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10 octobre 2015

Théories de la décadence, théorie de l’effondrement, cours catastrophique du capital et crise finale.

 

Texte présenté par G. Bad pour la réunion du samedi 17 janvier 2009
au
21 ter rue Voltaire
Paris XIe
(salle "l'internationale")
Métro: Boulets Montreuil.

 

Théories de la décadence, théorie de l’effondrement, cours catastrophique du capital et crise finale.

 

Je vais tout d’abord présenter les différents arguments concernant  la théorie de la décadence et celle de l’effondrement et leurs variantes. Pour alimenter  le débat, je commence par le Groupe communiste internationaliste (GCI), en reprenant des extraits de son article « Théories de la décadence : décadence de la Théorie » publié en 1985 (dans le n° 23 de Communisme).

Dans cet article le GCI vise essentiellement le Groupe communiste internationaliste (CCI), dont il est issu, et présente l’avantage d’élever le débat sur la théorie des crises. Il va s’attaquer à la « périodisation » et au concept d’un capitalisme ascendant, puis décadent sénile ... Ensuite nous en viendrons aux théories de la décadence, et aux variantes faisant le procès des forces productives.

 Introduction du GCI:

« L’origine même des théories décadentistes (théories du "changement de période" et de "l’ouverture d’une nouvelle phase capitaliste: celle de son déclin"...) se retrouve "bizarrement" dans les années ‘30, théorisées tant par les staliniens (Varga) que par les trotskistes (Trotsky lui-même) que par certains sociaux-démocrates (Hilferding, Sternberg,...) et universitaires (Grossmann). C’est donc à la suite de la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23 que certains produits de la victoire de la contre-révolution commencèrent à théoriser une longue période de "stagnation" et de "déclin".

Cette théorisation permit ainsi a posteriori de maintenir une cohérence formelle entre les "acquis du mouvement ouvrier du siècle précédent" (il s’agit bien entendu ici des "acquis" bourgeois de la social-démocratie: le syndicalisme, le parlementarisme, le nationalisme, le pacifisme, la "lutte pour les réformes", la lutte pour la conquête de l’Etat, le rejet de l’action révolutionnaire...) et, du fait du "changement de période" (argumentation classique pour justifier toutes révisions/ trahisons du programme historique), l’apparition de "nouvelles tactiques" propres à cette "nouvelle phase", cela allant de la défense de la "patrie socialiste" pour les staliniens au "programme de transition" de Trotsky, au rejet de la forme syndicale au profit de celle des conseils pour les "ultra-gauches" (Cf. Pannekoek: Les Conseils Ouvriers - éd. Bélibaste). »

Ici le GCI n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat de la théorie de la décadence, et passe en revue ce qu’il considère comme déviation de la théorie, dans la pure tradition bordiguiste de restauration du programme communiste. Ensuite, le GCI va à mon sens saisir assez bien les raisons de la mise en avant des différentes théories qui nient la totalité/globalité du capital . Chacune s’accrochant à une branche de l’économie politique du marxisme , pour en faire l’axe qui détermine le tout, sans vraiment se rendre compte que les tomes I / II-III du Capital  sont une représentativité dans son mouvement de l’être capital en procès. Autrement dit, chacune de ces théories ne s’attache qu’à une branche d’une prétendue économie politique marxiste, alors que dans Le Capital Marx a recherché, dans une démarche de critique de l’économie politique, à décrire et restituer le mouvement historique global du capital (qui est un rapport social définissant une société dans sa totalité et non un secteur – l’économie – de l’activité humaine)

De ce point de vue le GCI a raison de s’en prendre aux

«  multiples "théories" allant de la "saturation des marchés" à "l’impérialisme: stade suprême du capitalisme", du "troisième âge du capitalisme" à la "domination réelle", de "l’arrêt de développement des forces productives" à la "baisse tendancielle du taux de profit"... Ce qui nous intéresse dans un premier temps, c’est le contenu commun à toutes ces théories, la vision moralisatrice et civilisatrice qu’elles induisent. »

Ensuite le GCI va faire la démonstration, du caractère  non dialectique des théories de la décadence

 « La dynamique des sociétés de classes  (dit le GCI) n’est pas telle une montagne avec son versant ascendant, son sommet et son versant descendant, mais au contraire –- conformément à la dialectique matérialiste – chaque fois plus un antagonisme entre la classe dominante et la classe révolutionnaire, et ce jusqu’à la résolution de cette contradiction en une unité supérieure (négation de la négation) correspondant au dépassement des deux pôles de l’unité précédente, c’est-à-dire comme un nouveau mouvement de deux pôles contradictoires.

