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28 avril 2019

Articles et textes de Rosa Luxemburg sur le 1er mai

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1894 . Quelles sont les origines du 1er mai?

Texte paru dans la Sprawa Robotnicza, le  8 février 1894. Titre original : Jak powstalo Swieto Majowe.  Repris sur le site marxists.catbull.com

L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heure (1) est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.
De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.
Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les états-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1er mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1er mai 1890.
Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889 (2). A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne(3)de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1er mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.
A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1er mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1er mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1er mai devait être une institution annuelle et pérenne.
Le 1er mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1erer mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1er mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé. mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, e 1° mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1° mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.
  1. L’usage était alors une journée de travail d’au moins 10 à 12 heures par jour.
  2. Il s’agit du premier congrès de la II° internationale.
  3. Raymond Lavigne (1851- ?), militant politique et syndicaliste.

 

A propos de ce texte: C’est un des texte les plus connus de Rosa Luxemburg. Quand a-t-il été écrit et dans quel contexte? Rosa Luxemburg a 24 ans. Comme de nombreux militants de l’empire tsariste, elle s’est réfugiée en Suisse. Elle les côtoie et peut  échanger et réfléchir à la poursuite de son action politique. Elle rencontre ainsi des révolutionnaires polonais, et ils créent le Parti social-démocrate du royaume de Pologne sur des bases de classes et internationalistes en opposition au parti socialiste polonais (PPS) qui met en avant la revendication nationale. Le SDKP, puis SDKPiL (pour Lituanie) se dote d’un journal la Sprawa Robotnicza. C’est pour assurer la publication de ce journal que Rosa Luxemburg effectue des séjours à Paris. Quelques indications dans sa correspondance montrent concrètement  les relations avec l’imprimeur, avec les militants – cela parlera à tous ceux qui ont eu à réaliser un journal militant! -, sa part dans le journal et la diffusion en Pologne en particulier, diffusion clandestine et dangereuse qui s’arrrêtera avec la répression, les arrestations. C’est l’arrière-plan qu’il faut avoir à l’esprit quand on lit le texte qu’elle consacre au Ier mai. Nous ne sommes pas en présence d’un texte académique mais d’un texte de lutte, un texte qui veut mettre en avant la dimension internationaliste et de classe, un texte réalisé dans un contexte de lutte dangereux et clandestin pour sa diffusion en Pologne, un des premiers textes de Rosa Luxemburg qui témoigne de la continuité de ses choix. Quelles sont les origines du 1er mai? Un texte de lutte qui met en avant la dimension internationale et de classes (éléments biographiques et historiques). comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com


1904 . Dans la tempête.

Texte paru dans la Le Socialiste, le Numéro du 1-8 mai 1904. Repris sur le site https://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1904/05/lux_19040501.htm

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La fête de Mai de cette année tire un relief particulier de cette circonstance qu’elle est célébrée au milieu du bruit de la guerre. Par là, son caractère de démonstration en faveur de la paix du monde prend naturellement le dessus cette année. Mais plus que jamais, en présence de la guerre, la démonstration spécifique prolétarienne doit aussi être l’expression de cette idée, que la réalisation de la paix universelle ne peut être conçue que liée à la réalisation de notre but final socialiste.
Si la guerre russo-japonaise a démontré quelque chose, c’est toute la vanité des spéculations de ces socialistes « humanitaires », qui prétendent fonder la paix du monde sur le système d’équilibre de la Double et de la Triple alliance. Ces panégyristes des alliances militaires ne pouvaient assez exprimer leur enchantement de la période de trente ans de paix dans l’Europe centrale et, se basant sur ce fait, proclamaient déjà tout naturellement « la paix en marche » et « l’humanité dans la paix ». Le tonnerre des canons de Port-Arthur, qui a fait trembler convulsivement les Bourses européennes, rappelle à l’intelligible voix à ces idéologues socialistes de la société bourgeoise que, dans leurs fantaisies sur la paix européenne, ils n’avaient négligé qu’un seul facteur : la politique coloniale moderne, qui a, dès à présent, dépassé le stade des conflits européens locaux en les transportant sur le Grand Océan. La guerre russo-japonaise donne, à présente, à chacun conscience que même la guerre et la paix de l’Europe, ses destinées, ne sont plus décidées entre les quatre murs du concert européen, mais au dehors, dans la gigantesque Maelström de la politique mondiale et coloniale.
Et c’est en cela que réside la grande signification de la guerre actuelle pour la démocratie-socialiste, même abstraction faite de son effet immédiat : l’effondrement de l’absolutisme russe. Cette guerre ramène les regards du prolétariat international sur les grandes connexités politiques et économiques du monde et dissipe violemment dans nos rangs le particularisme, la mesquinerie dans les idées, qui se forment dans toute période de calme politique.
La guerre arrache complètement tous les voiles dont le monde bourgeois, ce monde de fétichisme économique, politique et social, nous enveloppe constamment.
La guerre détruit l’apparence qui fait croire à l’évolution sociale pacifique, à l’omnipotence et à l’intangibilité de la légalité bourgeoise, à l’exclusivisme national, à la stabilité des conditions politiques, à la direction consciente de la politique par ces « hommes d’Etat » ou des partis, à la portée capable d’ébranler le monde des chamailleries dans les Parlements bourgeois, au parlementarisme, comme centre prétendu de l’existence sociale.
La guerre déchaîne, en même temps que les puissances réactionnaires du monde capitaliste, les forces génératrices de révolution sociale qui fermentent en leurs profondeurs.
Eh bien, nous célébrons, cette fois, la fête de Mai sous âpre brise, l’allure fortement précipitée des événements dans le monde.
Rosa Luxemburg – Parti démocrate-socialiste de Pologne et de Lituanie

