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28 février 2002

Volkswagen baisse les salaires à Sao Paulo

Volkswagen baisse les salaires à Sao Paulo

samedi 28 novembre 2009

Cet article est paru dans Echanges n° 100 (printemps 2002).

L’USINE d’automobiles Anchieta (Volkswagen) à Sao Bernardo do Campo, dans la grande banlieue de Sao Paulo, emploie 16 000 travailleurs produisant environ 27 000 voitures par mois. C’est la plus importante du groupe hors d’Allemagne et une des plus grandes du Brésil.

L’accord qui a été conclu à la fin de novembre 2001 entre la direction du groupe Volkswagen et les syndicats brésiliens n’est pas significatif en lui-même, car il est dans la ligne de nombreux accords conclus de par le monde dans des circonstances identiques : un marchandage pour adapter la force de travail aux impératifs capitalistes de la production. Partout, en d’autres termes, le chantage aux licenciements permet au patronat d’imposer des conditions plus draconiennes dans l’exploitation du travail, les syndicats se chargeant de les faire accepter aux travailleurs, au besoin en les présentant comme une victoire. L’accord en question mettait fin à une grève d’une semaine et avait été approuvé à mains levées lors d’un meeting final, en dépit d’oppositions de base dont il est difficile de mesurer l’ampleur. De toute façon, cette grève était terminée.

Tout avait commencé par la crise qui, depuis le début de l’année, avait entraîné, en moins d’une année, une chute de 15 % des ventes de voitures. Du coup, Volkswagen découvrait que, malgré les efforts de modernisation poursuivis durant les années écoulées, l’usine Anchieta était devenue moins productive, donc moins compétitive que les usines automobiles d’autres marques implantées plus récemment et utilisant des techniques plus modernes ainsi que, vraisemblablement, un personnel plus jeune, moins payé et plus aisément exploitable.

Aux dires de Volkswagen, les coûts de production à Anchieta étaient de 30 % plus importants que dans les usines concurrentes, ce qui pouvait aussi résulter, non d’une productivité inférieure, mais seulement d’une réduction de production due à la crise, un nombre moindre de voitures devant supporter une part plus grande des coûts fixes de production. Un autre bon prétexte avancé fut le choc économique causé par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis.

Vraie ou fausse, cette baisse de productivité fut, comme toujours, le motif avancé par la direction pour annoncer début novembre le licenciement brutal de 3 000 travailleurs de l’usine (20 % de la force de travail). Beaucoup plus vraisemblable était une des explications données par des commentateurs et pas du tout par Volkswagen sur la nécessité de délocaliser les usines de l’Etat de Sao Paulo, principale région industrielle du Brésil en raison de la trop grande combativité des travailleurs. De fait, de 1995 à 1999, cet Etat a vu 597 000 emplois transférés dans d’autres régions du Brésil, une sorte de délocalisation intérieure.

Avant la chute de la dictature, en 1985, les grèves avaient souvent un caractère mixte, revendicatif et politique : encouragées par les partis d’opposition, elles pouvaient revêtir des caractères particuliers de violence. La relative démocratisation du pays a entraîné un lent amenuisement des conflits, par l’effet conjugué d’une répression directe et du transfert des industries entraînant une augmentation du chômage (pour l’ensemble du Brésil, le nombre de grèves est passé de 2 196 en 1989 à 530
en 1999).

Le système de réglementation du travail établi en 1989 n’autorise qu’un syndicat par branche d’industrie (un syndicat ouvrier et un patronal). La confédération ouvrière CUT est proche du parti d’opposition — le Parti du travail — fondé lors de la chute de la dictature. Les cotisations syndicales sont obligatoires et il n’y a pas de liberté syndicale au sens où on peut le comprendre en France. Malgré ce pouvoir légal des syndicats, les salaires sont très bas : la moyenne mensuelle dans l’Etat de Sao Paulo est de 71 dollars, soit 100 euros (ce qui donne toute relativité aux considérations sur la productivité).

Il est certain que la chute de combativité des travailleurs peut s’expliquer non seulement par la pression économique due au chômage et les menaces de licenciement mais peut tout autant se référer aux positions de temporisation prises par le syndicat ayant conquis des positions légales et fonctionnant de plus comme annexe ouvrière d’un parti revendiquant l’accession démocratique au pouvoir. Contrairement aux grèves de la décennie précédente, la grève chez Volkswagen fut très calme et d’après maints observateurs, la position du syndicat avait changé du tout au tout par rapport à ses positions antérieures. Pour éviter des pressions de la base, l’accord qui sera plus tard plus ou moins imposé aux travailleurs fut négocié en Allemagne par le dirigeant du syndicat des métallos, au quartier général de Volkswagen, pendant deux journées. Il est évident que c’est en quelque sorte une solution à l’allemande, ce qui marque effectivement une rupture avec le syndicalisme revendicatif radical et l’engagement vers le participationnisme. Sous la pression de la situation, il est évident qu’il n’y avait guère d’autre issue : c’est la situation objective et la fonction même du syndicat qui le contraignait à suivre cette voie.

L’accord est une sorte de classique européen.
Volkswagen réintégrera les 3 000 licenciés, 1 500 seront réembauchés immédiatement, les 1 500 restants seront mis en congé payé jusqu’à la fin de janvier 2002. En même temps, des propositions de retraite volontaire devraient réduire les effectifs de 700 travailleurs. En échange de ces promesses de non licenciement, Volkswagen impose une réduction de salaire (liée à la réduction des tâches et du temps de travail) d’environ 15 %. D’autres promesses prévoient des investissements en vue de nouveaux programmes de fabrication. Faute d’accepter ce « plan social », Volkswagen aurait licencié la moitié des effectifs de l’usine, soit 8 000 travailleurs dans les deux années à venir.

Cet accord et cette nouvelle orientation du syndicat sont bien dans la ligne de l’évolution récente des syndicats, notamment en raison de leurs liens avec le parti du travail, lui-même pris dans des remous entre les radicaux et les gestionnaires du système (des accords politiques auraient même été passés en vue des élections présidentielles avec des formations politiques centristes). Cet ensemble de faits a déclenché une polémique autour d’un projet de réforme du droit du travail (dont certaines garanties figurent dans la constitution) visant à abandonner certaines dispositions jugées trop contraignantes par les capitalistes.

Lesdites propositions, en cours de discussion devant le Parlement, visent à permettre des accords patronat-syndicat dérogeant aux garanties accordées aux travailleurs par la constitution (sur les congés payés, les heures supplémentaires, le treizième mois, l’indemnisation du chômage et le temps de travail). On peut d’ailleurs se demander si ces concessions au patronat n’expriment pas la légalisation d’une situation de fait impliquant des infractions répétées aux garanties légales ; en témoignent le fait que les tribunaux
du travail ont en instance plus de trois millions de réclamations concernant de telles infractions.

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