Les visions décadentistes sont donc méthodologiquement des visions anti-dialectiques correspondant, non pas au point de vue prolétarien, mais à celui bourgeois de l’évolutionnisme et de l’immédiatisme (= gradualisme). »

et  citer Bordiga à l’appui ((Bordiga: Réunion de Rome 1951 in Invariance No.4) (Bordiga: "Dialogue avec les morts" 1956)

Le GCI , sans trop de difficulté, prouvera que même les partisans du « décadentisme ou décadentisme et demi » sont contraints de reconnaître l’immense développement des forces productives (au point d’en faire crever la planète).

«  pour le groupe "Socialisme ou Barbarie" qui sur cette question aussi se matérialisa comme un précurseur du révisionnisme moderniste, tant dans les questions dites économiques que dans leurs implications politiques)  est directement liquidée par le simple constat fait par certains décadentistes eux-mêmes:

 "La production industrielle mondiale, en 1848 dépassait de 36% le niveau de 1937 et de 74% celui de 1929. Entre 1878 et 1948, la production industrielle mondiale augmentait de 11 fois. Pendant la même période, la population de la terre passait de 1.500 à 2.300 millions d’habitants, soit une augmentation de 50% environ."

(Castoriadis: "La consolidation temporaire du capitalisme mondial", Socialisme ou Barbarie No.3 – 1949)

Ensuite le GCI attaque (et il a raison) l’aspect moraliste du décadentiste, affirmant que

«  Le mouvement communiste ne développe pas une "nouvelle morale prolétarienne", mais bien une anti-morale, la négation en acte de toute morale de classe) d’une décadence superstructurelle reflétant (en parfait matérialiste vulgaire qu’ils sont) la décadence des rapports de production. »

Bien que je considère que l’anti-morale est aussi une morale, la démarche du GCI est intéressante et j’avais moi-même fait la comparaison entre les propos moralisateurs du CCI et les témoins de Jéhova. Le GCI a aussi constaté cela:

"L’idéologie se décompose, les anciennes valeurs morales s’écroulent, la création artistique stagne ou prend des formes contestataires, l’obscurantisme et le pessimisme philosophique se développent". La question à cinq francs est bien qui est l’auteur de ce passage : Raymond Aron? Le Pen? ou Monseigneur Lefebvre...? eh bien non, il s’agit de la brochure du CCI: "La décadence du capitalisme" P. 34! » 

Ensuite le GCI enfonce bien le clou, avec des exemples sur tous les aspects idéologiques du maintien du capitalisme, pour finir par cette conclusion, dans le pur style sentencieux du bordiguisme :

« Les visions décadentistes, dans leur essence méthodologique bourgeoise, négation de la dialectique matérialiste, culte du Progrès, de l’Evolution, de la Civilisation, de la Science, de la Morale... sont donc des conceptions étrangères au point de vue communiste et sont donc directement des entraves à la compréhension et à la pratique invariante du prolétariat luttant pour la défense de ses intérêts historiques. Hier, aujourd’hui, demain, les communistes défendent (et se caractérisent) par la défense de l’invariance du programme révolutionnaire: révolution sociale mondiale, dictature du prolétariat pour l’abolition du salariat, communauté humaine mondiale. »

Le GCI essaye ensuite de montrer en quoi, dès ses origines, le capital se présente comme être mondial , comme état mondial vis à vis du prolétariat . Sur ce point je suis en parfait accord avec le GCI, c’est d’ailleurs à ce titre que nous rejetons tous les nationalismes, droit des peuples, libération nationale de ma tante et mon cousin, etc.,  si bien démolis par Rosa Luxemburg. Le GCI  à l’appui de ses arguments  cite Marx:

"La découverte des contrées aurifères d’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques d’accumulation primitive qui signalèrent l’ère capitaliste à son aurore. Aussitôt après, éclate la guerre mercantile; elle a le globe entier pour théâtre. S’ouvrant par la révolte de la Hollande contre l’Espagne, elle prend des proportions gigantesques dans la croisade de l’Angleterre contre la Révolution française et se prolonge jusqu’à nos jours en expéditions de pirates, comme les fameuses guerres d’opium contre la Chine." (Marx: Le Capital)

De cette citation le GCI tire la conclusion suivante:

« Ce que Marx démontre ici magistralement, outre le fait de l’existence, depuis l’aurore du capitalisme, du marché mondial comme "théâtre" de la civilisation capitaliste, c’est le caractère directement impérialiste du capital, celui-ci n’ayant pas dû attendre telle ou telle date pour s’affirmer par le pillage systématique du globe; il n’a pas dû attendre un "stade suprême" pour être concurrentiel à l’échelle de la planète, c’est-à-dire: impérialiste. Autant l’essence du capital est mondiale, autant celle-ci est directement impérialiste. »

Ici le GCI est en pleine déviance, il confond la mondialisation de l’époque mercantile et coloniale et le concept d’impérialisme de l’époque du capitalisme impérialisme.

L'époque mercantile c’est exclusivement le pillage  et le marché aux esclaves. J’avais d’ailleurs à ce sujet quelques divergences avec Loren Goldner et je ne suis pas mécontent que jacques W fasse aussi cette remarque. Le capitalisme impérialiste  lui fut assimilé à l’exportation des capitaux  et au partage du monde pour s’approprier les matière premières dont avait besoin la domination réelle du capital. Tant que le terme « impérialiste » se présentait comme un adjectif du capitalisme, afin d’en montrer la violence pour le partage du monde, il n’y avait pas lieu de remettre en cause ce terme. Mais dès lors que celui-ci devient un corps doctrinal surpassant le capitalisme ( son stade suprême), l’impérialisme capitaliste de Lénine où le capitalisme est ravalé au rang d' adjectif pour nous faire avaler  « les luttes de libération nationales », nous ne sommes plus d’accord.

Ces deux époques (mercantilisme et capitalisme) semblent se confondre par la violence des interventions, mais elle sont bien distinctes en ce que la période bourgeoise se distingue de toutes les autres (et c’est la seule périodisation acceptable).

 « Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. »

(Le Manifeste communiste)

 Cette distinction est la suivante:

"C’est la tendance nécessaire du capitalisme de se soumettre en tous points le mode de production, de le placer sous la domination du capital. Au sein d’une société nationale déterminée, c’est ce qui se produit nécessairement, ne serait-ce que par la métamorphose de tout travail en travail salarié par le moyen du capital. Pour ce qui est des marchés étrangers, le capital impose de force cette propagation de son mode de production par la concurrence internationale." (Marx: Grundrisse - Tome II)

Partant de la citation ci-dessus, le GCI va critiquer Rosa Luxemburg (notons qu’il ne reste plus beaucoup de groupes pour soutenir  sa thèse des marchés extra capitalistes Peut-être Loren Goldner qui insiste beaucoup trop sur le pillage impérialiste. En ce qui me concerne le seul pillage qui m’intéresse c’est celui de la force de travail, les autres ne sont que des vols entre capitalistes ou le fait de brigands. Je passe donc sur toute l’argumentation du GCI à l’encontre de Rosa Luxemburg, pour ne garder que sa conclusion.

« Voir ainsi, dans les marchés dits "extra-capitalistes", le moteur même du développement capitaliste (car ces derniers seraient la "seule demande solvable" - thèse de Rosa Luxembourg), c’est essentiellement ne pas comprendre que le réel problème est la production nécessairement toujours plus importante de survaleur (et non sa réalisation) et, qu’ainsi, l’échange entre production capitaliste et production "extra-capitaliste" est un non-sens car elle signifie directement l’existence et la domination du marché mondial, elle signifie du fait même de cet échange la destruction (inexistence) des dits "marchés extra-capitalistes" qui, dans la thèse même de Luxembourg, disparaissent au premier échange. »

Vous remarquerez, que la partie en gras, isole une des manifestations du capital, pour l’opposer à une autre : la réalisation de la plus-value. Ce faisant le GCI , et il n’est pas le seul, bloque le mouvement même du capital à la hauteur de la sphère de production  d’autres, comme PI, arrêtent ce mouvement à la hauteur de la circulation des marchandises  (la réalisation de la plus-value par la vente). La crise, puisque c’est là notre sujet, pouvant se déclencher, selon la situation, à telle ou telle étape des trois cycles de la métamorphose du capital.

