ni à Spoleto, ni ailleurs : boycottons, entravons, sabotons l’industrie de guerre !
L’ennemi n’est pas l’exploité de l’autre côté du front, mais l’homme politique, l’industriel, le banquier qui s’enrichit de notre sang !

Des anarchistes à Spoleto
t.me/circoloanarchicolafaglia

Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe / Gli Amici della Guerra di Classe

Course aux armements Révolution Permanente

Aide à l’Ukraine : comment les budgets militaires s’envolent en Europe

Objecteurs. Guerre en Ukraine : plus de 86 000 Russes ont demandé un visa en Bulgarie

https://www.courrierinternational.com/article/objecteurs-de-conscience-guerre-en-ukraine-plus-de-86-000-russes-ont-demande-un-visa-en-bulgarie

Un reportage du New York Times démolit le discours de la «guerre non provoquée» en Ukraine

Patrick Martin

Des volontaires de l'Assemblée sociale-nationale prêtent serment d'allégeance à l'Ukraine avant d'être envoyés dans la partie orientale de l'Ukraine pour rejoindre les rangs du bataillon spécial «Azov» à Kiev, en Ukraine, le mardi 3 juin 2014.

Au cours des deux dernières années, presque toutes les références des médias américains à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 ont été obligatoirement précédées des mots : «non provoquée».

On a dit au public qu'il s'agissait d'une guerre sans cause, que l'Ukraine était irréprochable et que l'invasion devait s'expliquer entièrement par les intentions et la psychologie d'un seul homme, le président russe Vladimir Poutine.

Cependant, le week-end du deuxième anniversaire de la guerre, le New York Times a publié un long article révélant que l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février 2022, avait été déclenchée par une campagne systématique et généralisée d'agression militaire et d’espionnage de la part des États-Unis.

L'article détaille les opérations de longue date de la Central Intelligence Agency (CIA) en Ukraine, au cours desquelles l'agence a financé et développé l'agence de renseignement militaire ukrainienne HUR, l'utilisant comme une arme d'espionnage, d'assassinat et de provocation dirigée contre la Russie pendant plus d'une décennie.

Le Times écrit :

Vers la fin de l'année 2021, selon un haut fonctionnaire européen, M. Poutine considérait le lancement son invasion à grande échelle lorsqu'il a rencontré le chef de l'un des principaux services d'espionnage russes, qui lui a dit que la CIA et le MI6 britannique contrôlaient l'Ukraine et la transformaient en tête de pont pour des opérations contre Moscou.

Le reportage du Times démontre que cette évaluation des services de renseignement russes était tout à fait exacte. Pendant plus d'une décennie, depuis 2014, la CIA a constitué, formé et armé les services de renseignement et les forces paramilitaires ukrainiens qui se livraient à des assassinats et à d'autres provocations contre les forces pro-russes dans l'est de l'Ukraine, contre les forces russes en Crimée et de l'autre côté de la frontière, en Russie même.

Dans un passage crucial, le Times écrit :

Alors que le partenariat se renforçait après 2016, les Ukrainiens se sont impatientés face à ce qu'ils considéraient comme une prudence excessive de la part de Washington, et ont commencé à organiser des assassinats et d'autres opérations meurtrières, en violation des conditions que la Maison-Blanche pensait que les Ukrainiens avaient acceptées. Furieux, les responsables de Washington ont menacé de mettre fin à leur soutien, mais ils ne l'ont jamais fait.

En d'autres termes, les forces paramilitaires ukrainiennes armées, financées et dirigées par les États-Unis et l'OTAN assassinaient systématiquement les forces favorables à un rapprochement avec la Russie.

Le compte-rendu du journal commence par le coup d'État de Maïdan de février 2014, lorsque des forces de droite et néonazies soutenues par les États-Unis et l'Union européenne ont renversé le président pro-russe élu et mis en place un régime pro-impérialiste dirigé par le milliardaire Petro Porochenko.

Ce coup d'État était le point culminant de deux décennies d’avancées impérialistes dans l'ancien bloc soviétique, y compris l'expansion de l'OTAN pour inclure pratiquement toute l'Europe de l'Est, en violation des promesses faites aux dirigeants de l'ancienne Union soviétique. Le Times ne dit rien de cette histoire antérieure, ni du rôle de la CIA dans les événements de Maïdan.

Maïdan a ouvert la voie à une escalade massive de l'intervention de la CIA, comme l'explique en détail le reportage du Times. L'agence de renseignement a joué un rôle central dans l'alimentation du conflit entre l'Ukraine et la Russie, d'abord sous la forme d'une guerre de bas niveau contre les séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine, puis d'une guerre à grande échelle après l'invasion russe en février 2022. Trois administrations américaines ont été impliquées : d'abord Obama, puis Trump et maintenant Biden.

Selon le reportage du Times, les opérations de la CIA comprenaient non seulement l'espionnage à grande échelle, mais aussi l'aide à des provocations directes telles que l'assassinat d'hommes politiques pro-russes dans l'est de l'Ukraine et des attaques paramilitaires contre les forces russes en Crimée.

Le Times rapporte qu'une unité ukrainienne, Fifth Directorate, a été chargée de mener des assassinats, dont un en 2016. Le Times écrit :

Une mystérieuse explosion dans la ville de Donetsk, occupée par la Russie, dans l'est de l'Ukraine, a éventré un ascenseur dans lequel se trouvait un haut commandant séparatiste russe, Arsen Pavlov, connu sous son nom de guerre, Motorola.
La C.I.A. a rapidement appris que les assassins étaient des membres du Fifth Directorate, le groupe d'espionnage qui recevait la formation de la C.I.A. L'agence ukrainienne de renseignement intérieur avait même distribué des écussons commémoratifs aux personnes impliquées, chaque écusson étant surpiqué du mot «Lift», terme britannique désignant un ascenseur.

Le reportage décrit une autre opération de ce type :

Une équipe d'agents ukrainiens a installé un lance-roquettes, dans un bâtiment des territoires occupés. Il se trouvait juste en face du bureau d'un commandant rebelle nommé Mikhail Tolstykh, plus connu sous le nom de Givi. À l'aide d'un déclencheur à distance, ils ont tiré le lance-roquettes dès que Givi est entré dans son bureau, le tuant, selon des responsables américains et ukrainiens.

Depuis le début de la guerre, le HUR ukrainien a étendu ces opérations d'assassinat à l'ensemble du territoire de la Russie, y compris l'assassinat de Daria Douguina, polémiste pro-Poutine de premier plan dans les médias russes, et de représentants du gouvernement et de l'armée russes.

La CIA a trouvé ses alliés ukrainiens très utiles pour collecter de grandes quantités de données sur les activités militaires et de renseignement russes, à tel point que le HUR lui-même ne pouvait pas les traiter et devait transmettre les données brutes au siège de la CIA à Langley, en Virginie, pour analyse. Un reportage antérieur moins détaillé sur cette collaboration en matière de renseignement, publié dans le Washington Post, citait l'estimation d'un responsable ukrainien du renseignement selon laquelle «250.000 à 300.000» messages militaires/de renseignement russes étaient collectés chaque jour. Ces données ne concernaient pas seulement l'Ukraine, mais l'activité des services de renseignement russes dans le monde entier.

Bien avant l'invasion russe, la CIA cherchait à élargir son attaque contre Moscou. C'est ce que rapporte le Times :

La relation [avec le HUR ukrainien] a été si fructueuse que la C.I.A. a voulu la reproduire avec d'autres services de renseignement européens qui partageaient le même objectif de lutte contre la Russie.
Le chef de Russia House, le département de la CIA chargé de superviser les opérations contre la Russie, a organisé une réunion secrète à La Haye. Des représentants de la C.I.A., du MI6 britannique, du HUR, du service néerlandais (un allié essentiel en matière de renseignement) et d'autres agences ont convenu de commencer à mettre en commun un plus grand nombre de leurs renseignements sur la Russie.
Une coalition secrète contre la Russie avait été établie, et les Ukrainiens en étaient des membres essentiels.

Toutes ces activités ont eu lieu bien avant l'invasion russe de février 2022. Le déclenchement d'une guerre à grande échelle a conduit à un engagement encore plus direct de la CIA en Ukraine. Les agents de la CIA étaient les seuls Américains à ne pas faire partie de l'évacuation initiale du personnel du gouvernement américain de l'Ukraine, et à n'être transférés que dans l'ouest de l'Ukraine. Ils ont continuellement informé les Ukrainiens des plans militaires russes, y compris des détails précis des opérations au fur et à mesure qu'elles se déroulaient.

Selon le Times :

En l'espace de quelques semaines, la C.I.A. est revenue à Kiev et l'agence a envoyé de nombreux nouveaux agents pour aider les Ukrainiens. Un haut fonctionnaire américain a déclaré à propos de la présence importante de la C.I.A. : «Est-ce qu'ils appuient sur les gâchettes ? Non. Contribuent-ils au ciblage ? Absolument.»
Certains officiers de la C.I.A. ont été déployés dans des bases ukrainiennes. Ils examinaient les listes de cibles russes potentielles que les Ukrainiens s'apprêtaient à frapper, comparant les informations dont disposaient les Ukrainiens avec les renseignements américains afin de s'assurer de leur exactitude.

En d'autres termes, la CIA a aidé à diriger la guerre, faisant du gouvernement américain un participant à part entière, un cobelligérant dans une guerre avec la Russie dotée de l'arme nucléaire, bien que Biden ait affirmé que les États-Unis n'aidaient l'Ukraine que de loin. Et tout cela sans que le peuple américain ait le moindre mot à dire.

Le compte-rendu du Times constitue involontairement un réquisitoire contre les médias américains. Le journal écrit :

Les détails de ce partenariat en matière de renseignement, dont beaucoup sont révélés par le New York Times pour la première fois, ont été étroitement gardés secrets pendant une décennie.

Cet aveu signifie que ces secrets étaient «étroitement gardés» par le Times lui-même. Comme l'a fait remarquer l'ancien rédacteur en chef Bill Keller, la liberté de la presse signifie la liberté de ne pas publier, et «c'est une liberté que nous exerçons avec une certaine régularité». En particulier, pourrions-nous ajouter, lorsqu'il s'agit des crimes de l'impérialisme américain.

L'article du Times n'est pas tant une révélation qu'une diffusion contrôlée d'informations. Le «journal de référence» américain rapporte que les deux auteurs de l'article, Adam Entous et Michael Schwirtz, ont mené «plus de 200 entretiens» avec «des fonctionnaires actuels et anciens en Ukraine, ailleurs en Europe et aux États-Unis». Cette activité aurait difficilement pu avoir lieu sans la connaissance, l'autorisation, voire l'encouragement de la CIA, ainsi que du régime Zelensky et des services de renseignement ukrainiens.

Pendant ce temps, un vrai journaliste, Julian Assange, attend la décision sur son dernier recours contre l'extradition vers les États-Unis, où il risque 175 ans de prison, voire la peine de mort. Le crime d'Assange et de WikiLeaks, qu'il a fondé, est de ne pas avoir obéi aux règles du journalisme bourgeois et de ne pas avoir demandé l'autorisation des autorités du renseignement militaire avant de publier des révélations sur les crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan, sur les efforts du département d'État américain pour subvertir et manipuler les gouvernements, et sur les activités d'espionnage de la CIA et de la National Security Agency.

La révélation d'une décennie d'opérations de la CIA en Ukraine – clairement à la demande de l'agence elle-même – semble être liée au conflit actuel au sein de l'élite dirigeante américaine sur la politique à adopter dans cette guerre, à la suite de la débâcle subie par le régime Zelensky lors de l'offensive de l'année dernière, qui n'a pas remporté grand-chose et qui a subi des pertes colossales. Les républicains du Congrès bloquent toute nouvelle aide militaire et financière à l'Ukraine, déclarant en fait que les États-Unis devaient réduire leurs pertes dans ce pays et se concentrer sur leur principal ennemi, la Chine.

En rapportant que l'appareil de renseignement militaire américain a essentiellement le contrôle du régime ukrainien, le Times cherche à faire pression sur les républicains pour qu'ils soutiennent le financement de la guerre. Il affirme que cet argent ne va pas à un gouvernement étranger, dans une guerre étrangère, à des milliers de kilomètres des frontières américaines, mais à un sous-traitant de l'impérialisme américain, menant une guerre américaine dans laquelle du personnel américain est intensément et directement engagé.

Ce faisant, le Times a révélé que sa propre couverture de la guerre en Ukraine au cours des deux dernières années n'était rien d'autre que de la propagande de guerre, visant à utiliser un récit frauduleux pour inciter le public américain à soutenir une guerre d'agression impérialiste prédatrice dont le but est de soumettre et démanteler la Russie.

(Article paru en anglais le 26 février 2024) S’inscrire à la Newsletter du WSWS

 

20 mars 2024

La dynamique capitaliste des économies étatisées (Adam Buick et John Crump 1986)

Première

partie

La Fédération Communiste Anarchiste a décidé de réimprimer la brochure de John Crump, The Anarchist Movement in Japan (qui est un résumé de son livre Hatta Shûzô et Pure Anarchism in Interwar Japan) pour diverses raisons.

L’une est un hommage à la lutte continue du mouvement libertaire au Japon, attirant l’attention des camarades anglophones sur ce qui est malheureusement une partie peu connue de la lutte mondiale pour une société libre et égalitaire. Nous espérons que cela sera un point de départ pour une meilleure compréhension d’une tradition précieuse du communisme anti-autoritaire et pourra conduire à une coopération accrue avec les anarchistes japonais d’aujourd’hui, sur la voie d’un mouvement anarchiste véritablement mondial.

En plus d’être un exemple inspirant de lutte contre un État autoritaire puissant, cette histoire de l’anarchisme japonais est également d’une grande valeur en fournissant un exemple du développement de la théorie anarchiste. Les arguments clairs et convaincants contre le réformisme des syndicats et de la social-démocratie sont toujours d’actualité, tout comme la critique du bolchevisme, révélant sa nature hiérarchique inhérente en contradiction avec les affirmations souvent répétées des trotskystes selon lesquelles il n’a dégénéré que sous Staline. Cela sert également de leçon historique sur la futilité du recours au terrorisme face à la répression étatique et sur le danger des tendances anti-organisationnelles.

Encore plus important pour les anarchistes d’aujourd’hui est le compte rendu du débat entre les anarcho-syndicalistes et les communistes anarchistes du mouvement. Alors que nous, à l'ACF, avons des critiques sur certaines positions prises par les communistes anarchistes au Japon à différentes périodes, comme la formation d'un parti, le travail au sein de la structure syndicale, la distinction entre lutte de classes et insurrection, ainsi que leur vision quant à la manière dont la future société anarchiste sera organisée, nous pensons que le rejet du syndicalisme comme stratégie de révolution sociale est correct, notamment parce qu’il ne peut que reproduire la structure économique du capitalisme.

