Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
SPARTACUS
Archives
Derniers commentaires
26 juin 2014

VINGT ANS APRES LA GUERRE, LES PROLETAIRES DE BOSNIE ENFLAMMENT LES BALKANS

 Ce qui suit est le témoignage d’un camarade qui s’est rendu en Bosnie, en février dernier et raconte ce qu’il a vu et entendu

  J’étais parti, en revenant de Bosnie-Herzégovine, pour écrire un texte plus complet et plus fouillé sur l’ensemble des aspects que j’avais vus ou sur lesquels j’avais réfléchi. Et je me suis retrouvé, après mon retour, à devoir choisir entre l’utilité de proposer rapidement des clefs de lecture des derniers événements, et l’idée plus laborieuse d’écrire jusqu'au contentement petitement intellectuel d’une belle production. Heureusement, je fus rattrapé par un bon principe prolétarien: le travail est le premier ennemi du travailleur. Le projet d’une production sans productivité, celle qui abolira l’économie que nous haïssons, m’a ramené à la raison que l’utilité bien partagée d’une activité vaut plus que sa qualité abstraite. Ce récit aura donc une suite si l’utilité s’en fait sentir; je n’ai pas envie, pour l’instant, de m’enfermer dans une activité qui ne m’est pas aisée d’écrivain Vive la révolution A bas le travail

  Cependant, pense également que des aspects nombreux et intéressants soulevés par ces événements méritent des développements, également pratiques, qui gagneraient à être plus collectifs.

  L’existence de la Bosnie-Herzégovine sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, comme construction politique inextricablement bancale, est le résultat direct de la défaite des luttes sociales des années 1980 en Europe dans le cours des restructurations économiques qui se sont imposées à l’économie mondiale lors de cette période. Il fut plus précisément le résultat de la déconstruction de la Yougoslavie dont ce bricolage multiethnique a été une condition nécessaire. Cette question fut ainsi résumée par un prolo qui répondait, au Plenum de Mostar, à une intervention précédentela multiethnicité du pays: «histoires multiethniques ont en a rien à foutre, avant la guerre on ne savait pas qui était quoi et on se portait mieux.»

  Le processus de dislocation de l’Etat yougoslave est inséparable des résistances sociales, en Europe et ailleurs, face aux restructurations de la fin des trente glorieuses dont les effets se sont violemment affirmés à partir de la fin des années 1970/ début des années 1980. La même «libérale» qui écrase les luttes ouvrières britanniques au travers de la période connue sous le nom de «grève des mineurs», essaime ses licenciements de masse, fermetures d’usines et disparition de secteurs industriels à travers l’Europe. Les répercussions de cette vague vont, à l’autre bout de l’Europe, déterminer la dislocation de la Yougoslavie.

  L’intégration de l’économie yougoslave au jeu politique mondial lui avait permis un développement économique continu jusque dans les années 1970, assurant par sa dépendance aux crédits fournis par le système monétaire international un contrôle renforcé sur sa structure socio-économique interne.

 Cette dépendance se manifeste, à partir du début des années 1980, par l’imposition de se conformer aux nouveaux impératifs internationaux en termes de règles économiques et sociales. C’est contre cette tentative de mise au pas aux nouveaux impératifs que se développe, sur l’ensemble des parties de l’ex-Yougoslavie, sans exception, une résistance sociale farouche qui se manifeste de 1985 à 1992 (et se prolonge dans la guerre) par un mouvement ininterrompu de luttes déterminées s’attaquant à la bureaucratie maîtresse du pays, et exécutrice pour son propre intérêt bourgeois des réformes exigées par le FMI.

  C’est dans ce contexte que la généralisation des luttes sociales yougoslaves arriva à démontrer que cet Etat n’était plus capable de jouer son rôle d’Etat, c’est-à-dire de faire rentabiliser par ses prolétaires le montant des capitaux investis sous forme de crédit dans l’état yougoslave. C’est contre la résistance des prolétaires yougoslaves que furent organisés et soutenus la réponse nationaliste et l’éclatement ethnique, au travers desquels la guerre imposa la paix sociale. Cette solution fut, dans ce contexte historique, déterminée par l’écroulement de l’URSS entraînant un mouvement de captation des marchés d’Europe orientale par les capitaux occidentaux et la redéfinition du contenu du projet européen avec la réunification de l’Allemagne.

 100 000 morts et vingt ans après, les prolétaires de Bosnie relèvent la tête: une série de résistances sociales secoue les différentes parties de l’ex-Yougoslavie. Les luttes qui ont éclaté cet hiver en Bosnie semblent marquer un nouveau pas dans le réveil des résistances écrasées par les nationalismes et la guerre dans un contexte international transformé et instable.

«Yougoslavisme»

 Il semble utile de prendre en compte que le réveil des luttes en Bosnie doit immédiatement se comprendre dans ses relations avec les résistances qui éclatent en ex-Yougoslavie et qui témoignent de l’épuisement «ématuré» des structures étatiques ayant assuré, dans une période précédente, la paix sociale au travers des stratégies nationalistes. Non pas que celles-ci soient vaincues par enchantement, mais que leur capacité d’opposer les populations divisées en faisant attribuer aux intérêts nationaux des populations adverses les raisons de la misère s’est décomposée et n’est ici plus jouable dans le nouvel environnement européen.

  Présent dans certaines situations, cet aspect «» non pas de division des luttes mais de frein à leur déclenchement, a perdu sa dynamique et s’épuise même s’il survit comme un champ de cicatrices plus ou moins enfouies selon les situations régionales. Par ailleurs, réapparaît un certain «» qui porte en soi une critique de l’écrasement nationaliste. C’est une nouvelle limite aujourd’hui plus concrète, porteuse d’illusions néo-titistes idéalisant la version orientale du compromis social de l’après-guerre, qui se manifestait, plus qu’à l’Ouest, par de fortes garanties sociales de revenu minimum assuré, de logement, de santé et d’accès gratuit aux études, rappelant une période idéalisée d’avant les divisions nationales. Une période, où « à aujourd’hui, l’Etat aurait été capable de bien jouer son rôle». Il reste dans l’ombre de la mémoire sociale que la «» actuelle des mécontentements sociaux est, par-delà un dépassement des nationalismes de ces vingt dernières années, également celui de la situation dans l’ancienne fédération yougoslave où la répression sociale qu’organisait séparément chaque bureaucratie sur la population de sa république avait les mêmes objectifs de division. La fulgurance avec laquelle se sont répandues les nouvelles de la révolte bosniaque et la rapidité des expressions de solidarité à son égard de Skoplje à Zagreb, étaient inenvisageables dans le système médiatique et policier titiste.