« Les trois cycles ont le même but, le même stimulant : la production de plus-value. La forme de la figure 1 l’indique clairement ; il en est de même de la figure 11, qui commence par P, la, production de plus-value. Quant à la figure 111, le cycle commence par la valeur augmentée de plus-value, et finit par une valeur contenant une plus-value nouvelle, même si le mouvement se reproduit sur la même échelle.

Aussi longtemps que M - A est A - M pour l’acheteur, et que A - M est M - A pour le vendeur, la circulation du capital représente simplement la métamorphose ordinaire des marchandises, et les lois qui ont été développées à propos de cette dernière (vol. 1, chap. 111, 2) sur la quantité d’argent en circulation, s’y appliquent. Mais dès qu’on ne s’arrête plus à ce côté formel et q~’on étudie, dans leur connexion réelle, les métamorphoses des différents capitaux individuels considérés comme mouvements partiels de la reproduction du capital total de la société, on ne peut plus expliquer le phénomène par le simple changement de forme de l’argent et de la marchandise.

Dans un cycle se renouvelant sans cesse, chaque point est, à la fois, un moment initial et un moment final. Il n’en est pas de même d’un cycle interrompu, où chaque point ne marque pas le commencement et la fin d’un mouvement. Ainsi nous avons vu que, non seulement chacun des cycles présuppose (implicitement) les autres, mais que le renouvellement du cycle sous une forme implique son accomplissement sous les autres formes. La différence est donc entre eux purement formelle, purement subjective ; elle n’existe que pour celui qui l’observe.

Si l’on considère chacun des cycles comme une expression spéciale du mouvement qu’accomplissent différents capitaux industriels isolément, cette différence n’existe toujours que comme différence individuelle. Mais dans la réalité, chaque capital industriel se présente sous les trois figures à, la fois. Les trois cycles de reproduction du capital s’effectuent, sans interruption, l’un à côté de l’autre. C’est ainsi qu’une fraction du capital, fonctionnant comme capital -marchandise, se convertit en argent, pendant qu’une autre sort de la production pour entrer, comme un capital-marchandise nouveau, dans la circulation. Le cycle M’... M’est donc continuellement décrit et il en est de même des deux autres. La reproduction du capital sous chacune de ses formes et dans chacun de ses stades est aussi ininterrompue que les métamorphoses de ces formes et leur succession dans les trois stades. Le cycle total résulte ici de la combinaison de ses trois figures. » (CHAPITRE IV du Capital  T 2-LES TROIS FIGURES DU PROCES CYCLIQUE)

Dans son mouvement le capital prend deux formes de circulation, celle du capital argent, et celle du capital marchandise, sa forme pendant le stade de la production est celle du capital productif, fabrication d’un produit . Ces trois formes de capital ne sont pas autonomes, elles ne sont « que des formes fonctionnelles particulières du capital industriel, qui les prend toutes les trois successivement » (T II p. 57ed. Moscou)

 Il en résulte, que le cycle total du capital ne fonctionnera que pour autant que chaque phase passe sans interruption d’une phase à l’autre. Si au cours de son cycle une phase se fige, c’est la crise. Dans la phase A-M le capital argent se fige en trésor ; si c’est dans la phase de production, les moyen de production sont paralysés, et les ouvriers sans travail. Dans la dernière phase M’-A’celle de la circulation des marchandises, celles-ci s’amoncellent sans pouvoir se vendre. Par exemple pour le capital marchandise, sa période de circulation est le moment où le produit est mis sur le marché et prend la forme d’une marchandise. « Le produit se transforme en marchandise grâce à cet élément spatial » (Grundrisse, chap. du capital, éd. 10/18, p. 51. L’élément spatial c’est le transport).