 

A propos de ce texte : La fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle a été une marche continue vers la guerre marquée par les conflits liés à la concurrence entre Etats nationaux et au colonialisme. Loin d’être la responsabilité d’un peuple, voire d’un seul Etat, en l’occurrence l’État allemand (le traité de Versailles est l’une des principales origines du fascisme avec la répression par la social-démocratie de la révolution spartakiste), elle est due au développement de l’impérialisme et au ralliement de la lIème internationale. Rosa Luxemburg a accompagné chaque pas vers le conflit mondial de ses analyses et de son action. Le texte suivant a été écrit pour le conflit russo-japonais. Rosa Luxemburg utilise le 1er mai pour tenter de mobiliser et affirme que la réalisation de la paix ne peut venir que d’une révolution socialiste (au sens de l’époque).  Rosa Luxemburg, 1er mai 1904. “La fête de Mai de cette année tire un relief particulier de cette circonstance qu’elle est célébrée au milieu du bruit de la guerre” comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

1907 . La fête du 1er mai

Texte paru dans la Gleichheit, 17e année, Nr 9, Page 71. Traduction Dominique Villaeys-Poirré, 1er mai 2015

Le 1er mai. Rosa Luxemburg.  Die Gleichheit, 17e année, Nr 9, P 71 1907
Le 1er mai est un élément historique et vivant du combat international des prolétaires et reflète de ce fait fidèlement tous les moments de ce combat depuis près de 20 ans. Vu de l’extérieur, c’est la répétition monotone des mêmes discours et articles, des même revendications et résolutions. C’est pourquoi, ceux dont le regard ne reste qu’à la surface figée des choses et ne perçoivent pas le devenir imperceptible interne des situations, pensent que le 1er mai a perdu son sens du fait de cette répétition, qu’il est pratiquement devenu « une manifestation vide de sens ». C’est seulement derrière cette apparence extérieurement semblable que bat le pouls divers du combat prolétaire, le 1er mai vit avec le mouvement ouvrier et change en fonction de lui, reflète dans ses propres contenus, sa propre atmosphère, ses propres tensions, les situations changeantes du combat de classe.
La fête du 1er mai a connu trois grandes phases dans son histoire. Les premières années, alors qu’elle devait se frayer un chemin, elle a été accueillie par les prolétariats de tous les pays avec beaucoup d’espoir et d’enthousiasme. La classe ouvrière intégrait une nouvelle arme dans son équipement et les premiers essais pour utiliser cette arme ont galvanisé le sentiment de force et l’ardeur à combattre de millions d’exploités et d’opprimés. De son côté la bourgeoisie de tous les pays l’accueillait avec la plus grande des peurs et la plus profonde haine. La pensée de la manifestation internationale socialiste lui apparaissait comme le spectre de l’ancienne Internationale tant haïe, la décision d’une fête commune de tous les travailleurs du monde comme le glas de la domination bourgeoise. D’où les tentatives ridicules des première années de réprimer le danger du 1er mai par la violence policière et militaire. A la tète de cette colonne armée de la bourgeoisie effrayée, se précipita la « république libre » française, et seulement après elle l’absolutisme tsariste. Le sang prolétarien pour un premier mai coula d’abord à Fourmies en 1891, suivit en 1892 une répression sanglante à Lodz en 1892.
Mais bientôt les classes dirigeantes se calmèrent et reconnurent le caractère purement démonstratif du 1er mai. D’autre part s’installait une longue période de combat essentiellement parlementaire et la construction tranquille des organisations politiques et syndicales. L’année de naissance du 1er mai apporta en Allemagne la fin des « Lois contre les socialistes », en 1893, le prolétariat de Belgique et en 1896 celui d’Autriche entrèrent au parlement. Les années 90 représentèrent une période de travail syndical acharné et de montée irrésistible de la représentation de la classe ouvrière au parlement. Face au combat pour le représentation des travailleurs dans les parlements, les manifestations des travailleurs eux mêmes reculèrent dans l’ombre, de même que, face à l’action positive et la construction des partis ouvriers dans chaque pays, l’idée de communauté internationale du prolétariat. Le 1er mai devient peu à peu une fête pacifique que la société bourgeoise regarde avec une certaine sérénité.