  L’arrogance avec laquelle ont été exécutées les réformes du FMI depuis vingt ans, d’abord par l’ancienne bureaucratie reconvertie dans le libéralisme, puis par les nouvelles générations d’entrepreneurs ayant en partie pris la relève, n’a fait que radicaliser la vision mafieuse qu’a, des politiciens et des nouveaux capitalistes locaux, une population aux abois. Le discours tantôt nationaliste tantôt social-démocrate qui fut l’apanage de ces «» a largement participé à la disparition de leur vernis idéologique.

  Il n’en reste pas moins que le discours dominant de la contestation est marqué, dans la région, par la demande d’un Etat compris comme «organisation de la société» et qui sortirait de son chapeau de magicien des politiciens apolitiques et des entrepreneurs honnêtes, bref un Etat idéal qui fait bien son boulot sous le contrôle de sa population. Il serait cependant tout à fait déplacé de juger ces demandes en les classant dans des catégories réductibles à leurs apparences. Une réalité sociale n’existe pas en soi. Elle est ce qui se développe dans le mouvement, et l’expression de ses contradictions, et la brutalité de celles-ci faisant face à la lucidité qu’ont les prolétaires de l’impasse de leur situation; elle laisse aujourd’hui peu de place à des alternatives politiciennes durables. C’est ce qu’exprime l’épuisement du cadre politique de gestion qui fut imposé à la zone yougoslave, il y a une vingtaine d'années. Les limites de ces situations, aujourd'hui comme il y a vingt- cinq ans, sont également déterminées par la situation internationale qui les contextualise.

  Le caractère prolétarien de ces luttes engageant des sans-réserves s‘affrontant, au travers des autorités, à leurs dramatiques difficultés d’existence est permanent dans ces antagonismes sociaux, aussi bien en Bosnie-Herzégovine que dans les régions voisines, contribuant par-delà les nouvelles frontières à un certain niveau d’homogénéité des conditions de lutte sur l’ensemble des territoires où elles s’étaient développées avant la guerre.

 Assemblées populaires

 L’invocation de la démocratie réelle ou participative est permanente. L’aspect dominant de ce démocratisme est souvent localiste, enopposition à l’incompétence des solutions élaborées dans les hautes sphères lointaines de la politique. La contestation sociale navigue donc dans un discours anti-parti et anti-politicien, et anti-privatisations. Il est, dans la situation hérzego-bosniaque, marqué par un anti-nationalisme général et par un antifascisme qui n’a pas le même sens selon qu’il est utilisé par les bureaucrates de la république serbe de Bosnie ou par les populations d’Herzégovine. Ce dernier prend en partie un aspect particulier dans une région où ont agi pendant la guerre des milices nationalistes croates (soutenues par certains gouvernements) se éclamant ouvertement du nazisme (et non du fascisme relié dans l’historique de l’extrême droite croate à l’Italie qui avait privé la Croatie d’une partie de son littoral).

 Avant de développer d’autres aspects, il faut évoquer ces «ées populaires» qui ont pris le nom de «» à Tuzla et qui se sont multipliées sous différentes formes à travers la Bosnie-Herzégovine en colère. Il serait utile d’entrer un peu dans le fonctionnement du Plenum de Sarajevo pour situer quelques oscillations contradictoires de cette nouvelle démocratie:

Le 17 février, avant de monter à l’étage où il se tient, je suis arrêté dans le hall d’entrée par les flics qui assurent la sécurité du Plenum (des vrais, avec uniformes…). On me fait passer dans un portail détecteur de métaux et les sacs doivent parallèlement passer sur tapis roulant dans un détecteur approprié. Ma bouteille d’eau est ouverte pour vérifier qu’elle ne contient pas subrepticement de l’alcool ou de l’essence. La salle de réunion, dans laquelle on rentre par le premier étage, est un vaste amphithéâtre avec au-dessus un large couloir circulaire où se trouvent sièges et petites tables. De-ci de-là, circulent, tout à fait détendus, pas franchement amicaux mais presque, de un à trois flics s’assurant que personne ne trouble la démocratie. On note bien, dans ce tas d’uniformes, que quelques-uns sont plus attentionnés que d’autres et que leur activité relève davantage des Renseignements généraux que de la circulation automobile.

 Les discussions et les interventions sont fluides. Un souci de recherche d’unanimité n’entrave pas des expressions critiques résolues. Dans cette atmosphère cosy, on est presque entre gens bien.

 Il s’y trouve, à mon avis, entre 600 et moins de 1 000 participants. Les gens sont plus nombreux qu’au rassemblement qui a eu lieu avant dans la rue, parce qu’un certain nombre d’entre eux y viennent après le travail.

 Le point à l’ordre du jour est le suivant: en résumé, « Personne ne peut représenter le Plenum, mais nous devons choisir qui portera physiquement nos doléances/revendications aux autorités. Treize volontaires se sont proposés, nous étions convenus, auparavant, d’une délégation de sept personnes pour ne pas être trop nombreux. Il va donc falloir décider qui ira, qui n’ira pas… Les treize citoyens volontaires vont se présenter à vous un par un» (le terme «gradanin», extrait de «», cité ou bourg, peut se traduire par citoyen ou. bourgeois, ce qui est une manière involontaire de remettre la démocratie à sa place)

  Les treize personnes se présentent très sobrement, nom, prénom, activité, et deux trois remarques. C’est en majorité des chômeurs, quelques prolos en activité, quelques retraités, deux travailleurs émigrés revenu en Bosnie, l’un de Suède, l’autre de France. Dans mon souvenir, il y avait trois femmes. (Les femmes étaient nombreuses dans l’assistance et présentes, plus généralement, dans les interventions).