Notre objectif n’est pas de proposer dans cette courte préface une analyse approfondie de ces questions ou des nombreuses autres questions importantes soulevées par le mouvement japonais. Le pamphlet parle de lui-même et, comme c'est souvent le cas avec la littérature anarchiste actuelle, son succès sera jugé par son influence sur l'activité pratique des militants de la classe ouvrière d'aujourd'hui.

    Fédération communiste anarchiste, été 1996
A signaler les travaux de notre camarade Paulo (JPV  aujourd'hui décédé) sur les classes laborieuses au Japon.
Traduction du chapitre 4 de State Capitalism : The Wages System under New Management d’Adam Buick et John Crump, 1986. [+ pdf]

Introduction

Pour nous, le capitalisme a six caractéristiques essentielles :

1. La production marchande généralisée.
2. L’investissement du capital dans la production en vue d’obtenir un profit monétaire.
3. L’exploitation des salariés.
4. La régulation de la production par le marché à travers une lutte concurrentielle en vue de profits.
5. L’accumulation du capital de ces profits.
6. Un seul type d’économie mondiale.

D’après nous, en concentrant leur attention sur quelques caractéristiques particulières au capitalisme privé (existence d’une classe de capitalistes privés, etc.), la plupart des observateurs occidentaux n’ont pas remarqué les rapports sociaux cruciaux qui sont au cœur du capitalisme. On peut dire la même chose des idéologues du capitalisme d’État, qu’ils soient officiels ou officieux (les trotskistes). Ces rapports sociaux sont résumés dans les six caractéristiques que le capitalisme présente toujours, selon nous. Bien que certaines de ces caractéristiques soient plus difficiles à démontrer que d’autres dans les pays capitalistes d’État, nous croyons que des preuves indiscutables de l’existence de celles-ci (ou de leurs équivalents) peuvent être fournies.

Dans notre tentative de démontrer la nature capitaliste des pays capitalistes d’État, nous ne nous bornerons pas à des exemples pris dans l’économie russe. La Russie est le pays capitaliste d’État le plus ancien et, aux yeux de beaucoup, le pays le plus caractéristique de ce système, mais elle n’est pas nécessairement représentative du capitalisme d’État en tant que phénomène mondial. Certes, nous allons faire allusion à la Russie (et à d’autres pays tels que la Chine, la Yougoslavie et la Hongrie) au besoin, mais nous voulons examiner un modèle général du système. Même si la Russie, et dans une moindre mesure la Chine, fournissent les éléments principaux pour ce modèle (ce qui n’est que raisonnable vu que ce sont les pays capitalistes d’État les plus peuplés et les plus puissants), le modèle n’est pas la Russie en tant que telle. En fait nous avons fait abstraction de certaines caractéristiques spécifiquement russes telle que la nature fédérale de l’URSS.

Les caractéristiques principales de notre modèle de capitalisme d’État sont les suivantes :

1. Propriété d’État des principaux moyens de production.
2. Travail salarié généralisé.
3. Usage généralisé de l’argent et du calcul monétaire.
4. Un marché libre pour les biens de consommation.
5. Un marché pour les moyens de production étroitement contrôlés et « dirigé » par l’État.
6. Une activité « planificatrice » importante sans qu’une « économie planifiée » soit réalisée.
7. Un marché noir assez répandu.

Comme on peut le constater d’après ce modèle, nos divergences avec la plupart des experts occidentaux et avec les idéologues du capitalisme d’État se trouvent moins dans les faits que dans la façon de les interpréter. Même ceux qui rejettent la théorie du capitalisme d’État pourraient, pour la plupart, accepter notre modèle comme étant une esquisse juste de la situation qui existe dans la majorité des soi-disant pays socialistes. Là où nous divergeons, c’est sur la signification que nous attachons aux diverses caractéristiques que ces pays présentent. Par exemple, beaucoup voient dans la propriété d’État des principaux moyens de production une caractéristique d’une importance primordiale, tandis qu’ils considèrent le fait que le travail salarié est répandu de façon généralisée dans l’économie comme une caractéristique secondaire ne méritant d’être signalée qu’en passant. Pour nous, au contraire, la signification relative de ces deux caractéristiques est inversée.

Si nous parlons de la signification relative des diverses caractéristiques du capitalisme d’État, cela fait ressortir la nature de la démonstration dans laquelle nous allons nous engager dans ce chapitre. Prouver que les pays capitalistes d’État sont capitalistes en démontrant qu’ils présentent les six caractéristiques que, selon nous, possède toujours le capitalisme, n’a qu’une valeur limitée. Ce qui est d’une importance beaucoup plus grande, c’est de démontrer comment fonctionne le système capitaliste d’État, d’identifier les forces qui constituent sa dynamique interne. Notre approche est donc physiologique plutôt qu’anatomique. Nous sommes moins intéressés à noter les divers signes qui définissent la bête capitaliste (d’État) que de comprendre comment et pourquoi le capitalisme d’État fonctionne ; en d’autres termes, comment et pourquoi les prétendues sociétés socialistes sont contraintes d’accumuler du capital.

Le salariat

Pour la classe salariée, toute l’indignité et toute la misère que le capitalisme entraîne s’expriment à travers le système du salariat. En effet, c’est le fouet des salaires qui force les travailleurs à entrer dans les usines, les bureaux, les mines et les autres lieux de production afin d’y travailler pour le capital en produisant une plus-value. Conscientes de ce fait, les premières générations de travailleurs militants appelaient l’emploi salarié « l’esclavage salarié » Le travail salarié est au cœur du système capitaliste de sorte que, en avançant le slogan « abolition du salariat », ces militants revendiquaient en même temps l’abolition du capitalisme. Comme Marx l’a écrit dans un passage bien connu de Travail salarié et capital : « Le capital suppose donc le travail salarié, le travail salarié suppose le capital. Ils sont la condition l’un de l’autre ; ils se créent mutuellement ».

Dans le capitalisme d’État, tout comme dans le capitalisme privé, travailler pour un salaire est la caractéristique fondamentale de la vie des travailleurs. Sous le régime capitaliste, ces derniers ne peuvent accéder aux moyens de production et participer à la production qu’en vendant leur force de travail à une entreprise qui, quelle que soit la fiction juridique, leur est confrontée en tant qu’employeur. Une fois leur force de travail vendue, les travailleurs dans le capitalisme d’État, comme les travailleurs dans n’importe quelle forme de capitalisme, perdent tout contrôle sur l’utilisation de leurs énergies physiques et intellectuelles. Ils ne sont plus en mesure de décider librement de ce que leur force de travail produit, ni de l’organisation de la production. Au contraire, vendre leur force de travail, c’est l’aliéner en tant que marchandise et donc abandonner à une entreprise-employeur le contrôle de son utilisation. Le salariat est donc non seulement l’une des caractéristiques capitalistes les plus évidentes du capitalisme d’État mais son existence démontre que l’asservissement de la classe travailleuse continue.

Certains minimisent l’importance du salariat capitaliste d’État en prétendant que la force de travail n’est pas une véritable marchandise dans les soi-disant pays socialistes. Dans le passé on entendait dire, pour appuyer ce point de vue, que le chômage existerait si la force de travail y était une marchandise. Aujourd’hui, quand le chômage est visible dans des pays capitalistes d’État aussi divers que la Yougoslavie et la Chine, on entend moins souvent cette argumentation. L’objection la plus fréquente soulevée de nos jours est qu’il n’est pas exact de dire que les travailleurs dans le capitalisme d’État vendent leur force de travail puisqu’il n’y a qu’un seul acheteur (l’État) qui, en l’absence d’employeurs se faisant concurrence, peut dicter les prix des diverses catégories de force de travail. Selon ce point de vue, non seulement l’État est-il le seul employeur, mais le fait que les travailleurs soient empêchés de s’organiser collectivement pour défendre leurs salaires et leurs conditions de travail est une raison de plus pour nier que le salariat capitaliste d’État représente un véritable marché du travail.

A notre avis, l’idée qu’il n’existe qu’un seul employeur dans le capitalisme d’État est erronée et résulte d’une tentative trop simplificatrice de décrire l’économie de chaque pays capitaliste d’État comme une seule entreprise géante. Nous en dirons davantage plus loin sur la raison pour laquelle nous ne pensons pas qu’on peut expliquer le fonctionnement des économies capitalistes d’État en termes de Russie SA, Tchécoslovaquie SA, etc., concentrant ici notre attention à l’examen de la question de l’achat de la force de travail. Malgré le fait que, dans les pays capitalistes d’État, c’est l’État qui fournit aux entreprises leurs capitaux et qui écrème une bonne partie de leurs bénéfices, les entreprises sont plus que de simples succursales passives de l’État. Il est vrai que dans beaucoup de pays capitalistes d’État, l’État a essayé vigoureusement, de temps en temps, de maintenir les entreprises pieds et poings liés et de minimiser leurs initiatives économiques, mais les entreprises ont néanmoins toujours gardé un degré d’autonomie et une certaine marge de manœuvre, surtout dans le domaine des salaires et des conditions de travail. Il y a toujours eu une concurrence entre les entreprises pour l’achat de la force de travail (et notamment pour la force de travail qualifiée) et aucune réglementation bureaucratique n’a réussi à la faire disparaître. Bien qu’on ait introduit des restrictions draconiennes sur la mobilité du travail, celles-ci se sont toujours révélées inefficaces à long terme. Par exemple en Russie sous Staline, bien qu’il ait été illégal dans la période 1940-1956 de changer d’emploi sans permission officielle, ce système s’est érodé de facto vers la fin des années quarante et a fini par être aboli en 1956. Les tensions sociales contre-productives qui résultaient de ces restrictions sur la mobilité de travail peuvent être constatées par le fait qu’en 1956 38 % des salariés changeaient d’emploi. Actuellement, le taux annuel de rotation de la main-d’œuvre est retombé à environ 20 % (Chavance, 1983, pp. 14-15).

Même si ce sont les autorités centrales qui normalement établissent les grilles nationales des salaires dans les pays capitalistes d’État, et même si elles peuvent donner des instructions aux entreprises quant au montant global du fond de salaires et au nombre total de travailleurs à embaucher, ce sont les entreprises qui ont la responsabilité d’embaucher les diverses catégories de travailleurs. Puisque les entreprises subissent une pression énorme de la part de l’État les incitant à produire selon le plan économique, elles doivent avoir les travailleurs appropriés pour pouvoir atteindre leurs objectifs de production, même si pour ce faire il faut transgresser les règles ou enfreindre la loi. En prenant encore la Russie comme exemple, la plupart des entreprises ont des panneaux à leur porte, où elles affichent les emplois vacants en essayant d’attirer des travailleurs qualifiés avec des détails sur le logement, les services sociaux et les congés qu’elles peuvent offrir. La concurrence est si intense que presque un tiers des travailleurs est recruté en dehors des filières officielles, tandis que beaucoup d’experts occidentaux pensent qu’à part quelques exceptions, la grande majorité des ouvriers et employés sont recrutés aux portes de l’usine ou du bureau (Sapir, 1980, p. 165, et 1984, p. 6l).

Bien qu’il existe des preuves irréfutables que les entreprises capitalistes d’État se font concurrence pour acquérir de la force de travail, Tony Cliff, entre autres, nie que cela implique l’existence d’un véritable marché du travail. Il argue que même si le niveau des salaires nominaux peut être influencé par la concurrence entre les entreprises, les salaires réels ne peuvent l’être puisque « le montant total des salaires réels est déterminé à l’avance par la quantité de biens de consommation prévue dans le plan » (Cliff, 1970, p. 158). Cliff fait ici une double erreur, en exagérant l’impact de la planification et en négligeant le marché noir. Il n’est pas vrai que les régimes capitalistes d’État soient capables de planifier la production de biens de consommation aussi exactement que Cliff ne le pense. Par exemple, personne en Russie n’a planifié la production des réfrigérateurs par des entreprises appartenant à onze ministères de tutelle. Cette situation s’est produite par hasard quand des ministères responsables de l’industrie lourde se sont trouvés avec une capacité productive excessive, ont identifié les biens de consommation pour lesquels il y avait une demande importante, et ont autorisé des entreprises sous leur tutelle à produire des produits industriels légers. Quant au marché noir, nous y reviendrons plus tard. Pour le moment il suffit de faire remarquer que c’est précisément dans le domaine de la demande frustrée de biens de consommation qu’il est le plus florissant. Toutefois le terme « marché noir » peut prêter à confusion puisqu’il n’implique que l’achat et la vente illégaux des articles qui ont été produits légalement. S’il s’agissait simplement de cela, Cliff aurait raison de prétendre que la quantité des biens de consommation est planifiée. Le « marché noir » s’étend, cependant, dans le domaine de la production, et des termes tels que « seconde économie ») ou « économie souterraine » traduisent donc avec plus d’exactitude son importance pour le salariat, voire pour toute l’économie, capitalistes d’État.

Il serait facile d’accumuler des exemples prouvant que de véritables marchés de la force de travail fonctionnent dans les pays capitalistes d’État. Mais il est plus important d’être absolument clair sur ce que l’existence du salariat nous révèle sur la nature du capitalisme d’État. Premièrement, travailler pour un salaire est si dégradant et si aliénant que son développement à une large échelle dans une société a toujours reposé sur l’émergence d’une classe qui, à cause de son manque de richesses, n’a eu aucun autre moyen de se procurer les moyens de vivre. En d’autres termes, le fait que la classe travailleuse vende sa force de travail contre paiement d’un salaire dans les pays capitalistes d’État nous révèle que les travailleurs dans ces pays ne détiennent pas les moyens de production. Deuxièmement, une caractéristique de l’achat et de la vente qui existe partout est que, en achetant quelque chose, l’acheteur acquiert le droit de l’utiliser comme bon lui semble. Ceci s’applique tout autant à l’achat de la force de travail qu’à celui de toute autre marchandise ; le fait que la classe productrice travaille pour un salaire dans les pays capitalistes d’État nous dit donc qu’elle travaille selon les conditions fixées par l’employeur.