 En somme, la difficulté de convertir la marchandise en argent, d’en réaliser la plus-value par l’action de vendre, c’est que la marchandise doit obligatoirement être convertie en argent pour que la plus-value soit réalisée.

Par contre l’argent n’a pas besoin d’être aussitôt converti en marchandise. Il en résulte que la vente et l’achat peuvent être dissociés. C’est cette dissociation qui renferme les germes de la crise, parce qu’elle permet que les diverses phases de la circulation du capital se dissolvent et deviennent « autonomes ». La crise arrive alors comme l’acte violent  visant à réunifier les différentes phases du procès de production, qui s’étaient rendues autonomes les unes des autres.

Dans la crise actuelle, c’est en premier lieu le caractère fictif du capital qui apparaît comme l’élément perturbateur de la crise (sa forme) et demain cette crise va se manifester au niveau des deux autres cycles du capital et donc à ce niveau du capital total. Tout ceci vient donc fortement relativiser les débats sur la crise catastrophique, le décadentisme, la crise finale...

Notre positionnement à Echanges, et l’ensemble de notre presse en témoigne, c’est de nous intéresser au mouvement même du prolétariat, seule force agissante pouvant mettre un terme tant à l’exploitation de l’homme par l’homme qu’à celui de la nature. Sur ce point nous partageons le point de vue de notre ancêtre A. Pannekoek.

 

Passons maintenant à la critique du « décadentisme  et demi » de Perspective internationaliste (PI), qui propose une variante assez subtile du décadentisme, sur plusieurs numéros de sa revue.  PI explique sa vision du décadentisme, voir notamment «  Valeur, décadence et technologie: 12 thèses ». A noter que Karl Korsch lui-même, dans son « Karl Marx », parle de « phase ascendante » du capitalisme,  période où domine l’idéologie du « progrès » – ensuite on suppose une période descendante où la bourgeoisie elle-même doute de son avenir progressiste.

La thèse 2 de PI s’attaque au marxisme productiviste. La thèse 7 dit : «  La décadence du capitalisme marque le point , dans la transition de la domination formelle à la  domination réelle du capital,  » « A ce moment historique, le capitalisme est devenu un facteur destructeur dans la vie de l’espèce humaine, restreignant ses potentialités et condamnant des masses de plus en plus grandes de l’humanité à l’insécurité, à la misère et à la mort. » La thèse 8 considère, contrairement au CCI, « que les forces productives, ne décroît pas dans la phase de décadence; c’est tout le contraire, même si l’expansion frénétique de la richesse matérielle ne s’accompagne pas d’une expansion de même ampleur de la richesse  sous forme de valeur .» 

La thèse 9  fait cohabiter déclin , décadence, développement des forces productives  et « crise catastrophique du capitalisme, à la fois en termes de déclin du taux de profit et d’incapacité à réaliser la plus value produite ». Ce que le GCI – nous venons de le voir – conteste en disant « que le réel problème est la production nécessairement toujours plus importante de survaleur (et non sa réalisation) ».

La thèse 11- révèle le fond  de la pensée de PI :

«  En lieu et place de ce marxisme vulgaire ou productiviste, idéologie du capitalisme, et sur la base des idées de Marx lui-même, il nous faut élaborer un concept de la décadence du capitalisme comme forme de régression sociale accompagnée d’un “progrès” technologique, qui en l’absence de révolution sociale et de l’abolition de la production de valeur, contient la possibilité objective et réelle d’une destruction écologique massive, d’un génocide industrialisé et d’une guerre thermonucléaire, qui tous constituent des menaces pour l’existence même de l’espèce humaine. »

Ici , PI fait cette énorme confusion, que l’on retrouve aussi dans le récent livre de Claude Bitot Quel autre monde possible ? Retour sur le projet communiste, entre le « marxisme-léninisme productiviste » menant une révolution économique bourgeoise, sous l’oriflamme du communisme, et  toute la démarche de Marx et Engels , contre la « machine «  cette concurrente de l’homme, ses forces productives qui se transforme en force de destruction ...