Une fois que tout le monde s’est présenté, la fille qui tenait le micro a fait repasser les «citoyens» un par un pour les soumettre aux décisions de l’assemblée. Les deux premiers se sont fait siffler direct, puis les autres ont été retenus ou rejetés selon une procédure un peu aléatoire et mouvante mais toujours très démocratique. La question posée était tour à tour est-ce que vous en voulez ou est-ce que vous n’en voulez pas, sans ordre très précis dans les questions. Ceux qui étaient rejetés l’étaient, il me semble, toujours après plusieurs tours de question. Certains, connus, étaient acclamés et élus dans la foulée. Au bout de cette séance qui dura un certain temps, sept personnes furent choisies. Puis, une fois ce choix fait, l’un des «élus» prit le micro à la fille qui dirigeait les débats et dit: «, en ce qui me concerne j’ai été choisi, ce n’est donc pas pour faire changer la décision pour moi-même que j’interviens, mais pourquoi on n’y va pas tous?» Acclamation. La fille reprend le micro et met la proposition au vote. Il est ainsi décidé que tous les volontaires participeraient à la délégation. Parallèlement à cette dernière décision, j’avais remarqué que les décisions de rejet ou de choix des citoyens délégués étaient relativement influencées par une partie de l’assemblée dans laquelle se trouvaient les probables participants aux déprédations criminelles des biens publics dont les noires traces de fumée habillaient encore certains bâtiments officiels dans l’attente de leur disparition définitive.

 Mais c’est là une autre question que l’on abordera plus tard. On peut cependant préciser que contrairement à Tuzla, la question de la libération des manifestants embarqués est absente. Leur nombre est inconnu et aucun suivi de cette question n’apparaît. Ce qui est d’autant plus gênant que les journaux comme les échanges que j’ai eus évoquaient, sans précision, des descentes de flics chez des gens, au cours des ou après les événements du 7 février.

 Voilà donc quelque aspect pratique de ce qui, en l’état, ne peut pas réellement s’affirmer comme un contre-pouvoir, mais qui dans son rapport allergique à l’idée du politique se positionne comme une force de proposition pour corriger ce dernier.

  Il faut cependant supposer pour une évaluation plus générale de la situation qu’il existe des modulations notables dans les différentes situations locales.

  Indépendamment de leur positionnement dans le contexte international de la période, les évènements de Bosnie trouvent leur place dans la situation de paupérisation et de résistance des différentes parties de l’ex-Yougoslavie. En ce sens, cette aire constitue une forte proximité de perception et de conditions socio-économiques reliées par des vagues précédentes de luttes dont l’amnésie s’estompe. Ce que souligne les expressions spontanées de soutien provenant depuis début février des différentes parties de la zone yougoslave ou le rappel courant de la situation d’il y a vingt ans, d’avant les divisions nationales. (Une récente brochure sur les luttes actuelles au Portugal («Portugal, le pays où la colère est couleur», collectif les ponts tournants, disponible à Echanges) abordait la question de la mémoire des luttes. La remontée des expériences présentes et passées qui anime les luttes dans la zone yougoslave semble s’inscrire dans ce courant de ressaisissement illustrant cette problématique). Quelle que soit la longueur du chemin, ces mouvements sociaux, indépendamment de tout discours, contribuent à dépasser les frontières taillées à la hache pour les diviser.

 Une grève à Kraljevo

 Il est utile, pour la compréhension des événements bosniaques et la situation plus générale, de dire quelques mots sur une lutte qui se déroule en Serbie et qui concerne un atelier de fabrication de wagons. L’information date du 10 février, elle se conjugue avec l’incendie bosniaque.

  Les travailleurs d’une entreprise de construction de matériel roulant, concernant 250 salariés, sont en grève et bloquent les voies de chemin de fer à Kraljevo.

  En avril 1987, les 400 salariés d’alors de cette même entreprise ont mené une grève déterminée contre les pertes de salaires dues à l’écroulement de la valeur du dinar. Ils s’étaient alors inscrits dans un cours de généralisation et de radicalisation des luttes qui se manifestait par l’exigence du licenciement des directions d’entreprises qui ne leur assuraient pas le maintien de leurs salaires. (Ce contre quoi la bureaucratie et ses syndicats, dénoncés par les travailleurs, ont avec le financement de leurs soutiens occidentaux, promu les réponses nationalistes pour répondre aux travailleurs que c’était de la faute de la population de l’autre république qui s’accaparait le produit de leurs efforts).

 Actuellement les informations sur cette lutte indiquent qu’ils subissent un retard cumulé d’un an de salaires, qu’ils n’ont plus rien touché depuis leur dernière grève qui remonte à huit mois, qu’ils bloquent un nœud ferroviaire, qu’ils ont constitué un comité de grève impliquant qu’ils se sont débarrassés des syndicats. Il apparaîtrait que leur blocage empêche le passage de la production des véhicules d’une usine Fiat, indiquant par là qu’ils occupent un poste stratégique de transit ferroviaire. L’Etat serbe ne semblait pas, à cette date, en mesure de les virer manu militari puisque le représentant du comité de grève a été reçu au ministère des finances où on lui a proposé le paiement immédiat d’un mois de salaire et un autre versement équivalent d’ici moins d’un mois. Proposition rejetée par les travailleurs qui exigent la totalité de leurs arriérés et le rétablissement de leurs garanties sociales (lié, il me semble, à la délivrance de la fiche de paye). La direction de la société a, ou a été, démissionnée, ce qui n’entame en rien la décision du comité de grève de maintenir le blocage des voies.

 Il se déroule plusieurs mouvements de ce type actuellement en Serbie, mais il est difficile de savoir s’il s’agit à proprement parler de grèves ou d’entreprises en faillite (plus ou moins organisées après une privatisation, comme cela apparaît dans différentes situations en Bosnie) et qui sont occupées par les travailleurs pour obtenir leurs arriérés de salaires.

  Les mouvements de ce type se multiplient également dans différents pays d’Europe orientale (et ailleurs).Après avoir avancé quelques éléments sur l’épuisement de l’encadrement nationaliste des réalités sociales de l’aire yougoslave, une autre observation s’impose.

  La complexité des cohabitations culturelles en Bosnie-Herzégovine sur un territoire réduit ne répondait, au départ, à aucune possibilité de délimiter des frontières territoriales pour chacune de ces réalités, ce qui était d’autant plus initialement aberrant que les références personnelles à ces identités étaient aussi complexes que relatives. Le choix occidental de déconstruire la Yougoslavie en reconnaissant des États livrés à autant de nationalismes particuliers devenait très alambiqué à mettre en œuvre en Bosnie-Herzégovine. Cet impératif n’en était pas moins une nécessité pour achever la décomposition de la Yougoslavie. Délimiter des territoires dotés d’un pouvoir ethnicisé était le préalable à la reconnaissance politique de cet Etat-patchwork, d’où la confusion du résultat. Ce qu’on nomme la purification ethnique est une conséquence directe de la mise en œuvre de ce projet. Les trois entités nationales à définir étaient les Croates, les Serbes et les «» que l‘on nomme actuellement les Bosniaques. Les nationalismes croate et serbe se sont respectivement appuyés sur les moyens militaires de la Croatie et de la Serbie, et idéologiquement sur leur discours national patriotique et les références historiques ressuscitées pour l’occasion, La partie «» et son discours national ont été inventés en quelques années, sans référence historique, entre 1992 et 1995. D’où la moins grande intégration, dès le départ, du discours national patriotique sur la zone bosniaque. Cela n’est pas une explication, mais un élément à prendre en compte dans la manière dont s’est étendue la dernière révolte en Bosnie où, à l’exception de Mostar, les formes les plus déterminées ont éclaté sur la zone bosniaque de la Bosnie-Herzégovine. Pour la zone «» elle s’est limitée à Mostar qui se trouve à cheval sur la partie bosniaque. Quant à la partie «», il y a eu des troubles et des manifestations à Banja Luka (et peut-être ailleurs) mais il n’y ont pas pris la même ampleur.