Une troisième leçon, tout aussi importante, à tirer de l’existence du capitalisme d’État est que, comme dans toute autre forme de capitalisme, la conscience de la classe travailleuse est formée par l’expérience de la vente de sa force de travail et par l’achat des biens de consommation. Ceci fait ressortir l’incohérence des idées telles que celles exprimées par Mandel qui ne cesse de nous dire que « l’économie planifiée » dans les pays capitalistes d’État est maintenue par la classe travailleuse face aux machinations de la « bureaucratie » et aux ambitions « restaurationistes » de la bourgeoisie (Mandel, 1969, p.16). « L’économie planifiée » ; est une pure abstraction pour la classe travailleuse. Ce que la classe travailleuse éprouve dans les pays capitalistes d’État sont les activités non-planifiables que représentent, d’un côté, le salariat et, de l’autre côté, l’obligation d’acheter des moyens de subsistance malgré des salaires bas et des magasins mal approvisionnés. Négligeant totalement le fait que la vie des travailleurs dans les pays capitalistes d’État est dominée par ces activités capitalistes de l’achat et de la vente, et l’effet que celles-ci ont sur la conscience des travailleurs, Mandel voit dans la classe travailleuse la barrière principale à la « réintroduction » des rapports sociaux capitalistes. Ne voyant que des formes superstructurelles telles que la planification et les nationalisations, Mandel souscrit à la notion trotskiste qu’une simple révolution « politique » suffirait pour ouvrir la voie au socialisme dans les pays capitalistes d’État. Au contraire, la raison fondamentale pour laquelle il faut une véritable révolution sociale dans ces pays (et, bien entendu, partout dans le monde capitaliste) est que, dans la lutte pour changer de société, les travailleurs doivent se transformer, en rompant avec des comportements capitalistes tels que l’achat et la vente et en acquérant une conscience socialiste.

Le travail salarié existe dans toutes les branches de l’activité productive des pays capitalistes d’État, même dans des secteurs relativement arriérés tels que l’agriculture. Cela veut dire que l’échange marchand couvre tous les secteurs de l’économie capitaliste d’État, et le fait que les prix de la force de travail des différentes catégories ne peuvent être fixés par décret doit forcément avoir une influence sur les prix des autres marchandises. Pour les travailleurs, le salaire est le prix de leur force de travail, mais pour les capitalistes (d’État) ce qu’ils paient en salaires constitue une partie de leur capital. Les salaires sont la partie variable du capital tandis que les moyens de production en sont la partie constante. Bien que le rapport entre le capital variable et le capital constant soit déterminé par la méthode de production utilisée, il existe néanmoins toujours une marge de manœuvre pour répondre aux prix. Ainsi, si le coût de la force de travail augmente par rapport au coût des moyens de production, les entreprises — dont la performance économique est mesurée, du moins en partie, par le montant ou par le taux des profits — essayeront de changer le rapport entre le capital variable et le capital constant au profit de ce dernier. En revanche, une baisse dans le coût de la force de travail mènera au résultat inverse.

On peut attendre que l’État fasse des efforts pour bloquer ces tentatives, selon le cas, en étant plus rigoureux dans l’allocation centralisée des moyens de production, ou en imposant des limites sur les fonds de salaires ou sur le nombre de travailleurs employés. Néanmoins des règlements d’État ne peuvent jamais supprimer complètement la marge de manœuvre des entreprises. L’allocation des moyens de production par les autorités centrales est fonction des demandes soumises par les entreprises (qui se font concurrence). Si les moyens de production sont sous-évalués par rapport à la force de travail, cela entraînera une demande insatiable de la part des entreprises. Dans cette situation d’un niveau élevé de demande, non seulement les entreprises deviendront de plus en plus exigeantes et de plus en plus tenaces dans leurs réclamations auprès de l’État, mais encore elles auront recours au marché noir, et les prix officieux des moyens de production augmenteront quels que soient les prix officiels fixés par l’État. Un autre phénomène fréquemment observé dans cette situation d’une surévaluation du prix de la force de travail est que les entreprises essayent de réduire leurs coûts salariaux en réduisant leurs dépenses sur l’entretien et sur la réparation des moyens de production, entraînant ainsi une diminution de leur rendement. Dans ces circonstances, des pressions s’exerceront de tous côtés sur l’État afin qu’il augmente les prix des moyens de production par rapport au prix de la force de travail.

Le fait que le prix de la force de travail ne puisse être déterminé avec rigueur par l’État a des implications profondes pour toute l’économie capitaliste d’État. Là où la force de travail est une marchandise, tous les autres biens et services deviennent des marchandises. Là où la force de travail a son prix, toutes les autres marchandises auront les leurs, par rapport à celui de la force de travail et entre eux.

Bibliographie

Bettelheim, Charles, Les luttes de classes en URSS (1917-1923) (Paris : Maspero-Seuil, 1970).
Chase-Dunn, Christopher K, Socialist States in the World-System (Beverly Hills: Sage, 1982).
Chavance, Bernard, Le Système économique soviétique (Paris: Le Sycomore, 1983).
Clark, Rodney, The Japanese Company (New Haven: Yale University Press, 1979) .
Cliff, Tony, Russia, A Marxist Analysis (London: International Socialism, 1970).
Hare et al, Hungary : a Decade of Economic Reform (London: George Allen and Unwin, 1981).
Kushnirsky, Fyodor I, Soviet Economic Planning, 1965-1980 (Boulder; Westview, 1982).
Mandel, Ernest, Traité d’économie marxiste, Tome IV (Paris: Union Générale d’Éditions, 1962).
Mandel, Ernest, The Inconsistencies of State Capitalism (London: International Marxist Group, 1962).
Nove, Alec, The Soviet Economic System (London: George Allen and Unwin, 1980).
Sapir, Jacques, Pays de l’Est, vers la crise généralisée? (Lyon: Fédérop, 1980).
Sapir, Jacques, Travail et travailleurs en URSS (Paris: Éditions la Découverte, 1984).
Xue, Muqao, China’s Socialist Economy (Pékin: Éditions en langues étrangères, 1981).


 

 

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20 mars 2024

La dynamique capitaliste des économies étatisées (Adam Buick et John Crump 1986)

Deuxième  partie

La production en vue du profit

Le fait que le capital existe bel et bien dans les pays capitalistes d’État peut être constaté d’après le fait que son corollaire, le travail salarié, y existe et que la richesse s’y présente comme une « immense accumulation de marchandises ». Le capital est de la valeur investie dans la production avec le but d’en obtenir une valeur additionnelle, ou plus-value, dont la source est le travail non payé de la classe travailleuse. Dans les pays capitalistes d’État, le capital est fourni par l’État à des entreprises qui s’engagent dans la production. Nous avons démontré que le capitalisme d’État n’est pas, à proprement parler, une économie planifiée, mais nous ne nions pas que la production au niveau de l’entreprise soit soumise à un processus de planification imposé par les autorités centrales. Les plans sont élaborés en quantités physiques puis convertis en unités monétaires, de sorte que chaque entreprise se voit imposer toute une gamme d’objectifs exprimés en termes à la fois monétaires et physiques.

Il est à noter, en passant, qu’une telle combinaison du calcul physique et du calcul monétaire n’est pas inconnue dans le capitalisme privé. Quand il s’agit de firmes hautement diversifiées et engagées dans plusieurs branches de la production, il est inévitable que le calcul soit une affaire monétaire. Toutefois Rodney Clark a montré que des firmes japonaises spécialisées dans une seule branche de production ont choisi d’éviter quelques-unes des distorsions que l’instabilité monétaire entraîne, en tenant leurs livres de compte en partie en unités physiques — en tonnes d’acier, nombre de véhicules ou bien parts du marché (Clark, 1979, pp. 63-4 et 136). Ainsi, une des raisons pour lesquelles on a recours à des objectifs monétaires dans les pays capitalistes d’État est la nature hétérogène de la production. La plupart des entreprises produisent une variété de produits dont très peu sont suffisamment homogènes pour être utilement mesurés en seules unités physiques. Quand il s’agit d’additionner des produits qui ont une nature physique incompatible, il faut avoir recours à une unité générale qui, dans le capitalisme d’État comme dans le capitalisme privé, s’avère toujours être l’argent.

Toutefois, malgré l’importance de l’argent en tant qu’unité générale de mesure dans laquelle peuvent être exprimés tous les aspects de l’activité d’une entreprise particulière, là n’est pas la raison fondamentale pour laquelle l’argent s’affirme dans le capitalisme d’État. Si c’était le cas, il serait légitime de considérer la planification comme une opération accomplie essentiellement en unités physiques, le calcul monétaire n’y figurant qu’en tant qu’exercice complémentaire. Et c’est effectivement ainsi que la plupart des commentateurs comprennent la planification dans les pays capitalistes d’État. Cette façon de la comprendre mène à l’affirmation assez répandue que le plan de production (physique) « se revêt d’une forme monétaire ». D’après nous, cela inverse la véritable signification des calculs monétaires et physiques dans les pays capitalistes d’État. Nous dirions que, à l’échelle nationale, le calcul financier dans lequel s’exprime la recherche du profit par l’État n’est pas la forme de l’activité économique capitaliste d’État mais en est l’essence même.

Le but de la production capitaliste d’État n’est pas d’obtenir des produits sous forme de valeurs d’usage, mais d’extraire de la plus-value de la classe des travailleurs salariés. C’est là la raison fondamentale pour laquelle le calcul économique dans le capitalisme d’État doit se faire en fin de compte en unités de valeur mesurée par l’argent. Pour l’État, représentant de l’intérêt général du capital dans les pays capitalistes d’État, il ne suffit pas de savoir que X millions de tonnes d’acier ou Y millions de mètres d’étoffe ont été produits. Une telle information ne révèle pas le degré d’« efficacité » de la production dans des termes capitalistes qui intéressent l’État — c’est-à-dire, en termes du montant de plus-value extrait de la classe travailleuse. N’importe quel groupe de capitalistes, qu’ils soient capitalistes privés ou d’État, doit s’assurer que la plus-value extraite des travailleurs est au moins équivalente à celle obtenue par ses concurrents. S’il ne réussit pas à égaler au moins la performance de ses rivaux, il n’aura pas assez de surplus pour maintenir le taux nécessaire d’accumulation du capital ; et, inéluctablement, il deviendra non compétitif et finalement il périra. Comme premier pas pour éviter ce sort qui attend la firme non compétitive dans le capitalisme privé, l’Etat dans les pays capitalistes d’Etat doit avoir à sa disposition une mesure qui lui permette de comparer les taux des plus-value dans les entreprises et dans les diverses branches de l’économie. Cette mesure, c’est l’argent.

En bref, nous disons que la comparaison de l’« efficacité économique » entre secteurs, qui est nécessaire là où la richesse prend la forme de la valeur, ne peut se faire que par le calcul monétaire. En général, des données physiques sont utilisées pour comparer des choses semblables. En d’autres termes, des statistiques sur la production exprimées en unités physiques peuvent être très utiles quand il s’agit de comparer la performance actuelle d’une entreprise avec sa performance dans le passé, ou bien quand il s’agit de comparer la performance de deux entreprises semblables produisant le même article. Mais quand il est question de comparer des entreprises ou des branches économiques engagées dans la production d’articles différents, seul le calcul monétaire est approprié.

La plupart des commentateurs des pays capitalistes d’État nient que le profit y joue un rôle décisif, ceci parce qu’ils voient à tort les entreprises individuelles comme homologues de la firme chercheuse de profit dans le capitalisme privé. Il est effectivement exact que les directeurs d’entreprise, confrontés avec une gamme d’indicateurs parfois contradictoires dont seuls quelques-uns peuvent être réalisés, ne voient pas forcément le profit comme la première priorité. En Russie et dans les autres pays capitalistes d’État, la valeur brute de la production était considérée traditionnellement comme le premier indicateur de la performance d’une entreprise, mais aujourd’hui d’autres indicateurs, tels que la valeur nette de la production et la productivité du travail, commencent à prendre plus d’importance. La plupart des commentateurs ont mis l’accent sur le fait que quelques entreprises capitalistes d’État, voire des branches économiques entières, fonctionnent à perte de façon permanente et planifiée et ne font jamais de profit. Nous discuterons davantage des pertes planifiées dans le paragraphe suivant ; il suffit de signaler ici que, malgré des exceptions bien connues, la règle qui gouverne la quasi-totalité de la production capitaliste d’État est que chaque entreprise doit faire un profit monétaire. C’est une obligation, pour que l’économie nationale atteigne un taux suffisant de plus-value et assure ainsi la survie de l’État.

Dans les pays capitalistes d’État, l’État poursuit son but au moyen d’un réseau d’instructions et d’objectifs qu’il tisse autour des directeurs d’entreprise. Ceux-ci cherchent à conserver leur position et leurs privilèges en utilisant la marge de manœuvre qui leur est laissée en exécutant le plan à la lettre même si ce n’est pas à l’esprit. En face des stratégies et des subterfuges changeants des directeurs d’entreprise, l’État répond en mettant l’accent sur des objectifs différents à diverses occasions. Du point de vue du directeur d’une entreprise, la production capitaliste d’État signifie d’abord réaliser les objectifs qui sont en vogue à un moment donné. A moins que le profit soit précisément l’un de ces objectifs, il ne sera pas prioritaire pour le directeur d’entreprise. L’État, en revanche, ne peut jamais négliger de veiller à l’acquisition de la plus-value. C’est celle-ci qu’il garde en vue en donnant chaque instruction et en établissant chaque objectif. Comme nous l’avons expliqué, le calcul monétaire est un outil qui est indispensable à l’État pour comparer les taux de la plus-value créée dans les diverses entreprises et branches de l’économie. Dès que nous tournons notre attention du niveau de l’entreprise au niveau de l’État, nous pouvons voir que la recherche de la plus-value, exprimée sous forme de profits monétaires, est la caractéristique essentielle du capitalisme d’État.

Marché et plan

L’argument le plus percutant qu’on peut soulever contre la théorie du capitalisme d’État est que la production dans les pays capitalistes d’État n’est pas réglée par le marché à travers une lutte concurrentielle pour les profits. En cela le capitalisme d’État diffère en effet du capitalisme privé. Dans ce dernier il existe un marché des capitaux et on peut voir clairement que le capital fait la chasse aux hauts profits. Le capital y est dans un état de flux constant, quittant les secteurs moins profitables pour ceux plus profitables de l’économie, et c’est à travers ces mouvements spontanés du capital que la production est réglée. Ce processus de régulation de la production n’est pas planifié et dépend de l’existence d’un marché libre où les prix fluctuent selon l’offre et la demande. Du fait de l’influence des monopoles et de l’intervention étatique dans l’économie, il existe très peu de pays où règne un capitalisme privé se conformant aujourd’hui à ce modèle. Mais malgré ces déviations importantes du modèle, cette description du capitalisme privé demeure essentiellement valable.