Pour mémoire trois citations:

 Contre la machine « La machine possède le merveilleux pouvoir d’abréger le travail et de le rendre plus productif : nous la voyons qui affame et surmène les travailleurs. Par l’effet de quelque étrange maléfice du destin, les nouvelles sources de richesse se transforment en sources de détresse. Les victoires de la technique semblent être obtenues au prix de la déchéance totale. A mesure que l’humanité se rend maître de la nature, l’homme semble devenir esclave de ses semblables ou de sa propre infamie. On dirait même que la pure lumière de la science a besoin, pour resplendir, des ténèbres de l’ignorance et que toutes nos inventions et tous nos progrès n’ont qu’un seul but : doter de vie et d’intelligence les forces matérielles et ravaler la vie humaine à une force matérielle. Ce contraste de l’industrie et de la science modernes d’une part, de la misère et de la dissolution modernes d’autre part- cet antagonisme entre les forces productives et les rapports sociaux de notre époque, c’est un fait d’une évidence écrasante que personne n’oserait nier. Tels partis peuvent le déplorer ; d’autres peuvent souhaiter d’être délivrés de la technique moderne, et donc des conflits modernes. Ou encore, ils peuvent croire qu’un progrès aussi remarquable dans le domaine industriel a besoin, pour être parfait , d’un recul non moins marqué dans l’ordre politique. »

(Extrait d’une allocution prononcée par Karl Marx, le 14 avril 1856,   à , l’occasion du quatrième anniversaire de l’organe chartiste People’s Paper, qui en reproduisit le texte)             

 

Contre l’exploitation de l’homme et la nature « Ainsi donc, la production fondée sur le capital crée d’une part l’industrie universelle, c’est-à-dire le surtravail en même temps que le travail créateur de valeurs; et, d’autre part, un système d’exploitation générale des propriétés de  la nature et de l’homme. »

(Marx, Grundrisse 2 .Chapitre du capital, éd. 10/18 p.214-215)

 

Forces de destruction«  Dans le développement des forces productives, il arrive un stade où naissent des forces productives et des moyens de circulation qui ne peuvent être que néfastes dans le cadre des rapports existants et ne sont plus des forces productives, mais des forces destructrices (le machinisme et l’argent), — et, fait lié au précédent, il naît une classe qui supporte toutes les charges de la société, sans jouir de ses avantages, qui est expulsée de la société et se trouve, de force, dans l’opposition la plus ouverte avec toutes les autres classes, une classe que forme la majorité des membres de la société et d’où surgit la conscience de la nécessité d’une révolution radicale, conscience qui est la conscience communiste et peut se former aussi, bien entendu, dans les autres classes quand on voit la situation de cette classe. »(L’Idéologie allemande, Editions sociales, pages 67-68 : « Feuerbach l’opposition de la conception matérialiste et idéaliste ».)

 Si PI a le mérite d’avoir remis en avant la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange, par contre dire que  les idées de Marx sont à l’origine des thèses  productivistes, c’est ne pas comprendre le rôle dual du MPC (sa dialectique). Et qui plus est, c’est  plagier Marx en prétendant le dépasser , ce que fait aussi Claude  Bitot . Quand Bordiga repris la critique de la destruction de la nature par le MPC, il n’a pas été au point de rupture d’un Camatte qui en est arrivé à considérer que la contradiction fondamentale n’était plus entre les forces productives et les rapports de production  se manifestant par la contradiction bourgeoisie-prolétariat. Les forces productives devenant une menace pour « l’espèce humaine » 1 hors classe. Ici on cherche à faire disparaître la contradiction fondamentale au profit de l’intérêt  commun des prolétaires et des bourgeois à « limiter les forces destructives du productivisme » . Voilà donc le glissement de terrain dans lequel, le marxisme délavé par l’écologisme  se trouve embourbé, pour avoir nié la dialectique, ici la dualité du MPC qui en tout moment est contradiction en acte « richesse à un pôle, misère à l’autre pôle » – impossible sans dépassement, sans saut qualitatif, de surmonter la contradiction. Seul un Proudhon, s’ingéniait à trouver des solutions pour éliminer le mauvais côté du capital. Depuis il ne cesse avec la crise de faire des petits.