 Deuxième partie: Le joli mois de février…

Un syndicaliste dont j’ai perdu le nom a eu cette hallucination dès le 5 février: «tous les gens de toutes les villes et de tous les cantons se lèvent et se battent!». Heureux soit l’exaucé qui dans ce moment de prémonition a complètement oublié de rester syndicaliste!

Ce 5 février 2014 pourrait effectivement être considéré comme le jour du départ d’un incendie social qui, patience aidant, pourrait bien avoir de l’avenir. La question n’est pas de faire des pronostics. Il s’agit d’essayer de saisir les implications possibles d’un événement qui clôt la défaite des plus importantes luttes de résistances aux restructurations des années 80. Il s’agit de saisir, dans le resurgissement actuel dans cette zone yougoslave, ce qui dans ces luttes sociales répond aujourd’hui à la situation issue de leurs défaites passées qui les ont livrées à de nouveaux Etats réduits à des exécutants locaux plus malléables aux consignes successives du FMI.

  Voilà donc une situation concrète où les frontières nationales mises en place au début des années 90 pour écraser les résistances sociales au «ordre mondial» aboutissent aujourd’hui à un rejet social de ces divisions. Les luttes qui s’affirment en Bosnie-Herzégovine propagent leurs échos au-delà des frontières qui les ont étouffées dans les divisions nationales, en se ressaisissant de l’expérience de leurs défaites passées. Ce mouvement est un pas en avant qui n’a d’avenir que dans les luttes qui lui répondront et dans la mesure où il s’y inscrit lui-même comme un moment de leurs émergences.

 Contre les divisions nationales qui furent l’instrument de son écrasement au début des années 90, ce surgissement social affiche immédiatement son rejet des nationalismes et affirme ses solidarités sur l’ensemble de la zone yougoslave censée, selon les discours officiels largement intégrés en occident, avoir disparu comme le rejet d’une oppression passée. Il n’est pas curieux qu’on entende en Bosnie-Herzégovine évoquer le terme de «bosniaque»

Au cours d’une demi-douzaine d’années d’entêtement, jusqu'à l’orée des années 90, les prolétaires de Yougoslavie sont restés parfaitement «contre-historiques». Ils n’ont en effet jamais envisagé dans la situation de la période que leurs luttes ouvrières d’une autre époque, tentant de défendre leurs droits de rester exploités comme auparavant, étaient vouées à l’échec. (Leur résistance à la dégradation de leur situation a déterminé comme aujourd’hui leur mobilisation). Ils se sont battus jusqu'à vider un Etat de sa raison d’être: les faire travailler dans l’ordre imposé par les nouvelles normes d’exploitation.

 Et cette victoire gagnée en pleine défaite générale du prolétariat, isolée de toute capacité d’extension, les réduisant à leur seule expression de classe productrice de son aliénation, les a livrés, aux travers des reconstructions nationales qui leur promettaient un avenir meilleur, à leurs pires ennemis. C’est ainsi qu’à coup de nationalismes et de terreur ils se sont laissés embaucher, chacun à sa place, par l’armée qui leur offrait des armes pour se défendre, eux, leur familles, leurs amis et tirer sur leurs camarades de la veille. C’est ça la guerre.

 La révolte qui s'est levée en Bosnie-Herzégovine est celle de l'affrontement à cette histoire. Sa nécessaire liquidation, pour que vingt après, à travers toutes ces épreuves, se reconstruise pas à pas la solidarité des prolétaires contre des ennemis plus terribles que les entrepreneurs libéraux et les politiciens mafieux, contre la reconstruction de nouvelles illusions, cette fois- ci démocratiques ou mêlées à des relents néo-titistes, qui menace de les livrer de nouveau aux mêmes impératifs que ceux qui les ont conduits et les maintiennent dans leur situation révoltante. La bataille qui s'annonce est qu'il ne peut pas exister d'Etat hors des rapports sociaux qui font du prolétaire le producteur du monde qui l'écrase.

 Il faut du pain pour construire l’histoire.

  La situation en Bosnie-Herzégovine reflète celle de la zone yougoslave et plus largement les conditions sociales d’une grande partie de l’Europe orientale.

  Chômage très important, accès toujours plus coûteux aux besoins élémentaires (nourriture, santé, logement). Impasse sociale faisant vivre avec d’autant plus d’amertume les difficultés d’accès à la scolarité et aux études.

Pratiques sociales arrogantes: salaires scandaleux, non-paiement et retards de salaire courants. Les privatisations imposées par les normalisations économiques recoupent des liquidations d'activités industrielles en fonction du marché international, accompagnées couramment par des pillages d'installations rachetées à trois ronds, dans le cadre de ces privatisations, pour être remontées ou revendues avec profit dans un autre site de la planète où leurs exploitations s'avèrent momentanément plus rentables . Un nombre important de luttes sont liées à cette réalité économique générale, d'un bout à l'autre de la planète, et abusivement qualifiée de mafieuse. Ces «» expriment la nature d'un rapport social, non pas ses déviances. Ce qui n'empêche pas qu'il est logique qu'il soit ainsi perçu par des travailleurs qui se retrouvent du jour au lendemain privés de moyens d'existence. Pour réduire le coût annexe de ces liquidations d'entreprises aucune disposition sociale n'en amortit les conséquences. Elles sont par ailleurs rendues d'autant plus dramatiques que la pauvreté matérielle de la population qui en est victime réduit les capacités des solidarités sociales.