En revanche, la plupart des conditions qui permettraient aux pays capitalistes d’État de fonctionner selon ce modèle sont absentes. Bien qu’il existe un marché des moyens de production, il n’est pas libre, et bien que les prix soient ajustés s périodiquement, ils ne réagissent pas aux fluctuations à court terme de l’offre et de la demande. Il est vrai que, par sa nature même, le marché noir est libéré de l’ingérence de l’État et que les prix s’ajustent automatiquement dans ce secteur de l’économie capitaliste d’État. De plus, même si les conditions ne permettent pas de l’étudier, un marché illégal des capitaux fait certainement partie de l’économie noire. Cependant, malgré l’importance du marché noir dans beaucoup de pays capitalistes d’État, nous ne voulons pas baser notre argumentation sur son existence et nous l’ignorerons ici. Mettant donc le marché noir de côté, nous pouvons dire que le marché des capitaux est insignifiant dans les pays capitalistes d’État parce que la formation légale de capital est dirigée par l’État.

A proprement parler, donc, la caractéristique du capitalisme que nous avons décrite comme « la régulation de la production par le marché » n’est pas présente dans les pays capitalistes d’État à cause du contrôle exercé par l’État. Cependant le grand paradoxe du capitalisme d’État est que l’État bloque la régulation spontanée de la production par le marché mais se voit lui-même obligé d’introduire un mécanisme similaire. Étant donné que le marché n’est pas libre, plus que les prix sont fixés de façon bureaucratique (et à un coût économique de plus en plus élevé selon qu’ils s’écartent de la loi de la valeur), et que les entreprises n’ont pas d’autonomie financière vis-à-vis de l’État, ce dernier est obligé de prendre la responsabilité de répartir les capitaux de façon à ce qu’un taux de plus-value adéquat puisse être réalisé, au lieu de laisser jouer librement les mécanismes « naturels » du marché libre et des mouvements de capitaux entre les secteurs. En d’autres termes, l’État est obligé de construire un autre mécanisme pour faire consciemment (avec moins d’efficacité, diraient beaucoup, mais ce n’est pas notre problème) ce que le marché fait automatiquement dans le capitalisme privé.

Les admirateurs du capitalisme d’État parlent souvent comme si les planificateurs avaient carte blanche et pouvaient à leur gré répartir les capitaux entre les secteurs économiques. Mais c’est loin d’être le cas. Les pays capitalistes d’État se situent dans le cadre d’un monde capitaliste où ils se trouvent en concurrence sans merci non seulement avec d’autres producteurs dans les pays du capitalisme privé mais aussi avec d’autres pays capitalistes d’État. Tous les pays capitalistes d’État sont donc soumis à une pression pour réaliser un taux global de plus-value au moins égal à celui de ses concurrents. Ne pas réaliser ce taux pourrait empêcher l’accumulation du capital au niveau nécessaire pour pouvoir continuer à concourir avec leurs rivaux internationaux.

Dans le capitalisme privé il existe une tendance automatique (c’est-à-dire, dirigée par le marché) à ce qu’un taux plus ou moins constant de profit se réalise quel que soit l’endroit où le capital est investi. Cette tendance ne se manifeste pas dans le capitalisme d’État. Par exemple, en Russie en 1978 le taux moyen de profit dans l’industrie était de 13,5 % mais il y avait une variation énorme entre les divers secteurs de l’économie, de -3,2 % dans l’industrie charbonnière à 25,3 % dans l’industrie légère (Nove, 1980, p. 185). Même à l’intérieur d’un secteur industriel donné la variation peut être importante. Kushnirsky écrit que dans l’industrie du vêtement les entreprises les plus efficaces ont réalisé des taux de profit quatre fois plus importants que ceux réalisés par les entreprises les moins performantes (Kushnirsky, 1982, p. 22). Dans le capitalisme privé, les entreprises qui ne réalisent que des profits bas ou négatifs disparaissent tôt ou tard, mais cela ne se produit pas dans les pays capitalistes d’État parce que la plupart des pertes (tout comme les profits) ne sont pas supportées par les entreprises mais par l’État. Ce fait est une source majeure de confusion pour beaucoup de commentateurs du capitalisme d’État, qu’ils soient critiques ou admirateurs, car ils identifient le capitalisme par la nécessité pour des entreprises individuelles de faire des profits et d’accumuler du capital. Toutefois il faut comprendre que même si les mécanismes de répartition des profits sont différents dans les deux variantes du capitalisme, ce qu’on répartit est identique, à savoir, la plus-value. Dans les pays capitalistes d’État, on peut tolérer des taux inégaux dans les divers secteurs et entreprises parce que la plus-value créée dans tous les secteurs va d’abord à l’État qui la redistribue ensuite parmi les entreprises et les secteurs. Ceci ne veut nullement dire, cependant, que l’État peut rester indifférent aux profits. Au contraire, comme nous l’avons déjà fait remarquer, si dans un pays capitaliste d’État le taux global de profit tombait sensiblement en dessous de celui réalisé par ses rivaux internationaux, son économie commencerait à s’effriter et les capitalistes d’État risqueraient de perdre leur contrôle du pouvoir politique.

Ce point compris, on peut voir pourquoi la répartition des capitaux par l’État doit se faire en fonction des niveaux de bénéfice. En général, les capitaux sont dirigés vers les entreprises et les secteurs hautement performants, et lorsqu’ils sont investis dans les autres secteurs, cet investissement est accompagné d’une pression énorme pour augmenter le taux de plus-value. Nous avons déjà vu que l’existence de quelques secteurs ayant un niveau de profit bas ou même négatif peut être tolérée dans le capitalisme d’État du fait que c’est l’État qui s’approprie en premier lieu la quasi-totalité de la plus-value produite dans les entreprises et la redistribue ensuite. Mais il ne faut pas imaginer que cette capacité de tolérer des secteurs non profitables est particulière au capitalisme d’État. On peut observer assez souvent le même phénomène dans le capitalisme privé. Moyennant l’intervention étatique, certains secteurs d’une économie capitaliste privée peuvent être autorisés à réaliser moins que le taux moyen de profit ou même de fonctionner à perte. Dans ces cas, soit l’État donne des subventions (dérivées, à travers les impôts, de la plus-value créée dans les autres secteurs de l’économie) aux secteurs non profitables qui peuvent même rester aux mains des capitalistes privés, soit il nationalise ces secteurs et les fait fonctionner comme un service dans l’intérêt général du capital situé à l’intérieur de ses frontières. Pour les pays capitalistes d’État comme pour les pays capitalistes privés, il existe tout de même des limites strictes au degré de non-rentabilité que l’économie peut tolérer. Puisque la subvention des entreprises non profitables réduit le montant total de plus-value à répartir parmi les autres secteurs de l’économie, les planificateurs capitalistes d’État sont aussi réticents que leurs homologues des pays à capitalisme privé pour verser sans fin des ressources à des entreprises peu performantes.

En son temps, Staline se vantait du fait qu’en Russie l’industrie lourde s’accroissait plus rapidement que l’industrie légère, pourtant très profitable ; selon lui cela démontrait que la loi de la valeur ne réglait pas le développement des diverses branches de la production. Comme nombre de déclarations de Staline, celle-ci était tout à fait hors de propos. Car il n’existe aucune loi automatique obligeant ceux qui ont la responsabilité de réaliser de la plus-value, à, choisir nécessairement de maximiser les profits à court terme.

Dans le cadre du capitalisme privé, ces dernières décennies, les performances impressionnantes de plusieurs grandes firmes japonaises sont à attribuer en partie à leur tendance à envisager l’acquisition des profits d’un point de vue stratégique et à plus long terme que beaucoup de leurs concurrents internationaux. Les déclarations même de Staline montrent qu’il pensait à ce genre d’approche stratégique et à long terme. La loi économique qui agit effectivement dans l’économie russe (et dans le monde capitaliste tout entier), c’est la loi qui impose que suffisamment de plus-value doit être créée afin de pouvoir réaliser le taux nécessaire d’accumulation. Staline pouvait s’offrir de sacrifier une partie des hauts profits venant de l’industrie légère, mais il ne pouvait s’offrir le luxe de négliger la nécessité de réaliser un taux suffisant de profit dans l’économie russe considérée comme un tout.

En résumé l’on peut dire que dans le capitalisme privé il y a régulation tendancielle automatique de la production par le marché, et qu’au contraire dans le capitalisme d’État la production est réglée de façon tendancielle car l’État et ses bureaux de planification. Mais cette « planification » étatique est une réponse aux pressions que l’État ne crée pas et qui en fait agissent sur lui impitoyablement. Ces pressions viennent en fin de compte de la concurrence des capitaux rivaux. En d’autres termes, les pressions qui s’exercent sur l’État et ses planificateurs sont les mêmes que celles qui agissent sur leurs homologues à travers le marché dans le capitalisme privé. Exactement comme leurs homologues privés, les planificateurs capitalistes d’État ignorent ces pressions à leurs risques et périls.

Cette similitude fondamentale entre le rôle du marché dans le capitalisme privé et le rôle de l’État dans le capitalisme d’État a un corollaire dans la façon dont s’effectue la formation des prix dans les deux variantes de la. même économie capitaliste. Alors que dans le capitalisme privé, les prix sont fixés spontanément sur le marché, dans les pays capitalistes d’État (la Hongrie et la Yougoslavie étant des exceptions partielles) les prix sont fixés dans une large mesure dans les bureaux de plan. Mais cela ne veut pas dire que les « planificateurs » peuvent fixer les prix comme ils le veulent. Si les autorités capitalistes d’État souhaitent maximiser la plus-value ils doivent utiliser des prix qui prennent en compte la loi de la valeur. Bien entendu un nombre limité de prix peut ne pas en tenir compte sans que des problèmes majeurs surgissent, mais un excès de prix inexacts rendrait impossible l’identification précise des secteurs où il y a un taux satisfaisant de plus-value et des secteurs d’où la plus-value régresse. Si on permettait à cette situation de se prolonger, l’économie ne serait pas assez performante et finalement la position dominante de ceux qui exercent le contrôle politique serait menacée.

L’accumulation du capital

En discutant ci-dessus la nécessité pour le capital (d’État) de réaliser une plus-value suffisante et pour la production d’être réglée par rapport aux taux de plus-value, nous avons prêté peu d’attention à la nature dynamique du capitalisme. Pourtant c’est parce qu’il existe en son sein une concurrence entre capitaux rivaux que le capitalisme est un système économique dynamique. L’innovation et le développement des forces de production sont inhérents au capitalisme du fait que, pour survivre, chaque capital est obligé de chercher à prendre l’avantage sur ses rivaux, notamment en adoptant des méthodes de production plus efficaces qui permettent à ses marchandises de se vendre à des prix plus bas que ceux de ses rivaux. Autrement dit, l’avantage est gagné en accumulant du capital — en investissant dans de l’équipement nouveau capable de produire en plus ou moins de temps (c’est-à-dire, capable de réduire la quantité de travail socialement nécessaire à la production d’une marchandise et par conséquent de faire baisser sa valeur et son prix).

Aucun capital ne peut se permettre d’ignorer cette nécessité d’accumulation. Afin de simplement maintenir sa part de marché, chaque capital est constamment obligé de diriger la majeure partie de la plus-value qu’il réalise vers de nouveaux investissements. Dans un passage bien connu du Capital, Marx écrit :

« Le développement de la production capitaliste nécessite un agrandissement continu du capital placé dans une entreprise, et la concurrence impose les lois immanentes de la production capitaliste comme lois coercitives externes à chaque capitaliste individuel. Elle ne lui permet pas de conserver son capital sans l’accroître, et il ne peut continuer de l’accroître à moins d’une accumulation progressive » (Le Capital, I, chapitre XXIV, section III).

Le « capitalisme individuel » dont parle Marx a été quasiment éliminé du capitalisme privé moderne et, inutile de le dire, également du Capitalisme d’État. Mais les « lois coercitives externes » continuent d’agir même sur des multinationales géantes et sur des blocs entiers du capital d’État. Quelle que soit son importance et son étendue, chaque capital doit courir simplement pour rester sur place, et, pas plus que le capital privé, le capital d’État ne peut échapper à la contrainte de l’accumulation. Cependant, les entreprises capitalistes d’État n’ayant pas d’autonomie financière, la nécessité d’accumuler du capital agit en premier lieu sur l’État plutôt qu’au niveau de l’entreprise individuelle.

Pour certains de ceux qui reconnaissent l’existence d’une concurrence entre les pays socialistes d’État et les pays à capitalisme privé, il ne s’agit pas de la manifestation d’une rivalité économique inhérente au capitalisme en tant système mondial. Cette concurrence étant, pour eux, la confrontation entre deux systèmes sociaux opposés, l’un capitaliste, et l’autre non capitaliste. Tandis que nous mettons l’accent sur la similitude fondamentale entre ces pays et sur les racines économiques de leur rivalité, ces commentateurs insistent sur les différences et prônent que les conflits s’expliquent pour des raisons militaires et non pas économiques. Par exemple, Mandel prétend que la concurrence entre la Russie et les autres grandes puissances « prend principalement une forme militaire » et qu’elle n’est pas une « concurrence capitaliste » parce qu’elle « découle précisément du caractère socialement différent de l’URSS et du monde capitaliste qui se font face » (Mandel, 1962, p. 27). Sur cette base, non seulement il est impossible d’exprimer l’hostilité évidente entre des pays comme la Russie et la Chine, mais, selon nous, il est erroné de tenter de distinguer trop nettement entre des considérations militaires et commerciales.

Si les pays rivaux au sein du capitalisme privé (ou rivaux au sein du capitalisme d’État) développent un nouveau secteur économique, par exemple l’informatique, les pays capitalistes d’État doivent en faire autant pour des raisons aussi bien militaires que commerciales. Écoutons le premier ministre adjoint hongrois, Josef Marjai, expliquer en 1983 les pressions commerciales s’exerçant sur son pays :

« Même dans l’actuel climat économique mondial, dans le déséquilibre et la croissance lente, une nouvelle révolution technique est en train de se produire. la Hongrie doit s’efforcer de suivre cette révolution afin de ne pas être laissée sur la touche. Notre priorité économique principale l’amélioration de l’équilibre économique de notre pays — suppose que nous aussi nous changions à fond la structure de notre économie. Qu’est-ce que « le changement structurel » implique dans la pratique ? Il implique que nous fabriquions des produits que le monde va acheter, qui ont un contenu intellectuel plus élevé, et qui requiert moins de matières premières et moins d’énergie pour leur production. En effectuant de tels changements structurels, nous améliorerons directement la balance externe de l’économie hongroise. » (Entrevue, Financial Times, 10.5, 1983).