Passons pour en finir à un petit exposé sur la crise actuelle.

Les manifestations de la crise financière

 Nous savons  tous ici, que sous  le capitalisme marchand et industriel, le crédit n’a qu’un rôle purement technique, il n’est qu’une avance sur des ventes, ou sur une production, future. C’est la mévente des marchandises qui le fait apparaître comme «superflu», comme de l’argent qui n’a pas d’équivalent dans une valeur réalisable.

Avec le développement du capitalisme financier, et son autonomisation relative, le crédit devient le moyen d’anticiper des productions futures et d’autovaloriser l’argent. Marx utilisera la formule   selon laquelle l’argent doit rapporter de l’argent comme le poirier des poires. A partir de ce moment, la boîte de Pandore  de la spéculation est ouverte et le capital financier apparaît comme escroc et prophète.

Quand la crise éclate, ce n’est pas seulement la surproduction, le caractère fictif des marchandises (leur non-validation sociale) qui fait apparaître celle des signes monétaires qui leur sont rattachés. Cela arrive toujours bien sûr, comme dans les  crises immobilières et, plus proche de nous, par la sournoise crise des subprimes (2007-2008...). Mais c’est le plus souvent le caractère fictif du «produit financier» qui apparaît à ce moment . Ce produit n’est rattaché  aux marchandises par des combinaisons de crédits qui se superposent  et qui doivent être remboursés à une date donnée.  Ici la crise surgit en raison de l’impossibilité, non seulement de vendre les marchandises, mais encore de réaliser toute une série de paiements fondés sur la vente de ces marchandises déterminées dans un délai précis. C’est la forme propre aux crises financières et monétaires. 

C’est l’auto-accroissement de la valeur financière qui s’interrompt parce que les anticipations à la hausse qui l’entretiennent sont stoppées pour une raison quelconque (une hausse des taux d’intérêt, l’insolvabilité de quelques banques ou pays gros débiteurs, la hausse des prix du pétrole, ou n’importe quoi qui puisse déclencher des ventes de «précaution» massives de titres et une panique).

 Le gonflement de la masse des titres financiers étant alimenté par celui du crédit (notamment la dette publique, crédit fait à l’Etat), et démultiplié par les «effets de levier» des «produits financiers» modernes, comme les CDS ou autres CDO 2. La valeur de ces produits est pour une large part fictive, et dans la mesure où elle n’est fondée sur aucun travail matérialisé, objectivé dans une marchandise, sa dévalorisation ne fait que sanctionner sa valorisation virtuelle (évaluée dans la crise actuelle par Patrick Artus à 26 000 milliards de dollars), capitalisation de revenus hypothétiques, voire simple pari sur l’évolution de «notions» (taux, indices, etc.).

 Il en résulte que contrairement à l’époque du capitalisme marchand et industriel, ce ne sont plus des marchandises produites qui sont dépréciées dans un premier temps, ce sont les valeurs de papier, la monnaie... Ce n’est pas du travail matérialisé qui n’est pas socialement validé (mévente, surproduction), c’est du capital fictif qui est constaté comme tel, comme n’étant pas valorisé. Mais le capital étant global, c’est tout le procès de valorisation/ dévalorisation, du capital (financier, productif, commercial) qui se trouve dévalorisé. C’est pourquoi la crise financière, qui débute, par des krachs boursiers et monétaires, est toujours une crise du capital total (ce que je disais de la crise Argentine de 2001).

 Toute crise provoque des réactions en chaîne, visant à protéger le « vrai argent » sonnant et trébuchant. Seulement même si certains le pense encore, l’or n’est plus la valeur refuge. Elle est ravalée à n’être qu’une marchandise comme les autres. Seuls  les titres des Etats puissants, et ceux des quelques gros trusts qui apparaissent comme des valeurs sûres. Ces valeurs refuges seront donc essentiellement les titres  américains, japonais et accessoirement européens, dont la fonction est de remplacer l’or dans ses fonctions de conservation de la valeur (voir la récente poussée du Yen). A contrario, les titres et les monnaies des pays dont les capacités de captation de la richesse sociale sont plus faibles s’écrouleront (cas actuel des pays dits émergents, en fait dépendants) et la dette du tiers monde, remonte à la surface.