Ce qui n’empêche en rien ces luttes de viser directement les intérêts immédiats de la bourgeoisie, et de s’attaquer à ses capacités d’exercer ses fonctions.

 petite chronologie

  Avant ce développement il serait utile de faire un détour par les accords de Dayton, pour livrer une vision approximative de la clarté institutionnelle de la Bosnie-Herzégovine. Elle se présente comme une Confédération comprenant d’une part la République Serbe de Bosnie dont la capitale est Banja Luka et d’autre part la Fédération Croato-Musulmane, elle-même composée de l’Herzégovine, croate, (qui est une région différente en soi de la Bosnie) dont la Capitale est Mostar. La Bosnie (Musulmane) commence à Mostar, sur l’autre rive de la Neretva et constitue le second élément de cette fédération, sa capita, Sarajevo, est également la capitale confédérale. Il faut ajouter que, contrairement aux Croates d’Herzégovine, les Serbes de Bosnie et les Bosniaques sont Bosniens, en tant que populations de Bosnie. C’est simple, non? Il suffit de préciser qu’en dehors de ces trois groupes il n’existe aucune reconnaissance institutionnelle pour ceux qui ne pointent pas à l’une de ces identités ou qui n’en ont pas envie: il en est ainsi des Roms, des Juifs (ils constituaient en ex-Yougoslavie la seconde importante population juive avec celle de Voïvodine) et une série d’autres minorités dont je ne sais pas ce qu’il reste encore.

5 février 2014

 L’agressivité des méthodes économiques modernes et la pression sociale du chômage sont directement à l’origine des événements qui prennent forme à partir des manifestations du 5 février. On y retrouve, au coude à coude, travailleurs pauvres ou en attente de versement de salaires, grévistes occupants des entreprises dont la direction est partie avec la caisse, beaucoup de chômeurs et quelques étudiants en attente de chômage, auxquels se joint d'évidence et en première ligne toute la jeunesse en colère.

 Depuis des années, rien ne bouge dans la situation désastreuse de la population, tout se passe bien pour les exécutants des accords de Dayton et les bénéficiaires des réformes économiques libéralisant l’exploitation des ressources régionales, main-d’œuvre comprise. Ce jour-là des manifestations ont lieu à Zenica, Bihac, Prijedor, Sarajevo (2 000 manifestants), Tuzla (6 000 manifestants). Quelque chose se passe qui mettra. 24 heures pour éclater.

6 février

 Un des rassemblements a lieu à Mostar, ville dont la position est importante dans cette révolte, dans la mesure où elle est la seule, parmi celles qui ont connu des expressions enflammées, qui se trouve à cheval sur une zone non bosniaque (que l'on appelait auparavant «»). Le rassemblement a lieu dans la partie croate de la ville où se trouve le centre de la ville moderne. Les manifestants ont allumé des feux sur les chaussées et discutent et crient des slogans autour de ces feux. Il n'y a pas d'affrontement ce jour-là.

C’est à Tuzla, dans ce qui reste de cette ancienne ville industrielle, que se concentre la colère de cette journée. Le thème des slogans est la dénonciation du chômage, les magouilles des privatisations, des salaires non payés, des fermetures d'usines.Il apparaît que les flics tentent d'intervenir et que cela se termine mal pour eux. Des affrontements très violents font 130 blessés dont 100 flics.

  7 Février 2014. Le réveil des Balkans!

 A Banja Luka, en république serbe de Bosnie se déroule un rassemblement sur les mêmes thèmes qui font monter la tension dans la région: chômage, privatisation crapuleuse, corruption des politiciens. A Tuzla , Zenica, Sarajevo et Mostar, les principale villes de la Bosnie (précédemment appelée musulmane), les parlements et bâtiments du Pouvoir prennent feu dans la même journée et une rage spontanée éclate à travers ce territoire, électrisant toute la région et au-delà.

 A Mostar, fait important, la seule de ces villes en éruption qui se trouve à cheval sur la zone croate et musulmane, après avoir enflammé les bâtiments du gouvernement, les sièges du HDZ, parti nationaliste croate et du SDA parti nationaliste musulman sont tous les deux incendiés. Pour la petite histoire, il faut ajouter que l'un de ces bâtiments officiels affectés par l'ardente critique des flammes fut couvert par des tags de la «Army» groupe de supporters «anti-fascistes» du club de foot local.

 8 février 2014.

  Des manifs se déroulent à travers toute la Bosnie Il n’y a pas d’affrontement signalé ce jour-là à Sanski Most, Konjic, Sarajevo et Mostar. À Bihac, le rassemblement se termine par un affrontement entre 2 à 3 000 manifestants et la police À Bugojno 500 chômeurs et travailleurs licenciés manifestent en soutien à Tuzla et exigent la libération de tous les manifestants emprisonnés.Suad Zeljkovic, chef de l'administration cantonale de Sarajevo démissionne.

En moins de 24 heures, l’information se répand à travers les frontières:

En Serbie, en Croatie et en Macédoine (Le lendemain au Monténégro) des rassemblements de soutien à la colère des travailleurs de Bosnie-Herzégovine, sont organisés pour les jours prochains. Des arrestations ont lieu dans la région de Tuzla dans la nuit, dans les milieux anar et «ême-gauche»

 9 février

 Les rassemblements quotidiens se généralisent à travers toute la BiH (Bosnie-Herzégovine).

 Manif à Velika Kladusa. Les thèmes récurrents sont: 20 ans de mensonge, Gouvernement de voleurs. (il est à signaler que ce '20 ans' est une référence au déclenchement de la guerre et à la création des Etats dirigés par des partis nationalistes s'étant engagés à résoudre les problèmes sociaux grâce à la libération «»). Les rassemblements élaborent, comme partout, des plans à imposer au gouvernement: à Velika Kladusa, il est question des limitations du salaire des élus, de la suppression de leurs avantages «», du contrôle ou de la dénonciation des privatisations…

 10 février

  À Belgrade: 300 participants à une manif de soutien à la «Herzégovine courageuse» Manif à Kalesija. Pancarte: Entrepreneurs = esclavagistes Travailleurs = esclaves

  11 février

 Manifs dans une dizaine de villes de BiH ( Bosnie-Herzegovine)

 1er Plenum de Tuzla, titre donné aux assemblées de lutte dans lesquelles sont invités à se joindre les «» pour discuter de la situation et élaborer leurs exigences. Le grand Théâtre de Tuzla accueille ce Plenum.

  Sarajevo: Les travailleurs de l’Hôtel Holiday Inn en grève et de la compagnie des transports urbains sont, entre autres, présents avec leurs pancartes dans la manifestation.