Si les pays capitalistes d’État omettaient de développer les secteurs économiques nouveaux qui sont apparus ailleurs, non seulement leur système d’armements serait dépassé par ceux de leurs rivaux militaires, mais de plus leurs niveaux de productivité seraient dépassés de la même manière par leurs rivaux commerciaux. Dans la mesure où les économies capitalistes d’Etat sont intégrées dans l’économie mondiale et où elles vendent leurs produits sur les marchés du monde, elles doivent, tout comme n’importe quelle autre entreprise capitaliste, s’efforcer de produire leurs marchandises aussi bon marché que les produits rivaux. C’est pourquoi la conception de l’« efficacité économique » qui prévaut dans les pays capitalistes d’État ne peut être distinguée de celle qu’on trouve dans le capitalisme privé, et pourquoi les intérêts des travailleurs sont subordonnés à la réalisation des profits. C’est la nécessité de se concurrencer tant militairement que commercialement, et donc d’accumuler du capital, qui explique pourquoi tous les pays capitalistes avancés, qu’ils soient ouvertement capitalistes ou prétendument « socialistes », se conforment au même modèle. Les mêmes secteurs économiques sont visibles et l’organisation de la production se fait d’une façon fondamentalement similaire, où que l’on regarde.

Dans ce chapitre nous avons cherché à démontrer que la dynamique économique des pays capitalistes d’État est fournie par la recherche du profit venant du travail non payé de la classe travailleuse salariée. Le profit est recherché parce que, du fait de la concurrence inhérente au capitalisme mondial, le capital d’État est obligé d’investir la plus-value nouvellement acquise dans le but contraignant de s’accumuler et donc de s’élargir. Malgré certaines ressemblances entre notre interprétation du capitalisme d’État et la théorie de « l’économie-monde » d’Immanuel Wallerstein, nous divergeons fondamentalement avec les partisans de cette école lorsqu’ils voient dans les pays capitalistes d’État des exemples d’expériences manquées de la construction « socialiste ». Selon leur théorie, les pays capitalistes d’État auraient fait des efforts vaillants pour construire « le socialisme » mais ils ont finalement été battus et obligés de faire des compromis avec le système-monde capitaliste beaucoup trop puissant (Chase-Dunn, 1982). En revanche, nous voyons le capitalisme d’État comme une formation anti-socialiste basée sur l’exploitation des producteurs non seulement dans son état de maturité opportuniste mais même dans ses périodes « héroïques » et révolutionnaires dans diverses parties du monde. Le capitalisme est bien en effet un système mondial, mais le capitalisme d’État est aussi bien partie intégrante de ce système que le capitalisme privé.

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Ce que j'expose ci-dessous contient ce que je ne partage pas et où je diffère de ce qu'Adam Buick et John Crump exposent dans leur texte The Capitalist Dynamics of Statist Economies, que j'espère pouvoir vous envoyer bientôt avec les détails correspondants.

Dans sa révolution victorieuse, la bourgeoisie a fait de l'argent un capital, c'est-à-dire qu'elle a conditionné l'argent à une fonction spécifique dans le processus de production, à savoir la médiation de la formation du produit excédentaire ou de la plus-value par le biais du capital salarial. L'argent, au sens bourgeois, est indexé sur la plus-value, sur le produit excédentaire, et non sur le produit, la plus-value qui est à son tour étroitement liée à la propriété privée des moyens de production et à la propriété privée de la force de travail.

La grande réalisation de la bourgeoisie a été le droit privé inaliénable à la richesse monétaire et à la propriété des moyens de production, ce qui n'était pas le cas sous l'ancien régime parce que les principaux moyens de production, et même la richesse, étaient tenus captifs par le souverain, le roi, y compris les obligations qui accompagnaient la propriété liée parce que leur accomplissement était également suprêmement contrôlé par la couronne.

La monnaie, en étant indexée sur le produit (et non sur la propriété privée des moyens de production et la propriété privée de la force de travail) résout le problème de l'établissement de la révolution communiste - la révolution bourgeoise a également eu lieu en tant que processus dans un temps successivement construit et non comme un coup de baguette magique dans un conte de fées. En d'autres termes, ce n'est pas l'indexation sur un produit excédentaire ou une plus-value qui détermine l'émission monétaire et la quantité de monnaie en circulation, mais l'indexation sur la nature et la culture qui leur donnera une raison d'être tant qu'elles seront socialement nécessaires.

En indexant la monnaie sur la propriété (propriété des moyens de production et propriété de la force de travail), la bourgeoisie a résolu son problème économique. L'argent indexé sur la double propriété privée des moyens de production et de la force de travail est un capital. Et il est capital parce qu'il implique une production sociale exponentielle en même temps que le droit inaliénable de s'approprier les richesses pour ceux qui les possèdent.

La propriété privée de la force de travail est pleinement assumée avec la fin du servage et l'abolition de l'esclavage. Avec la fin du servage et de l'esclavage, la propriété privée de la force de travail devient une réalité sociale.
La révolution communiste, en supprimant l'achat et la vente des moyens de production en même temps qu'elle interdit l'achat et la vente de la force de travail, libère l'humanité à la fois de la tutelle du propriétaire des moyens de production et de l'aliénation du propriétaire de la force de travail.

Le travail cesse alors d'être une humiliation et la propriété n'est plus le privilège de quelques-uns.

Ce que je viens d'expliquer contient ce que je ne partage pas et ce en quoi je diffère des propos d'Adam Buick et de John Crump, et j'espère pouvoir vous envoyer bientôt les détails correspondants.

Pedro Pacheco
Ilha de S. Miguel, Azores

 

13 mars 2024

En Ukraine comme en Russie, les désertions vont se multiplier.

En Ukraine comme en Russie, les désertions vont se multiplier.

Nous pouvons que nous réjouir de la montée en puissance des désertions même si les mouvements pacifistes présentent quelques faiblesses. Compte tenue de la menace d'une troisième guerre mondiale, il est important de promouvoir toutes les actions anti-guerre dans un premier temps comme marche pied à un changement plus radical de la société en pleine mutation technologique.

Les médias font actuellement beaucoup de bruits autour de l'assassinat du russe Navalny cet opposant à V.Poutine. Les assassinats d'opposants au pouvoir russe sont presque une coutume comme l'utilisation des poisons...

Dans le contexte actuel la guerre qui se prolonge en Ukraine commence à faire surgir des anti-guerre aussi bien en Russie qu' en Ukraine et en Europe mais aussi dans d'autres parties du monde confrontées aux guerres.

Récemment un militaire russe du nom de Maxim Kouzminov1 a fait une désertion courageuse qui malheureusement lui coûtera la vie. Il sera assassiné en Espagne, et tout laisse à penser qu'il s'agit des services secrets de Poutine. Son corps sera retrouvé criblé de balles dans un parking souterrain dans la localité de Villajoyosa.

En Ukraine aussi la chasse aux déserteurs est ouverte. A la frontière avec la Roumanie, les gardes-frontières traquent ceux qui fuient à l’étranger pour ne pas être mobilisés; sachant que la conscription, est obligatoire entre 18 et 60 ans. Selon Kiev, 20.000 d'entre eux ont été arrêtés ces derniers mois.

Voir les vidéos

https://www.youtube.com/watch?v=ldTB7JUtHLM

https://www.tf1info.fr/international/video-guerre-en-ukraine-deserteurs-ces-ukrainiens-ils-racontent-pourquoi-ils-ont-fui-le-combat-2268308.html

https://www.arte.tv/fr/videos/115990-000-A/les-deserteurs-ukrainiens-fuient-en-roumanie/

Plus cette guerre dure et plus chaque camp compte ses cadavres et blessés par milliers, plus des révoltes au sein des armées respectives se font jour. Des témoignages arrivent et même les plus patriotes refusent de combattre, comme en témoignent des vidéos et autres informations sur les réseaux sociaux. On dénombre que 54% des soldats russes blessés sur le front vont devoir être amputés d'un membre. Ce qui représente, entre 75.000 et 100.000 personnes2. A ce rythme il sera nécessaire pour les deux camps de recruter des mercenaires du genre Wagner, ce qui semble se faire actuellement.

Au printemps 2023, le patron de Wagner Prigojine révélait que les pertes russes avaient été systématiquement minimisées par le Kremlin. Celui-ci évaluera juste avant sa mort le nombre de soldats décédés entre 100.000 et 120.000 depuis février 2022.

Au cours de la seule bataille de Bakhmout, 20.000 mercenaires de Wagner auraient perdu la vie. Un nombre similaire de militaires sous contrat auraient péri, portant le total des victimes à 40.000 dans cette seule région. Comme les volontaires manquent dans les deux camps, ceux ci ont recours à l' enrôlement forcé et à la tromperie. Ce n'est un secret pour personne que ce genre de recrutement forcé est pratiqué, Zelinski lui même le reconnaît .

Il est devenu incontestable que la contre offensive ukrainienne est un échec, pas seulement pour l'Ukraine mais aussi pour l' OTAN et aussi pour Poutine qui lui aussi commence à voir l'ennemi de l'intérieur prendre des forces pour que la paix des tombes ait raison des massacres.

Cette situation,ne convient pas aux fauteurs de guerre, aussi nous venons de voir le sieur Emanuel Macron monter au front (médiatique) provocateur il va déclarer tout haut envisager l'envoi de troupes sur le sol ukrainien. Cette déclaration choc aura au moins l'avantage de confirmer que Macron se présente comme chef de guerre de l' UE, avec la conviction que l' UE doit maintenant passer à l' offensive. Elle a aussi le mérite de valider la défaite de la « contre offensive » et la démoralisation des troupes, de même côté russe. Nous allons donc assister à un renforcement de la répression intérieure dans les deux camps. La déclaration de Macron arrange Poutine qui maintenant peut justifier que l' occident veut la peau de la Russie.

Macron part au combat comme Don Quichotte contre les moulins à vent, seulement les troupes de l' UE ne sont pas prêtent à se «  rallier a son panache blanc »3 comme le faisait remarquer un éditorialiste

« Enfin, sur le plan de la politique intérieure où, à l’approche des élections européennes, Emmanuel Macron à réendossé son habit de chef de guerre, elle crée artificiellement un clivage entre ceux, les pleutres, qui ne voudraient pas d’une confrontation avec la Russie, et ceux, les va-t-en-guerre, qui accepteraient d’envisager mourir pour Kiev. »

L’enrôlement forcé dans les deux camps

Là aussi ce n' est que timidement que les informations se font jour, Face à la pénurie de soldats, l’Ukraine a parfois utilisé les grands moyens. Dans un entretien accordé à la chaîne allemande ARD, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a reconnu que certains représentants des bureaux de recrutement ont déjà enrôlé de force certains hommes en âge de combattre. «Oui, il y a eu de tels cas», a déclaré le chef d’État ukrainien. «Certains représentants des bureaux d’enrôlement militaire ont parcouru les rues à la recherche d’hommes qui refusaient de se mobiliser de leur plein gré, mais c’était une erreur», a-t-il admis.

En ce qui concerne la Russie, nous savons qu'il y a des recrutements déguisés en offre d' emploi, qui sont envoyés au front,ce sont des jeunes indiens, cubains, népalais selon le Nepali Times et la BBC.

Au moment ou je termine cet article, les parlementaires sont réunis pour donner leur avis sur l’accord de sécurité franco-ukrainien du 16 février 2024. Le résultat est une approbation positive en faveur de l'intervention au sol dans un futur proche en Ukraine. Les Républicains, le centre et les opportunistes gravitants autour de Macron, ont voté « POUR »

Le Rassemblement national s'est abstenu avec l' argument qu'il ne fallait pas envoyer des armes qui pourraient affaiblir la défense du territoire (Nationalisme bien de chez nous.)

EELV les écologistes, sans surprise, les « verts kaki » ont voté POUR.

La France insoumise et le PCF ont voté CONTRE comme Dupont Aignant (Debout la France).

Le résultat final est le suivant : 372 voix se sont prononcées pour, 101 abstentions 99 voix contre, une petite victoire parlementaire pour le Don Quichotte de la république.

Vive le défaitisme révolutionnaire,

Vive les désertions et tout acte anti-guerre comme le blocage de d'envoi d' armes...

G.Bad 12 mars 2024

Notes

1 Maxim Kouzminov avait fait parler de lui en août dernier lorsqu’il avait déserté à bord d’un hélicoptère Mi-8 de l’armée russe et rallié le territoire sous contrôle ukrainien. « Je ne veux pas être complice des crimes russes », avait-il alors déclaré dans un documentaire diffusé par les services de renseignement ukrainien.

2 Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a vérifié plus de 30.010 victimes civiles dans en Ukraine : 10.378 tués et 19.632 blessés depuis le début de l'attaque militaire russe contre l'Ukraine en février 2022, jusqu'en janvier 2024. Selon les services de renseignements américains, environ 315.000 Russes ont été blessés ou tués depuis le début de la guerre en février 2022.

3  Ralliez-vous à mon panache blanc, vous le trouverez au chemin de la victoire et de l’honne ont votébur. » Henri IV à ses compagnons, avant la bataille d’Ivry, 14 mars 1590.


 

7 mars 2024

Marx, le capitalisme et le communisme [Buick]

Militant depuis 1962 du Parti socialiste de Grande-Bretagne dont il a été le secrétaire à l’outre-mer puis le secrétaire général en 1993-1995, et reste un des principaux conférenciers. Auteur avec John Crump de State capitalism: The Wages System Under New Management (1986). Adam nous a envoyé la collection presque complète de Socialisme mondial et a participé à plusieurs traductions.

Marx naquit en 1818 et mourut en 1883. Il devient communiste vers la fin de 1843. La durée de son activité politique pour le communisme s’étala donc presque sur une quarantaine d’années, de 1843 à 1883. Ses activités politiques furent inévitablement influencées par les conditions de vie à cette époque. L’inévitabilité de cette influence fait même partie de sa propre théorie.Le capitalisme était alors un système social relativement jeune et encore dans sa phase d’expansion. Basée sur le charbon et le fer, sa technologie, quoique énormément plus productrice que celle du passé, était arriérée en comparaison de la technologie moderne. On ne connaissait ni le moteur électrique ni le diesel. Les moyens de transport se limitaient à la locomotive à vapeur et à la voiture à cheval. Les habitations et les rues étaient éclairées au gaz. De nombreux travailleurs, pour ne pas dire la plupart, étaient encore employés dans de petits ateliers, et non dans les grandes usines que nous connaissons aujourd’hui.