 Dire que la crise se manifeste d’abord dans la sphère financière (c’est l’une des forme de la crise de l’époque actuelle), c’est dire que ce sont d’abord ses institutions, les Banques, les Bourses,les assurances mais aussi les monnaies et titres monétaires des Etats, qui sont atteints, ceux-ci  étant les principaux représentants  du capitalisme financier.

 Les cours des actions chutent. Des banques se trouvent mises en péril par l’insolvabilité des débiteurs, leurs fonds propres étant bien inférieurs à ces crédits évaporés (et d’ailleurs pour une large part constitués de titres financiers maintenant dévalorisés). Et comme elles sont toutes liées les unes aux autres par des créances réciproques, c’est l’ensemble du système bancaire qui menace de s’écrouler comme un château de cartes (le fameux risque systémique des  subprimes et CDS). Quant aux Etats en crise qui ne peuvent plus rembourser leurs dettes, d’autant moins que les capitaux les fuient, ils doivent déclarer la banqueroute (comme l’Etat argentin en 2001, et actuellement l’Equateur et l’Islande...), dévaluer leur monnaie, c’est-à-dire dévaloriser le patrimoine national, ou s’en remettre au FMI. Les entreprises de ces nations deviennent alors des proies faciles, acquises à bon compte par les trusts étrangers les plus puissants, ce qui accentue la concentration/ centralisation  du capital.

Les pyramides de crédits ont manifesté le caractère fictif des procès de valorisation auxquels elles servaient de base en se transformant en un océan de pertes. Les banques croulent sous les créances irrécouvrables ou douteuses qu’elles doivent provisionner en y affectant leurs ressources, diminuées, et jusqu’à leurs fonds propres, eux-mêmes constitués d’actifs maintenant dévalorisés. Bref, ces fonds fondent, et avec eux la capacité de crédit. C’est ce qui vient de se passer avec la crise des subprimes et qui nécessitera l’intervention des Banques centrales et des Etats qui injecteront des  milliards de liquidités, pour sauver la représentation du capital (l’argent).

Ce n’est pas qu’il n’y a pas assez de «liquidités», comme le prétendent les économistes, mais qu’elles ne circulent plus (les banques doivent provisionner à tout va, les entreprises ne veulent plus investir, etc.). Et comme tout le système capitaliste repose sur le crédit, il se produit une brutale contraction des affaires. Elle est démultipliée par la baisse généralisée des prix entraînée par cette contraction (déflation), ainsi que par la baisse de la consommation (due au chômage qui se développe, à l’arrêt des investissements, au comportements d’épargne de «précaution» des détenteurs d’argent).

Lorsque le krach financier se déclenche, c’est le mouvement classique de la crise qui se produit : écroulement du prix des «marchandises», fuite devant les signes qui les représentent, et précipitation vers le «vrai» argent, celui qui est censé être la valeur conservée. Nous avons pu vérifier, récemment que la hausse du prix des matières premières n’a été que de courte durée, pour la bonne et simple raison, que celle-ci était un élément dévastateur du taux de profit (voir Le Capital, t. 3, chap. VI : « Effets des changements des prix »]).

Fin provisoire, il faudrait enclencher  la discussion sur les racines de la crise  (valeur d’usage, valeur d’échange et l’argent comme équivalent général) ce qui nous amènerait directement aux portes du communisme .

Gérard Bad

notes

1Il faudra revenir, sur ce concept, philosophique que l’on chercher à introduire dans l’économie , mais aussi dans la lutte des classes. Camatte, dès 1974, abandonne le sujet de l’histoire – le prolétariat – au profit de formules générales : « les hommes et le femmes » les « être humains » « l’espèce et la communauté humaine », la « multitude »  pour d’autres, en fait la dissolution du prolétariat dans le peuple  si décriée  par Marx. En fait le retour au matérialisme philosophique.

2 CDO (collateralized Debt Obligations): Titres adossés à des portefeuilles de créance diverses (créance bancaire, crédit immobilier, crédit à la consommation, etc..)

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