 12 février

 

 1er rassemblement de soutien à Zagreb (Croatie) Une banderole anar: Vive la lutte de la classe ouvrière.

 Sarajevo. Occupation de l'hôtel Holiday Inn par les salariés qui ne sont plus payés depuis deux mois. L'hôtel, construit pour les jeux olympiques de Sarajevo, a été privatisé en 2003 et revendu au groupe autrichien Alpha Bau management pour 22,8 millions d'euros. Les salariés l'accusent de violer les lois sociales avec la complicité du gouvernement et de ne pas respecter les dispositions de la transaction de privatisation.

  Rappel de Hongrie sur la situation générale en Europe orientale: des travailleurs du secteur de la chimie occupent leur usine et manifestent à Budapest contre les propriétaires qui refusent de leur verser leurs arriérés de salaires.

  13 février

  1er Plenum de Mostar (capitale de l'Herzégovine situé à cheval sur une zone croato-bosniaque, de part et d'autre de la Neretva). 200 personnes sont rassemblées dans la salle devant une banderole: «liberté est notre nation».Revendications avancées: Révocation du gouvernement de la BiH, arrêt du financement des partis.

  Skoplje (Macédoine). Manif de soutien à la BiH, le cortège se rend jusqu’à l’ambassade de Bosnie-Herzégovine. «le nationalisme, le népotisme et la corruption». Slogan totalement en phase, comme généralement partout sur la zone yougoslave, avec la perception de la situation locale.

 Zagreb ( Croatie) Une manifestation rassemble 1000 personnes dans un cortège qui se rend du marché aux fleurs à la place des victimes du fascisme. Banderoles: «de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes. Une seule classe, un seul combat.»

Vranje (Serbie) Dans l'entreprise Jumko les travailleurs ne sont plus payés depuis 7 mois. 1500 manifestants bloquent l'autoroute Belgrade /Skoplje.

 Kraljevo (Serbie) Manif des travailleurs d'une entreprise en grève qui ne sont plus payés depuis mai 2013

  14 février

Bihac. 220 travailleurs de Bira Bihac manifestent devant leur usine. Ils ne sont plus payés depuis novembre 2013. Ils sont rejoints par les travailleurs de l'usine Robot. Zavidovic , 5000 manifestants composés de chômeurs, d'invalides de guerre, des victimes civiles de la guerre et de leurs familles, de retraités et des travailleurs de «» et d'autres entreprises, demandent la démission du maire SDA (nationaliste musulman) et de l'équipe municipale et proposent la nomination par l'assemblée d'un responsable sans parti jusqu'aux prochaines élections. Une partie de la manifestation prévoit une occupation de la place par une installation de tentes jusqu'à la démission de l'équipe municipale. Les troubles ont débuté le 7 février Une mobilisation massive (il s'agit d'une petite ville) se prolonge au moins jusqu'au 17 février.

 15 février

 Podgorica (Monténégro) Suite à un appel ainsi rédigé: Révolution au Monténégro, Tous dans la rue, Demain au parlement

 Différents groupes locaux, anar, «ême gauche»… organisent un rassemblement de soutien aux travailleurs de Bosnie-Herzégovine. Les propos de la foule sont ponctués en arrière-fond par: voleurs, voleurs… à l’adresse des politiciens. Les propos sont très anti-nationalistes. Il y a derrière la foule un bâtiment brûlé dont j’ignore l’histoire.Un vieux manifestant déclare: «Nos enfants, les enfants des travailleurs ne sont pas devenus des hooligans (en parlant des incendiaires de Bosnie).Tout ce qu’ils ont brûlé n’est rien face à ce que détruisent ces rapaces.»La manif s’est terminée par des affrontements avec la police et des caillassages, à l’issue desquels 20 manifestants ont été arrêtés.

 Beograd (Serbie)

Rassemblement de soutien aux «éros de Bosnie-Herzégovine».Pancartes:Aujourd’hui Tuzla, demain Beograd  Bosnie Héroïque nous sommes avec toi, Un baiser pour la Bosnie-Herzégovine ouvrière, Les nationalistes sont les valets des capitalistes, Nous sommes tous des Hooligans, Hooligan bosniaque, je t’aime

 Au cours du rassemblement, les flics s’interposent à l’arrivée d’un groupe porteur de drapeaux serbes ornés des insignes royaux, qui distinguent l’extrême droite oustachi (référence à la résistance royaliste serbe liquidée par la résistance communiste du «» Tito pendant la dernière guerre avec l’aide des calculs politiciens de Churchill). Ils crient pendant quelques temps les noms de Karadzic (surtout) et Mladic.

 À Futog (Voïvodine- Serbie) L'entreprise «Milan Vidak» occupée est en lutte depuis le 21 janvier contre sa fermeture (Caractéristique plus proche, en apparence, des situations qui nous sont connues en France)

Osijek (Slavonie – Croatie) Rassemblement de soutien aux travailleurs de Bosnie-Herzégovine. (Osijek fait partie de la région de Slavonie occupée et bombardée par l'armée yougoslave à partir de l'été 91 avant la seconde phase de la guerre qui s'est développée à partir de 1992 en Bosnie-Herzégovine. C'est une ville de Croatie où la situation politico-militaire a fait passer les travailleurs en lutte en 1991, directement de la grève à la guerre.)

  16 février (dimanche)

  Mostar. Spanski trg (place d’Espagne). 250 manifestants. Une grande banderole:Bosniaques, Herzégovniaques Ne vous est-il pas clair que des roms, des juifs, et d’autres, vivent ici Que soient maudits les peuples constitutifs! *Ensemble, unité des citoyens pour la prospérité et la solidarité

 Merci Zagreb / Skoplje / Beograd

 La grande banderole qui ornait le fond de la salle du Plenum est également là: La liberté est notre nation. * (les peuples constitutifs sont, à l'exclusion de tout autre, les trois entités bosniaque, croate et serbe)

 7 février

 Leskovac (Serbie). Les ouvriers de l'usine «» décident la grève totale et l'occupation de l'usine. Ce jour-là, ils bloquent la route principale Belgrade –VlasotinceLes propriétaires leur doivent 1 million d'euros d'arriérés de salaires.

  18 février  Skoplje (Macédoine).

 Plusieurs centaines de chômeurs, avec les groupes Lenka (Justice sociale) et Solidarnost, ont manifesté devant les locaux d’un syndicat (?) en dénonçant la collaboration entre les syndicats et le pouvoir politique; le taux de chômage est de 30% dans l’ensemble du pays et de 62 % dans le nord-est.