Du point de vue politique également, le capitalisme était encore dans sa phase de croissance. Les formes politiques du capitalisme (c’est-à-dire le contrôle parlementaire, l’extension du droit de vote, une administration professionnelle) n’existaient que dans quelques pays, et encore étaient-elles incomplètes. La plus grande partie de l’Europe était gouvernée par des régimes franchement antidémocratiques avec des dirigeants héréditaires soutenus par une aristocratie foncière. Les trois régimes les plus puissants parmi ceux-ci (la Russie tsariste, l’Autriche Habsbourg et le royaume de Prusse) constituaient une menace permanente pour les formes politiques capitalistes, partout où celles-ci s’établissaient.

Bref, Marx s’engagea politiquement à un moment où le capitalisme n’était pas encore le système mondial dominant, du point de vue économique et politique. Ce fait eut une influence déterminante sur ses tactiques politiques. Il pensait que c’était le capitalisme qui frayerait la voie au communisme et que ce premier avait encore du travail à faire. Il préconisait donc, vu les circonstances, qu’il était du devoir des communistes à travailler non seulement pour le communisme, mais aussi pour le progrès du capitalisme aux dépens des formes politiques et sociales réactionnaires. Ceci amena Marx à soutenir des campagnes qui visaient à établir la démocratie politique ou qui auraient, d’après lui, pour effet de stabiliser ou de protéger la démocratie.

Ainsi le voit-on prendre parti pour l’indépendance de l’Irlande, de façon à affaiblir le pouvoir de l’aristocratie foncière anglaise qui était un obstacle au développement de la démocratie politique en Grande-Bretagne. Il soutint également l’indépendance polonaise, de façon à établir un Etat-tampon entre la Russie tsariste et le reste de l’Europe, pour donner à la démocratie politique l’occasion de s’y développer. Par contre, il ne se prononça pas pour les mouvements slaves réclamant leur indépendance de l’Autriche ou de la Turquie. Cela montre en tout cas que ce n’est pas parce qu’il croyait que toute nation avait un droit abstrait à l’autodétermination qu’il appuyait certains mouvements indépendantistes.

Marx était en fait tellement opposé à la Russie tsariste qu’il en arriva à soutenir l’alliance franco-britannique lors de la guerre de Crimée — ce qui était une pure et simple erreur de jugement. Il appuya l’établissement d’un Etat unifié en Allemagne et en Italie, parce qu’il pensait que cela y accélérerait le développement du capitalisme et il prit position pour le Nord dans la guerre civile américaine, considérant qu’une victoire des esclavagistes du Sud retarderait le développement du capitalisme en Amérique.

Ces positions étaient dans une certaine mesure compréhensibles à une époque où le capitalisme n’avait pas encore fini de créer les fondements matériels du communisme, puisqu’elles avaient pour but d’accélérer ce processus. Mais dès que le capitalisme eut créé ces conditions, disons trente ans après la mort de Marx, de telles positions devinrent dépassées et même réactionnaires, et ceci selon la théorie même de Marx.

Trente ans après la mort de Marx, l’électrification de l’industrie, le moteur à combustion interne, la radio et d’autres progrès technologiques étaient apparus et montraient clairement que le problème de la production d’une abondance pour tous était résolu, que la pénurie était enfin surmontée et que l’humanité pouvait finalement commencer à profiter du dur labeur des générations précédentes de producteurs — mais à condition que le capitalisme soit aboli et le communisme réalisé.

En 1914 éclata la guerre, appelée « mondiale » à juste titre, qui marqua l’émergence du capitalisme en tant que système mondial prédominant et incontesté et qui aboutit à la chute des trois empires réactionnaires que Marx avait considérés comme des menaces pour le progrès démocratique et social de son époque.

Grâce à ces changements de circonstances, les communistes n’avaient plus à aider le capitalisme à préparer la voie au communisme. Le capitalisme l’avait déjà fait et était donc devenu un système réactionnaire; par conséquent, les communistes devaient exclusivement consacrer leurs efforts à encourager le développement de la conscience communiste et l’organisation de la classe travailleuse. Ils devaient refuser de se laisser détourner de cet objectif pour se mettre à proposer ou à appuyer des réformes sociales et démocratiques et des mouvements visant à établir de nouveaux Etats, ou pour se mettre à soutenir l’un des camps en temps de guerre.

Marx était également concerné par un autre problème qui fut résolu par la suite grâce aux progrès technologiques survenus dans le capitalisme: le passage au communisme. Marx vivait à une époque où le capitalisme n’avait pas encore complètement posé les fondations qui auraient permis la réalisation immédiate du communisme. Lorsqu’on soulevait cette objection, il répondait que si la classe travailleuse avait pris le pouvoir à ce moment-là (ce qui était, nous pouvons le voir maintenant, tout à fait improbable vu l’immaturité politique de la classe travailleuse de l’époque et vu le fait que beaucoup étaient encore employés dans la petite industrie), il aurait fallu avoir une période de transition relativement longue qui aurait permis tout d’abord de centraliser l’administration des moyens de production qui n’étaient pas encore complètement industrialisés. Cela fait, il aurait fallu travailleur au développement rapide des moyens de production pour pouvoir bientôt satisfaire tous les besoins humains. Mais pendant ce temps, toujours d’après Marx, il aurait fallu limiter la consommation, même au sein d’une société fondée sur la possession commune et la gestion démocratique des moyens de production: le libre accès selon les besoins individuels n’aurait pu être mis en application avant que les moyens de production ne se soient développés davantage. Marx ne fit aucune allusion au temps que cela prendrait mais en évaluant le progrès technologique qui suivit, on peut penser que cela aurait représenté une trentaine d’années.

Ce point de vue s’explique à l’époque, mais plus de nos jours. Aujourd’hui, les « périodes de transition », les « dictatures révolutionnaires », les « bons de travail » n’ont plus de raison d’être et représentent des concepts du XIXe siècle. L’accès libre pour tous aux biens et aux services selon les besoins individuels pourrait être introduit pleinement presque tout de suite après la réalisation du communisme — et on pourra réaliser le communisme dès que la classe travailleuse le voudra et mènera l’action politique nécessaire.

Toutefois, on peut se demander si le manque de développement industriel et social dans certaines parties du monde pourrait retarder la réalisation du communisme. C’est ce qu’on appelle le problème des pays « arriérées », mais c’est plus exactement le problème du développement inégal. La réponse est tout simplement non. Il n’est pas nécessaire que le monde entier soit industrialisé ni que toute la population du monde soit transformée en salariés non-propriétaires avant que le communisme puisse être réalisé.

La base matérielle du communisme est l’organisation à l’échelon mondial, établie par le capitalisme. La masse des richesses produites dans le monde aujourd’hui est produite par le travail coopératif des millions de personnes employées à faire fonctionner cette organisation. Le capitalisme a donné naissance à la classe travailleuse, dont l’intérêt économique est de réaliser le communisme. C’est pourquoi la force du mouvement communiste viendra des travailleurs salariés des parties du monde soumises à un capitalisme avancé.

Effectivement, le développement industriel n’est en aucune façon également réparti dans le monde. En Europe, en Amérique du Nord, en Australie, au Japon, en Russie, la grande majorité de la population vit et travaille dans des conditions capitalistes de production pour le profit et de salariat, tandis que, dans certaines parties du monde, l’industrie capitaliste n’est qu’une oasis au milieu d’un désert d’agriculture arriérée. Entre ces deux pôles se situent des pays à différents stades de développement industriel. Pour l’instant, tous les êtres humains ne sont pas des salariés non-propriétaires, la plupart des autres étant des paysans encore exploités par des propriétaires fonciers et des usuriers.

Dire qu’une grande partie des gens ne sont pas soumis à des conditions de vie capitalistes ne veut pas dire que leurs vies ne sont pas affectées par ce système. Les fluctuations des prix sur le marché mondial ont une influence directe sur leur niveau de vie, et ils ne peuvent échapper aux conséquences des guerres entre puissances capitalistes. En considération de ce fait, et du fait que la masse des richesses mondiales est produite dans les pays capitalistes, nous pouvons dire que le capitalisme est le système social prédominant dans le monde d’aujourd’hui.

Il n’est pas nécessaire d’attendre que la production capitaliste existe partout avant que le communisme puisse être réalisé. Le communisme est possible maintenant et il l’est depuis de nombreuses années, depuis que sa base industrielle existe. Dès que les travailleurs du monde le voudront, ils pourront instaurer la possession commune des moyens de production et de distribution, et amener une production orientée vers la seule satisfaction des besoins humains.

Le capitalisme à l’échelle mondiale est dépassé depuis longtemps, de telle sorte que son introduction dans les pays non-développés industriellement n’est plus un stade nécessaire au progrès économique. Le communisme, qui implique l’émancipation de toute l’humanité, peut résoudre aussi bien les problèmes des habitants de ces pays que ceux des travailleurs des pays capitalistes de longue date. Quand le communisme aura été réalisé, il n’y aura pas de raison que ces pays ne soient développés dans ces conditions radicalement différentes de celles imposées par le capitalisme.

Quels qu’en soient les résultats à long terme, l’impact immédiat du capitalisme sur les sociétés préindustrielles a été partout désastreux. Cela commença avec la traite des esclaves au tout début du capitalisme, et maintenant cette partie du monde est presque au bord de la famine. Le capitalisme a désagrégé ces sociétés pour faire travailler des ouvriers dans les plantations, au fond des mines et dans les usines qu’il installe. Tout cela a causé de terribles souffrances humaines.

Les gens ne doivent pas encore souffrir au nom d’un meilleur avenir. Grâce à la possession commune et à l’orientation de la production vers la seule satisfaction des besoins humains, le développement industriel pourrait s’effectuer sans les inconvénients qui l’ont toujours accompagné sous le régime capitaliste. Grâce aux connaissances déjà acquises par les médecins, les diététiciens, les sociologues et autres, la transition aux techniques industrielles de production pourrait, dans un monde communiste, se faire sans ajouter à la misère humaine. Les personnes concernées ne seraient pas des victimes forcées à se transformer en salariés, mais seraient aidées par les gens d’autres parties du monde à devenir membres à part entière de la communauté communiste, capables de profiter de l’éducation et de l’abondance, capables d’apporter leur propre contribution à la société. S’il arrivait que certains groupes ou personnes ne désirent pas changer de façon de vivre, personne ne les y obligerait, mais il est probable que de tels cas seraient très rares, puisque le capitalisme a déjà désagrégé la plupart des sociétés préindustrielles et a fait désirer aux gens une vie plus satisfaisante. Développer les régions arriérées du monde sera l’un des problèmes de la société future, mais, comme dans d’autres cas, le communisme fournira un cadre dans lequel ce problème pourra être résolu rationnellement et humainement Etant donné que le capitalisme n’a plus rien de positif à apporter au développement des moyens de production, de distribution et de communication, il ne faut pas appuyer les mouvements dits « de libération nationale » et « anti-impérialistes » qui visent à gagner le pouvoir politique dans les pays sous-développés à moderniser et à industrialiser les zones qu’ils gouvernement. Beaucoup de ces mouvements, ainsi que les régimes qu’ils installent, s’inspirent du modèle bolchevique. Les bolcheviks étaient une minorité résolue qui prit le pouvoir en Russie en 1917, et qui, par une politique dictatoriale, construisit une économie capitaliste moderne, s’imposant elle-même comme nouvelle classe privilégiée et exploitante. Du point de vue de ceux qui sont gouvernés, l’accession d’une telle classe au pouvoir ne représente qu’un changement de maîtres, avec la perspective de passer de l’état de paysans exploités à celui de salariés exploités. La encore, cela n’a rien à voir avec le communisme, et n’est pas du tout nécessaire, puisque le communisme à l’échelle mondiale est possible depuis longtemps.

Adam, le 20.12.2001


 

29 février 2024

Sur les accords militaires de la Grande Bretagne,de l' Allemagne et de la France avec l' Ukraine.

Sur  les accords militaires de la Grande Bretagne,de l' Allemagne et de la France avec l' Ukraine.

G.Bad- Sur les accords militaires de la Grande Bretagne,de l' Allemagne et de la France avec l' Ukraine.

https://les7duquebec.net/archives/290001

Avant d' analyser l'évolution des contradictions des blocs impérialistes et les guerres déjà en cours, il nous faut de nouveau préciser nos positions historiques contre les guerres et le nationalisme montant. Nous réaffirmons donc n' appartenir à aucun camp et nous ne saurions tomber dans le piège de l' agresseur et l' agressé. Notre position est d' opposer à la barbarie qui se prépare à l' échelle mondial la formation d'un troisième camp , celui du socialisme mondial et du défaitisme révolutionnaire.

Cela fait maintenant, plusieurs années que les États-Unis veulent que l'UE assume le financement de sa propre « défense » tout en restant dans l' OTAN. Cela fait aussi des années que la France se refuse à n’être qu'un nain militaire dans la cour des grands, de la période gaulliste à nos jours. Le président Macron est sur cette ligne, mais il sait très bien qu'une armée européenne ne peut être possible que si le parapluie de l'OTAN devient incertain. Le coq français se sent pousser des ailes à l'idée que Donald Trump devienne Président des américains. Voila pourquoi préventivement il vient comme ses confrères Britanniques et allemands de signer,un accord militaire historique avec le régime ukrainien qui craint que « l’isolationnisme » de Trump se retire de l' assistance à l'Ukraine.

Ce qui se passe actuellement n' est pas sans rappeler, ce qui s'est passé avant la seconde guerre mondiale,la montée du fascisme allait contraindre à des alliances à géométrie variables et instables. Le gouvernement soviétique formula les conditions suivantes: signature entre l'Angleterre, la France et l'URSS d'un pacte effectif d'assistance mutuelle contre l'agression, garanties données par l'Angleterre la France et l'URSS aux États de l'Europe centrale et orientale, y compris tous les pays européens sans exception limitrophes de l'URSS, signature d'une convention concrète militaire entre l'Angleterre, la France et l' URSS sur les formes et les proportions d'une assistance immédiate et effective réciproque et aux État bénéficiaires de la garantie, en cas d' agression.

Or sur quoi butta la négociation, si longue ? Elle butta sur le fait que les représentants anglais et français, tergiversaient constamment, refusaient de garantir leur aide à l'URSS dans le cas ou celle ci serait attaquée. De même ils laissaient sans réponse la question de savoir s'ils entendaient participer à la garantie des petits États limitrophes de L'URSS couvrant sa frontière Nord Ouest, au cas ou ces derniers seraient impuissants à défendre leur neutralité contre une attaque de la part d'agresseurs. Le dessous des cartes devenait visible les anglo français ne renonçaient pas à leur projet de pousser Hitler contre l'URSS, ce qui provoquera le fameux pacte Germano soviétique.