 20 février

 Manif à Banja Luka (République Serbe de Bosnie). Plus de 1000 manifestants contre la situation sociale. Rassemblement soutenu par les vétérans de la Republika Srbska.. Manif à Bihac; 100 participants

 25 février

 Mostar. L'association des victimes civiles de la guerre s'associe au Plenum de Mostar.

  Croatie. Grève dans la fonction publique où plus de 70 000 salariés ne touchent pas leurs salaires.Mouvement syndicalement encadré chez les cheminots, dans les transports urbains et la santé.

 26 février

  Mostar: 20ème jour de protestations quotidiennes.

  Tuzla. 1000 manifestants.

 Croatie. Manif syndicale à Zagreb contre la casse du code du travail. Le nouveau code prévoit la possibilité d'élever la semaine de travail à 56 heures, facilite les licenciements et limite le droit de grève.

 Banderole: Le pillage de la Croatie a commencé avec la guerre en 91 …

  Voilà, peut-être provisoirement, pêle-mêle quelques premiers éléments diversement glanés qui peuvent éventuellement préciser quelques aspects de la situation.

  Il arrive qu’un plenum ne soit qu’un plenum…

  plenum des citoyens …

 Commentaire de Marina Antic de Pittsburgh: «apparaît que si des bâtiments des autorités cantonales ont été incendiés c'est que l'ont ne nous a pas donné plus tôt des plenums!»

 Marina Antic écrit:

  «Ayez toujours à l’esprit que le peuple ne se bat pas pour des idées, pour certaines choses dans certaines têtes. Les gens luttent pour acquérir des améliorations matérielles, pour vivre mieux et en paix, pour progresser dans l’existence, pour assurer l’avenir de leurs enfants.» Amicral Cabral

  En lisant ce soir les nouvelles (14 février) on pourrait presque s’imaginer qu’il s’est passé quelque chose d’inhabituel en BiH (Bosnie-Herzégovine). Il transparaît quelque chose entre des informations sur un drame, la guerre en Syrie, et des règlements de compte parmi ou vis-à-vis des politiciens dans le jeu des partis locaux, et aussi de temps en temps quelques courts reportages sur les plenums de Tuzla, Sarajevo, Mostar et encore ailleurs. On pourrait également entrevoir que ces gens dans ces plenum seraient sérieusement mécontents des autorités de tel ou tel canton sans pour autant y voir quelque chose de plus. Mais dans quelques rares cas, il s’y glisse un reportage plus long dans lequel apparaît la pensée de quelques participants illustres, par exemple Mladen Jelicic-Troka du plenum de Sarajevo qui déclare: «a été une thérapie collective où chacun pouvait exprimer sa pensée et tirer profit de cette adrénaline». Asim Mujkic affirme que «cette vision de l’organisation des citoyens, pleine de promesse doit être préservé comme l’importante existence d’une correction du système parlementaire démocratique». Cependant que Svetko Horvat, s’envolant plus haut explique que «ces nouveaux éclairages (et prises de conscience) ne sont pas suffisants en soi et qu’il est bon qu’apparaisse dans diverses parties de la BiH ce mouvement des plenums, par lequel les citoyens peuvent finalement avoir l’occasion … de décider de leur propre sort». Pour Horvat, les plenum sont ainsi «la surprise la plus positive de ces événements». Et à travers ces commentaires à la Horvat, se rappelle-t’on encore de ce soulèvement autrement que pour le considérer comme moins significatif que la seule essentielle (et magnifique) apparition des plenums?

  Focus sur ceux qui nous sont connus.

 Il n’y a rien d’étonnant ni de fourbe dans ce qu’un professeur de science politique ou qu’un intellectuel du genre de Horvat puisse considérer comme ce qu’il y a de plus important les moments où ils se retrouvent dans leurs habitudes: les discussions et conversations qui s’opèrent dans d’illustres assemblées. Il y a cependant quelque chose de plus perfide dans les pratiques de ces medias qui considèrent convaincants des interviews d’intellectuels et de travailleurs culturels sur les plenums de citoyens sans avoir à prendre en compte les simples citoyens qui sont apparus dans ces plenums et qui «profit de leur adrénaline» pour exprimer à quel point ce système les a écrasés et mis en rage, en les poussant à la lisière de l’existence. Car voyez-vous, si cela avait été eux que l’on avait interviewés, n’auraient-ils pas exprimés ce qu’on ne pouvait pas lire dans les nouvelles de ce soir (14/02) et cela est le profond caractère de classe de cette révolte, comme une faim cruelle et une exaspération de ces citoyens qui sont arrivés-là non seulement à une «érapie collective» comme le veut Jelicic, mais pour que de cette accablement et de cette rage apparaissent l’action pour un future souhaité. Les médias auraient alors dues informer des raisons de ces bouleversements et désordres d’une population qui n’a pas cette distance à la fureur et au soulèvement sociale qui se sont déversé dans la violence de la semaine passée et dont peuvent jouir les personnes hautement instruites comme les travailleurs culturels et les professeurs dont j’ai pris connaissance des pensées ce soir.

 Le mobile perdu

 En d'autres termes, autant que j'ai pu lire et entendre la semaine dernière certaines choses des problèmes socio-économiques des travailleurs, des étudiants, des chômeurs, de la corruption de la totalité de l’appareil d’Etat, de la privatisation kleptomane qui fut mené derrière le dos des travailleurs de Tuzla qui ont soulevé toute la Bosnie, de tout cela il n’en reste plus aucune trace ce soir. La violence qui s’est déversée dans les rues, il y a une semaine à peine, est restée derrière nous abandonnant à l’oubli que cette violence a été la réaction à la violence qui s’exerce dans cet Etat depuis 20 ans et il est de plus signifiant que depuis que la violence est retombée les pouvoirs ont cessé de tomber.

  Aujourd’hui on ne parle plus que des plenums, mais sans la moindre critique ou ni même idée de ce que ces gens y font, les emmènent à s’y retrouver ensemble et de ce qui s’y prépare pour la suite. Et pire encore, on ne questionne ni les causes ni les résultats de toute cette révolte, mais seulement observe-t’on les conséquences psychologiques, philosophiques et encore intellectuelles des seules préoccupations des plenums.

 Je les baise qu’il en conclut que ces bâtiments du pouvoir cantonal semblent avoir été incendiés car ils ne nous ont pas donné plus tôt des plenums!