C' est ce qui se passe actuellement avec les accords militaires distincts de l' Allemagne , la Grande Bretagne et la France, (la Russie ayant le rôle du fascisme allemand) qui entrainent dans la guerre directe avec la Russie toute l' UE et ses pays limitrophes, qui seront en première ligne , comme la Roumanie (des accords étant déjà signés) la Moldavie, accord pour un « corridor » militaire entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, facilitant le passage des troupes et du matériel, signé le 30 janvier 2024 (l’armée néerlandaise n'étant qu' un satellite de l’armée allemande).

La signification de l' accord militaire France Ukraine à Paris le 16 février 2024.

Alors que nous apprenons que la Suéde, veut entrer dans L' OTAN les tensions guerrières ne font que s'accentuer . Macron et Kouchner sont des va-t'-en guerre, le docteur Bernard Kouchner alors ministre des affaires étrangères et européennes déclarait le 19 avril 2008 au « Gazeta Wyborcza ». Qu’il fallait faire entrer l'Ukraine dans l'OTAN ainsi que la Géorgie et que la France retourne dans le commandement intégré de l' OTAN. Les accords qui viennent d'être signés, accompagnés de déclarations visant à envoyer des militaires européens en Ukraine consiste à considérer que l' Ukraine est membre de l' OTAN. Dans la foulée des va-t'-en guerre, nous avons Bernard Henri Lévy, qui a été décoré de l' ordre du mérite à Paris le 16 janvier 2023 par l'ambassadeur d' Ukraine.

Au moment ou je termine cet article, Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse affirme que l'envoi de troupes occidentales au sol ne peut "être exclu". Immédiatement une levée de boucliers de parlementaires de tout bord et même aussi de l’étranger contre la déclaration de Macron jugée comme dictatoriale. Il en est résulté un « recul » de Macron qui entend tactiquement consulter le parlement.

G.Bad le lundi 26 février 2024

1) La France a fourni à l’Ukraine une aide militaire d’une valeur totale de 1,7 milliard d’euros en 2022 et de 2,1 milliards d’euros en 2023. En 2024, la France fournira jusqu’à 3 milliards d’euros de soutien supplémentaire. le Japon vient d’annoncer une aide de 15 milliards d’euros par an (sources institut Montaigne)

 

24 février 2024

Accord du 16 février 2024 entre la France et l'Ukraine ( a titre d'information)

 

ACCORD DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ENTRE LA FRANCE ET L’UKRAINE

La France et l’Ukraine, ci-après dénommées individuellement et respectivement « le Participant français » et « le Participant ukrainien » et conjointement « les Participants »,

Réaffirmant leur solidarité face à l’agression armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du droit international, de la Charte des Nations Unies, de l’Acte final d’Helsinki et de la Charte de Paris ;

Réaffirmant le droit inhérent de l’Ukraine à la légitime défense, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies ;

Reconnaissant que l’invasion à grande échelle, illégale et non provoquée de l’Ukraine par la Russie constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales et une violation flagrante du droit international, notamment de la Charte des Nations Unies ;

Réaffirmant leur attachement indéfectible à l’objectif stratégique d’une Ukraine libre, indépendante, démocratique et souveraine, dans ses frontières internationalement reconnues à partir de 1991, capable de se défendre et de dissuader toute agression future ;

Reconnaissant l’importance des principes fondamentaux d’une paix juste et durable énoncés dans le plan de paix ukrainien, conforme au droit international ;

Réaffirmant leur profond attachement aux principes démocratiques, à l’État de droit, à la bonne gouvernance, au respect des libertés fondamentales et des droits de l’Homme ;

Réaffirmant l’objectif de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et le fait que la sécurité de l’Ukraine fait partie intégrante de la sécurité de l’Europe et de la région euro-atlantique ;

Rappelant les décisions historiques du Conseil européen du 23 juin 2022 et du 14 décembre 2023 d’accorder à l’Ukraine le statut de candidat et d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, soulignant que l’élargissement est un investissement géostratégique dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité ;

Considérant la Déclaration commune de soutien à l’Ukraine adoptée à Vilnius le 12 juillet 2023 par les dirigeants du G7, que 25 pays ont depuis lors approuvée à date du 16 février 2024 ;

Ont conjointement décidé de renforcer leur coopération bilatérale sur le long terme en matière de sécurité en poursuivant les mesures énoncées dans le présent accord :

I.     INTRODUCTION

Les Participants confirment qu’ils soutiennent la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues depuis 1991. Ils souhaitent réaffirmer le droit souverain de chaque État de choisir librement ses arrangements de sécurité.

Par cet accord, la France et l’Ukraine approfondiront leur coopération et leur partenariat, qui sont fondés sur leurs intérêts communs en faveur de la défense de l’ordre international, de la paix et de la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Les Participants réaffirment que la sécurité de l’Ukraine fait partie intégrante de la sécurité euro-atlantique et mondiale. La France confirme que la future adhésion de l’Ukraine à l’OTAN constituerait une contribution utile à la paix et à la stabilité en Europe. Les Participants coordonneront et renforceront leurs efforts conjoints pour soutenir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.

Les principaux éléments des engagements de sécurité à long terme pris par la France à l’égard de l’Ukraine dans le cadre de cet accord sont les suivants :

  • la fourniture d’une assistance globale à l’Ukraine pour la protection et le rétablissement de son intégrité territoriale dans ses frontières internationalement reconnues, ainsi que pour le relèvement économique et la reconstruction ; 

  • la prévention, la dissuasion active et les mesures à prendre face à toute nouvelle agression de la part de la Fédération de Russie ;

  • le soutien à l’intégration de l’Ukraine dans les institutions européennes et euro-atlantiques, notamment en soutenant l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et l’interopérabilité avec l’OTAN. 

II. COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ

1. Coopération générale au renforcement de la sécurité de l’Ukraine

Le Participant français fournira une assistance militaire et civile pour permettre à l’Ukraine de défendre sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale face à l’agression de la Fédération de Russie, de manière bilatérale par le biais d’accords, ainsi que par l’intermédiaire des institutions et organisations auxquelles elle est partie.

Le Participant français contribuera à renforcer les capacités militaires, la résilience et la stabilité économique de l’Ukraine, afin de décourager toute agression future.

Afin d’assurer plus efficacement la réalisation de cette coopération, le Participant ukrainien, avec l’aide du Participant français, maintiendra et développera de manière continue et efficace sa capacité à résister à une agression armée.

2. Coopération en matière de communication stratégique et de lutte contre l’ingérence étrangère et la manipulation de l’information

Les Participants reconnaissent que la Fédération de Russie continue de manipuler l’information à l’appui de sa guerre contre l’Ukraine et s’efforceront de continuer à soutenir mutuellement les efforts qu’ils déploient pour contrer l’ingérence numérique et la manipulation de l’information par la Russie ainsi que la propagande au niveau mondial.

Le Participant français aidera l’Ukraine à rejoindre les instruments collectifs de lutte contre l’ingérence étrangère et la manipulation de l’information.

Les Participants collaboreront pour améliorer les capacités de l’Ukraine à contrer l’ingérence étrangère et les manipulations de l’information, principalement la propagande et les campagnes de désinformation russes, partageront leurs expériences et favoriseront l’élaboration de programmes communs d’enseignement et de formation pour les professionnels de l’intégrité de l’information.

3. Coopération dans le domaine de la cybersécurité

Les Participants travailleront ensemble à permettre à l’Ukraine de détecter, dissuader et perturber toute agression cybernétique, tout cyber espionnage, notamment en renforçant la résilience cybernétique et la protection des infrastructures essentielles contre les cyberattaques, tout en soutenant la modernisation et la réforme de l’architecture de sécurité de l’Ukraine, et en fournissant une assistance technique internationale à l’Ukraine.

Les Participants travailleront ensemble à augmenter le coût de l’utilisation irresponsable des capacités cybernétiques par la Fédération de Russie et d’autres acteurs étatiques et non étatiques hostiles contre les Participants. Ils renforceront également leur coopération opérationnelle dans la lutte contre la cybercriminalité.

Les Participants s’efforceront d’approfondir la coopération de l’Ukraine avec les structures de l’UE et de l’OTAN en matière de cybersécurité.  

4. Protection des infrastructures critiques

Le Participant français contribuera au développement des capacités de protection des infrastructures critiques de l’Ukraine, y compris par des moyens militaires, en donnant la priorité, sans s’y limiter, aux capacités modernes de défense aérienne.

Les Participants envisageront des programmes conjoints d’enseignement et de formation pour les spécialistes de la protection des infrastructures critiques.

Les Participants renforceront leur coopération dans le domaine de l’amélioration de la résilience et de la préparation des entités gouvernementales et civiles, notamment par le partage d’informations, l’échange de bonnes pratiques et le retour d’expérience. Les Participants approfondiront également leur coopération sur l’évaluation des vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement vitales, la rétro-ingénierie des biens et services critiques, la constitution de stocks stratégiques, ainsi que les questions logistiques correspondantes.

Le Participant français travaillera avec l’Ukraine à identifier des sources de financement afin de développer la protection et la résilience des infrastructures critiques, y compris par le biais du Fonds de soutien aux infrastructures critiques et secteurs prioritaires de l’économie ukrainienne mis en place par le Participant français pour l’Ukraine.

5. Coopération en matière de renseignement et de contre-espionnage

Les Participants poursuivront et s’efforceront d’approfondir leur coopération dans le domaine du renseignement et du contre-espionnage conformément au cadre défini par les accords bilatéraux, sans préjudice de leurs intérêts nationaux et dans le respect de la législation de chaque Participant.

6. Coopération dans le domaine de la lutte contre la grande criminalité et la criminalité organisée

Les Participants prendront des mesures pour contrer les activités de la grande criminalité organisée (GCO), en particulier les individus et les groupes qui tentent de s’infiltrer dans la société ukrainienne, qui ont une influence criminelle dans certaines régions, y compris celles qui sont temporairement occupées, et qui sont activement utilisées comme outil de guerre hybride pour contrecarrer les processus de reconstruction et de réconciliation en Ukraine.

Afin de contrer les activités de la GCO, les Participants prendront des mesures pour :

  • mener des opérations conjointes pour détecter et supprimer la GCO ;

  • analyser la situation criminelle dans les pays et identifier les principaux risques liés à la GCO ;

  • identifier et tracer les dividendes et les instruments du crime organisé en vue d’en faciliter la saisie et, le cas échéant, la confiscation ;

  • créer des groupes de travail et des équipes d’enquête conjoints composés de procureurs et d’autres parties, en fonction des besoins identifiés ;

  • faciliter l’offre de formation et le partage des meilleures pratiques.

Les mesures susmentionnées ne sont pas exhaustives et les Participants peuvent recourir à d’autres formes de coopération pour atteindre leurs objectifs en matière de lutte contre la GCO.

III. COOPÉRATION EN CAS D’AGRESSION ARMÉE FUTURE

Toute invasion russe future violerait la Charte des Nations Unies et les principes fondamentaux du droit international, et porterait gravement atteinte à la sécurité euro-atlantique, y compris celle de la France.

En cas de future agression armée russe contre l’Ukraine, à la demande de l’un ou l’autre des Participants, les Participants mèneront des consultations dans les 24 heures pour déterminer les mesures nécessaires pour contrer ou dissuader l’agression.

Dans ces circonstances, et conformément à ses obligations légales et constitutionnelles, le Participant français fournira à l’Ukraine une assistance rapide et soutenue en matière de sécurité, des équipements militaires modernes dans tous les domaines, selon les besoins, et une assistance économique ; il imposera des coûts, économiques notamment, à la Russie et consultera l’Ukraine sur ses besoins dans le cadre de l’exercice de son droit à la légitime défense consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies.

Afin de garantir la réponse collective la plus large et la plus efficace à toute agression future, les Participants peuvent modifier ces dispositions afin de s’aligner sur tout mécanisme que l’Ukraine pourrait ultérieurement convenir avec ses autres partenaires internationaux, y compris les Participants à la déclaration conjointe du 12 juillet 2023.

IV. COOPÉRATION DANS L’INDUSTRIE MILITAIRE ET DE DÉFENSE

7. Coopération militaire et de défense

Les Participants travailleront ensemble et avec d’autres partenaires de l’Ukraine à faire en sorte que les forces de défense et de sécurité ukrainiennes soient en mesure de rétablir pleinement l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues depuis 1991, ainsi que d’accroître la résilience de l’Ukraine de manière à ce qu’elle soit suffisante pour dissuader les agressions futures et s’en défendre. Il s’agira notamment, mais pas exclusivement, de travailler ensemble pour que les institutions de sécurité militaires et non militaires de l’Ukraine soient en mesure de fonctionner efficacement selon les normes européennes et euro-atlantiques et soient pleinement responsables devant le peuple, le parlement et le gouvernement ukrainiens. 

Les Participants travailleront ensemble à la mise en place d’une force durable capable de défendre l’Ukraine aujourd’hui et de dissuader l’agression russe à l’avenir, grâce à la fourniture continue d’une assistance en matière de sécurité et d’équipements militaires modernes dans les domaines terrestre, aérien, maritime, spatial et cybernétique, en accordant la priorité, sans s’y limiter, à la défense aérienne, à l’artillerie, à la capacité de frappe de longue portée, aux véhicules blindés, aux capacités de l’armée de l’air et à d’autres capacités essentielles.

Le Participant français, aux côtés d’autres partenaires internationaux, aidera l’Ukraine à renforcer sa capacité de dissuasion et de défense contre les agresseurs extérieurs en développant de futures forces de défense armées modernes, de plus en plus interopérables avec l’OTAN et contribuant aux forces de l’OTAN. Cela inclut le développement d’un secteur de défense moderne en Ukraine et d’une voie vers un avenir au sein de l’OTAN.

Le Participant français aidera l’Ukraine à préserver ses capacités qualitatives militaires et de défense dans un contexte de transformation rapide, incertaine et difficile de la politique et de la sécurité régionales.