Vraisemblablement pour cette raison, il n’est venu à l’esprit de personne de lier l’activité du plenum de Sarajevo avec l’actuelle grève de la totalité des 140 travailleurs de l’hôtel Holiday pour affirmer qu’il est dans la nature de la création de ces plenums d’organiser une contestation constructive donnant suite à ce qui s’est emparé de la Bosnie la semaine précédente. Et par cette organisation d’amener les changements fondamentaux de la société pour qu’il ne soit plus possible aux propriétaires de l’hôtel de traiter 140 travailleurs comme des esclaves pendant huit mois entiers! De la même manière, il n’est venu à l’esprit de personne de lier le plenum de Mostar avec la honteuse et lâche agression de Josip Milic, président de l’Union des syndicats indépendants de Bosnie-Herzégovine. Cependant que les fascistes saisissent parfaitement et à coup de bâtons, pourquoi et qui porte la voix de cette contestation, cette leçon est plus difficilement compréhensible pour les media bosno-herzégoviens

 Qu’est-ce qu’un plenum et à quoi ça sert?

 La catharsis est essentielle aussi bien aux professeurs de littérature qu’à ceux qui prennent plaisir à ces tragédies transitoires qui se déroulent ces jours-ci en Bosnie. Que cela soit aussi une des fonction du plenum. Mais tel que les media nous ont servit du plenum, on dirait que c’est une pure idylle d’une conception libérale de la démocratie dans laquelle un peuple est venu s’extirper par lui-même de son malheur par le chemin magique des Alisées vers un monde merveilleux. Seulement il n’est pas clair par quel chemin et par quels moyens.

  On en oublie dans tout cela que le plenum est avant tout un rassemblement de citoyens non pas dans l’objectif du seul rassemblement mais pour formaliser d’autres objectifs. Il n’est pas pour ces gens un quelconque supplément de représentativité démocratique comme il n’est pas la tribune publique de leur malheurs— ce sport est largement en vogue dans les cafés et n’a pas besoin de prétexte particulier pour s’exercer.

  Ce millier qui est apparu ce soit (14 février) dans la Maison des jeunes de Sarajevo est venu pour projeter ce qu’il faut faire dans la suite: la torche s’est enflammée le vendredi précédent, les gens sont dans la rue depuis déjà huit jours, il faut maintenant à partir de cette réalité organiser un programme, un plan par lequel peuvent être atteintes les exigences (revendications) qui ont été lues ce soir.

  Les revendications sont une chose. Le chemin de leur satisfaction en est un autre, c’est le but que doivent servir les plenums: que s’organise ce peuple qui est déjà dans les rues. Et ce qui est essentiel, que l’on trouve le moyen de mobiliser les 88% des concitoyens qui soutiennent personnellement cette révolte mais qui restent de côté immobilisés par la peur ou le manque de confiance dans les possibilités de réussite, qu’ils s’y associent et que par leur manifestation et par le mouvement que ces protestations vont générer s’organise un système social qui sera réellement plus juste que celui qu’ils subissent aujourd’hui.

  Ce système social ne va pas surgir miraculeusement des plenums, mais sera organisé par l’armée qui s’assemble dans les rues et sur les places, les entreprises et les syndicats, les facultés et les écoles secondaires, et finalement dans les maisons et dans les vies de ces 88% de citoyens de la Bosnie-Herzégovine.

  Et pour en revenir au camarade Cabral du début, les gens, le peuple qui se bat pour quelque chose ne se bat jamais que pour des idées, comme cela peut nous arriver quelquefois à nous professeurs; mais toujours et dans chaque situation il se bat pour une amélioration concrète de ses propres conditions de travail et d’existence et les conditions de travail et d’existence de ses concitoyens. Et quand le prochain plenum s’ouvrira à Sarajevo, Mostar, Bihac etc. souvenez-vous de ces gens et demandez-leur ce qu’ils pensent de tout cela et pourquoi ils se sont retrouvé là. Leurs réponses vous surprendront.

 fin

 Bosnie-Herzégovine: la marche du désespoir des ouvriers de Tuzla

le 6 janvier 2015-http://balkans.courriers.info/article26284.html

 Des centaines de travailleurs des entreprises en faillite du canton de Tuzla ont effectué une longue marche jusqu’aux frontières, pour demander l’asile en Croatie. Dimanche, sous la neige, ils ont été refoulés au poste frontière d’Orašje.

 Par Rodolfo Toè

 

 Quelque 120 ouvriers de Tuzla ont tenté dimanche de quitter collectivement la Bosnie-Herzégovine, en signe de protestation contre l’inaction de la classe politique. Les travailleurs, qui appartiennent tous aux entreprises en faillites Aida, Dita, Konjuh et Livnica, avaient manifesté durant des mois pour demander au gouvernement du Canton de trouver une solution à cette situation difficile, mais les promesses des politiciens n’ont jamais été tenues.

 L’action avait été annoncée depuis des semaines. Les ouvriers ont organisé une marche de plus de 70 kilomètres, sous la neige, avec le but final de franchir la frontière et de demander l’asile en Croatie. « C’est la seule chose que nous puissions encore faire », explique le président du syndicat de l’entreprise Konjuh, Mujo Gavranović, « après avoir constaté que nos politiciens continuent à ignorer nos demandes ».

 Les manifestants ont réussi à atteindre Orašje après une marche de plusieurs jours, assistés par la Croix Rouge Internationale et par beaucoup de citoyens qui leur ont offert de l’eau et de la nourriture pendant la route. Mais la police bosnienne ne leur a pas permis de quitter le pays, en prétextant qu’ils ne disposaient pas de documents valides pour pénétrer en Croatie.

 Après des heures passées à attendre sous la neige, la colonne a décidé de faire demi-tour vers Tuzla. Une fois arrivés en ville, les ouvriers ont organisé une brève manifestation devant l’ancien bâtiment du gouvernement cantonal, qui avait été brûlé pendant la révolte populaire de février dernier. Le premier ministre du Canton, Bahrija Umihanić, a déclaré qu’il avait trouvé une solution partielle aux problèmes des travailleurs, en annonçant une aide extraordinaire de 400 KM (environ 200 euros) par personne. Les ouvriers ont toutefois rétorqué qu’ils continueront leur lutte.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
SPARTACUS
  • Information sur le mouvement des conseils ouvriers de la gauche germano-Hollandaise, ainsi que sur la lutte de classe dans le monde. voir en complément le site MONDIALISME. Pour correspondre:
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
SPARTACUS
Visiteurs
Hier 0
Depuis la création 321 419
Publicité