Dans le domaine militaire, sans préjudice de leur position dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, les Participants proposent d’établir une coopération permettant au Participant ukrainien de développer des capacités militaires complètes dans les domaines suivants, qui ne sont pas exhaustifs :

  1. Équipements militaires, y compris par le biais d’une coopération industrielle, en particulier dans les domaines de l’artillerie et de la défense aérienne, mais aussi dans les domaines des véhicules blindés, de la sécurité maritime, du soutien médical militaire, des technologies de l’information et du déminage ;

  2. Formation des forces ukrainiennes de défense et de sécurité, à titre national et dans le cadre européen, y compris le programme de formation des formateurs, la formation spécialisée dans des domaines tels que l’artillerie, la défense aérienne, les véhicules blindés, les forces aériennes et la sécurité maritime, les nouvelles technologies et le déminage ;

  3. Soutien initial et soutien au lancement de la maintenance par les fabricants, sur le terrain si nécessaire ;

  4. Soutien structurel à la réforme du secteur de la défense ;

  5. Soutien aux initiatives de cyberdéfense et de résilience, y compris pour faire face aux menaces hybrides ;

  6. Assistance au système ukrainien de soutien médical pour le traitement et la réadaptation des militaires ukrainiens ;

  7. Soutien au développement des forces de défense et de sécurité ukrainiennes, y compris, mais sans s’y limiter : conception des forces futures, évolution vers les concepts et les procédures opérationnelles de l’OTAN, formation du commandement et de l’état-major, exercices combinés, et amélioration de la compatibilité et de l’interopérabilité avec les Alliés de l’OTAN ;

  8. Soutien à la protection et à la défense des frontières, au génie et à la fortification, à la surveillance, au suivi des mouvements de troupes ennemies, à la reconstruction des infrastructures frontalières après la guerre, au déminage et à l’élimination des munitions non explosées ;

Le Participant français soutiendra les plans et les structures de gouvernance des coalitions capacitaires dans le cadre du Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine, en jouant un rôle de premier plan dans les coalitions sur l’artillerie et la défense aérienne, et en participant aux coalitions sur la force aérienne et la sécurité maritime, ainsi qu’à d’autres coalitions auxquelles le Participant français est susceptible de contribuer, à la fois pour fournir la force future et pour apporter plus de cohérence à la fourniture de capacités dans la guerre en cours.

Le fonds bilatéral d’aide à la sécurité et à la défense de l’Ukraine, en bonne coordination avec la Facilité européenne de paix, permettra de soutenir ces efforts de coopération dans les domaines concernés.

La France a fourni à l’Ukraine une aide militaire d’une valeur totale de 1,7 milliard d’euros en 2022 et de 2,1 milliards d’euros en 2023. En 2024, la France fournira jusqu’à 3 milliards d’euros de soutien supplémentaire.

Les Participants s’efforceront de faire en sorte que les capacités militaires de l’Ukraine soient d’un niveau tel qu’en cas d’agression militaire extérieure contre la France, l’Ukraine soit en mesure de fournir une assistance militaire efficace. Les modalités, le format et la portée de cette assistance seront déterminés par les Participants.

Le Participant français poursuivra son soutien à l’Ukraine pendant les dix ans que durera le présent accord. 

8. Coopération dans le domaine de l’industrie de la défense

Les Participants s’efforceront de coopérer dans le domaine de l’industrie de la défense et de la sécurité, notamment dans le but de promouvoir la coopération entre leurs industries de défense et de renforcer la normalisation et l’interopérabilité de leurs équipements de défense. Les Participants chercheront, dans la mesure du possible, à développer un partenariat industriel impliquant des entreprises de défense françaises et ukrainiennes et, dans la mesure du possible, libre de toute restriction émanant de tiers.

Le Participant français contribuera au développement de la base industrielle de défense de l’Ukraine, notamment par le biais d’investissements français, de la localisation de la production en Ukraine et de la production conjointe pour la fabrication d’armes et de munitions prioritaires. Les Participants faciliteront la création de coentreprises, notamment pour l’entretien et la réparation d’armes et d’équipements militaires.

Le Participant français travaillera avec l’Ukraine pour identifier les sources de financement nécessaires pour permettre le développement de la base industrielle de défense de l’Ukraine et pour encourager les investissements dans de nouvelles capacités.

Les Participants travailleront ensemble pour éliminer les goulets d’étranglement existants dans la chaîne d’approvisionnement en matériel de défense qui empêchent la France et l’Ukraine de développer leurs capacités de fabrication d’armes et de munitions prioritaires. À cette fin, le Participant français travaillera avec son industrie de défense et l’Ukraine pour renforcer la chaîne d’approvisionnement en matériaux critiques nécessaires à la fabrication de munitions et d’autres armes prioritaires, en particulier les munitions de gros calibre.

Les Participants travailleront ensemble pour renforcer la protection des technologies transférées et des droits de propriété intellectuelle.

Les Participants favoriseront l’échange d’informations sur leurs efforts respectifs de recherche et de développement en matière de défense afin de mettre en œuvre des projets et des programmes conjoints visant à développer de nouveaux armements et équipements. Dans cet objectif, le dialogue entre le ministère français des Armées et le ministère ukrainien des Industries stratégiques sera renforcé. Le dialogue entre la Direction générale de l’armement et l’Agence d’acquisition de défense sera également renforcé, conformément à la lettre d’intention signée entre les deux organisations lors de la visite du ministre français des Armées à Kiev en septembre 2023.

Le Participant français soutiendra les efforts de l’Ukraine pour intégrer son industrie de défense dans les cadres de défense et de sécurité de l’OTAN et de l’UE. 

V. COOPÉRATION DANS LE DOMAINE CIVIL

9. Assistance humanitaire

Le Participant français poursuivra son assistance humanitaire pour répondre aux besoins immédiats de la population ukrainienne face à l’agression armée de la Fédération de Russie. Il contribuera également, aux côtés de ses partenaires, au relèvement économique, à la reconstruction et à la modernisation de l’Ukraine, afin de restaurer et de renforcer sa stabilité économique, de réduire ses dépendances et vulnérabilités et de construire une base économique et industrielle plus solide, innovante, durable et résiliente, notamment dans le cadre des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.

Le Participant français s’efforcera de poursuivre dans la durée le soutien en cours à l’Ukraine, notamment dans les secteurs des transports, de l’énergie, de l’agriculture, de l’eau, du déminage humanitaire, des infrastructures critiques, du numérique, du logement et de la santé.

Le Participant français utilisera les instruments économiques et financiers à sa disposition, en coopération avec toutes les organisations internationales concernées et ses partenaires.

10. Soutien au programme de réformes de l’Ukraine

Le Participant français se félicite de la décision d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et salue les progrès substantiels accomplis par l’Ukraine pour atteindre les objectifs qui sous-tendent le processus d’adhésion.

Le Participant ukrainien s’efforcera de poursuivre son ambitieux programme de réformes, en particulier dans le cadre de son processus d’adhésion à l’Union européenne, afin de satisfaire aux obligations requises pour l’adhésion à l’UE. Le Participant ukrainien poursuivra ses réformes systémiques dans les secteurs de la défense et de la sécurité, notamment en ce qui concerne le contrôle civil des forces armées ainsi que l’efficacité et la transparence des institutions et de l’industrie de défense de l’Ukraine. Il s’efforcera d’approfondir les réformes clés dans les domaines de la justice et de l’État de droit, de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, de la modernisation de son appareil d’État, de la décentralisation, de la protection des droits des personnes appartenant à des minorités, de la transparence et de la bonne gouvernance, tant dans le secteur économique que dans le secteur de la défense et de la sécurité. La mise en œuvre de ces réformes contribuera au renforcement de la démocratie, au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à la modernisation et à la résilience de l’économie ukrainienne.

Le Participant français réaffirme son intention de soutenir pleinement l’objectif d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Dans cette perspective, le Participant français apportera un soutien technique à la mise en œuvre des réformes nécessaires, notamment en matière d’État de droit, de réforme de la justice, de lutte contre la corruption, de modernisation de l’appareil d’État, de décentralisation, de transparence et de contrôle civil dans le secteur de la défense, y compris le déminage. A cette fin, le Participant français prévoit le déploiement d’experts techniques intégrés à l’administration ukrainienne. 

11. Relèvement et reconstruction de l’Ukraine

Le Participant français s’efforcera de continuer à favoriser l’implication des entreprises privées, des collectivités locales et des organisations non gouvernementales dans le processus de reconstruction, dans le prolongement des actions initiées lors de la Conférence pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine qui a été organisée à Paris le 13 décembre 2022.

Les Participants reconnaissent la nécessité d’unir les efforts visant à protéger la population et les territoires de l’Ukraine des conséquences négatives causées par les mines et les engins explosifs non détonés.

A cette fin, le Participant français utilisera les outils bilatéraux appropriés, en bonne coordination et en optimisant autant que possible l’effet de levier avec les fonds européens et privés, y compris dans le cadre de la Facilité Ukraine de l’Union européenne qui vise à préparer l’Ukraine à une future adhésion à l’Union en soutenant son processus d’adhésion.

Le Participant ukrainien poursuivra la mise en œuvre de toutes les réformes requises dans le cadre de son processus d’adhésion à l’Union européenne et du plan ukrainien.

Le Participant français aidera l’Ukraine à planifier la réintégration des territoires temporairement occupés, à contribuer à la stabilisation dans les domaines vitaux et à la réhabilitation socio-économique, en particulier dans les zones libérées, les zones de la ligne de front et les zones limitrophes de la Russie, à promouvoir un relèvement social inclusif et à répondre aux besoins des plus vulnérables, y compris par des actions en faveur des femmes, des systèmes de protection sociale et des anciens combattants.

12. Indemnisation des pertes, préjudices et dommages causés par l’agression russe

Les Participants réaffirment que la Fédération de Russie doit payer pour la reconstruction à long terme de l’Ukraine. Conformément au système juridique français, les actifs souverains russes relevant de la juridiction de la France restent immobilisés jusqu’à ce que la Fédération de Russie ait payé pour les dommages qu’elle a causés à l’Ukraine. Le Participant français, en collaboration avec ses partenaires, continuera à explorer toutes les voies légales compatibles avec les obligations contractuelles applicables et conformes au droit européen et international, par lesquelles les avoirs russes pourraient être utilisés pour soutenir l’Ukraine.

En priorité, les Participants continueront à travailler ensemble, avec les États du G7 et d’autres, à la mise en place d’un mécanisme d’indemnisation des dommages, pertes ou préjudices causés par l’agression de la Russie, comme le prévoit le statut du registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, adopté par la résolution du Comité des ministres du Conseil de l’Europe CM/Res(2023)3. À cet égard, les Participants exploreront les options appropriées pour le financement d’un mécanisme d’indemnisation afin de fournir une indemnisation rapide et adéquate aux victimes de l’agression.

13. Sanctions

Les Participants reconnaissent la valeur des sanctions pour restreindre l’accès de la Fédération de Russie et d’autres États agresseurs au financement, aux biens, à la technologie et aux services qu’ils utilisent dans leur agression, pour réduire les sources de revenus de la Russie et pour dissuader de futures agressions. Les Participants continueront d’œuvrer pour que le coût de l’agression de la Russie continue d’augmenter, notamment par le biais de sanctions et de contrôles des exportations.

Alors que l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine se poursuit, le Participant français restera déterminé, dans le cadre européen, à appliquer des sanctions sévères contre les secteurs de l’économie russe et ceux qui, dans la Fédération de Russie et à l’extérieur, soutiennent la guerre ou en tirent profit, ou qui aident à contourner les sanctions dans les pays tiers. Le Participant français prendra également des mesures déterminées avec ses partenaires pour s’attaquer à toutes les formes de contournement des sanctions et pour renforcer sa propre résilience contre les financements illicites et les individus liés au pouvoir russe.

Les Participants se fourniront mutuellement des informations appropriées et actualisées sur les motifs des sanctions et d’autres informations pertinentes, dans le respect des obligations et des législations nationales en la matière.

14. Redevabilité

Les Participants réaffirment leur engagement à tenir la Fédération de Russie pour responsable des pertes ou des dommages causés à des personnes et à des entités, ainsi qu’à l’État ukrainien, du fait des actes internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris son agression en violation de la Charte des Nations Unies.

Les Participants réaffirment qu’il ne doit pas y avoir d’impunité pour les crimes de guerre et autres atrocités et que la Fédération de Russie doit en assumer la responsabilité juridique, notamment en réparant tout dommage causé par de tels actes, ce qui contribuera également à dissuader de futures agressions et à soutenir la résilience de l’Ukraine. 

Les Participants s’efforceront de demander des comptes aux responsables de crimes de guerre et d’autres crimes internationaux, commis en Ukraine ou contre l’Ukraine dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie, conformément au droit international, notamment en soutenant les travaux du bureau du procureur général de l’Ukraine et de la Cour pénale internationale afin de garantir que les allégations de crimes de guerre fassent l’objet d’enquêtes complètes et équitables menées par des mécanismes juridiques indépendants, efficaces et robustes.

Les Participants poursuivront leur engagement au sein du « Groupe sur les options pour la création d’un tribunal sur le crime d’agression contre l’Ukraine ».

VI. MISE EN ŒUVRE DE LA COOPÉRATION

Les Participants mettront en œuvre cette coopération conformément à leurs obligations internationales et nationales, ainsi qu’aux engagements européens de la France.

Les Participants désigneront, si nécessaire, des organismes autorisés pour l’élaboration et la mise en œuvre d’accords bilatéraux conformément aux domaines de coopération spécifiés dans le présent accord.

Les Participants s’informent mutuellement par la voie diplomatique des autorités compétentes chargées de la mise en œuvre du présent accord.

Ces autorités mèneront des consultations afin de discuter, de prendre les décisions nécessaires et d’entreprendre les actions requises dans le cadre du présent accord.

Les organes autorisés des Participants peuvent conclure des accords exécutifs et techniques sur des domaines spécifiques de coopération dans le cadre de la mise en œuvre du présent accord.

VII. DÉLAI ET AUTRES DISPOSITIONS

Le présent accord est valable pour une durée de dix ans à compter de la date de sa signature.

Conformément à la déclaration conjointe du G7 du 12 juillet 2023, les Participants entendent que le présent accord reste en vigueur pendant que l’Ukraine poursuit son chemin vers une future adhésion à la communauté euro-atlantique.

Dans l’hypothèse où l’Ukraine deviendrait membre de l’OTAN avant la fin du présent accord, les Participants décideront de son futur statut.

Le présent accord peut être résilié par l’un ou l’autre des Participants en notifiant par écrit à l’autre Participant son intention de résilier l’accord. Le présent accord sera résilié six mois après la date de réception de cette notification.

Le présent accord peut être modifié et complété d’un commun accord entre les Participants, par écrit.

Le présent accord prendra effet à la date de sa signature.

Signé à Paris le 16 février 2024, en double exemplaire, en langues française et ukrainienne.

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