Dans les dernières années, on constate une évolution sensible de la situation de la classe ouvrière. Un fort vent souffle de nouveau sur le champ des luttes. A l’est, la grande révolution russe. En Allemagne une aggravation et une exacerbation du combat politique et économique : une du prolétariat dans l’industrie et une union de tous les partis bourgeois pour exclure la classe ouvrière du parlement. En France, une croisade brutale du gouvernement « radical » contre les syndicats et une série de combats désespérés pour les salaires. Exaspéré par la progression puissante des organisations prolétariennes de ces 15 dernières  années, effrayé par la révolution russe, le capitalisme international devient nerveux, servile, agressif.
Et de ce fait commence pour la fête du 1er mai une nouvelle phase. A partir de l’idée de la possibilité d’une manifestation directe de la masse des prolétaires qui la caractérise, – la seule action politique directe en dehors des élections – elle se sent investie de nouveaux contenus, d’un nouvel esprit, dans la mesure où l’exacerbation des combats de classe place les masses prolétaires de nouveau de plus en plus au premier rang . Plus la réaction, la violence de la bourgeoisie dans les domaines politiques, économiques dispute aux intérêts prolétariens chaque pouce de terrain, plus s’approchent les temps où les masses prendront leur sort en mains, où elles devront en personne combattre pour les intérêts de leur libération de classe. Se préparer à ces temps inévitables à court ou long terme, s’armer pour ces temps de la conscience de ses propres devoirs et de sa propre puissance, c’est actuellement la tâche du prolétariat et pour cela la fête du 1er mai en tant que manifestation directe des masses constitue un moyen pour arriver à cela. En Allemagne, la réponse à l’échec parlementaire de la social-démocratie doit être une fête du 1er mai imposante. La masse des travailleurs doit répondre à la masse unie réactionnaire de la bourgeoisie : vous voulez chasser nos représentants par votre législation, vous voyez que nous sommes nous-mêmes plus décidés, plus unis, plus combattifs.
Un autre élément du 1er mai vient au premier plan avec une force renouvelée: l’internationalisme de la cause ouvrière. Tant que le combat de classe jouit dans chaque pays d’un minimum d’apparence de liberté démocratique, le prolétariat est dominé par les caractéristiques de celui-ci et par les divisions nationales. Cependant, dès que la violence fondamentale du combat de classe monte des profondeurs de la société capitaliste vers la surface, dès que le combat atteint les limites de l’affrontement des masses avec les puissances dominantes, l’idée d’un prolétariat mondial unique et indivisible renaît avec une force accrue. Les préparatifs de la bourgeoisie pour le 1er mai rappelle dans tous les pays rappelle cette année au prolétariat que le combat pour la libération est le même dans tous les pays. Aujourd’hui, à la tête de l’armée des travailleurs de tous les pays se tient le prolétariat russe, le prolétariat de l’empire de la révolution. Et les combats de ce prolétariat, ses expériences, ses problèmes constituent une école où apprendre pour nos prochaines batailles.
Ainsi va cette année le 1er mai, animé par un nouveau souffle puissant, de nouveau, comme à ses débuts, accueilli par la haine et la peur de la bourgeoisie et par l’enthousiasme et la volonté de se battre des masses prolétaires. Dès le début, manifestation pour la journée de huit heures et pour la paix mondiale, elle prend peu à peu la forme d’une révolution prolétarienne. Le 1er mai ne va pas vers son déclin, mais vers un essor inouï, car il sera porté et emporté par le même orage qui gronde à la surface de la société bourgeoise et qui nous conduira au travers des combats les plus intenses, jusqu’aux victoires finales.

 

A  propos de ce texte : Tout au long de sa vie, Rosa Luxemburg a accordé la plus grande des attentions au 1er mai. A plusieurs reprises, elle s’est battue pour son maintien. Ainsi dans les années 1907 à 1911. En effet, les textes de cette période s’inscrivent dans une discussion visant, en particulier au sein du parti ouvrier allemand, à la suppression de cette journée de lutte: ceci était proposé essentiellement par le mouvement syndical et l’aile réformiste du parti social-démocrate. Au contraire, Rosa Luxemburg, vient de vivre la révolution russe de 1905, elle a écrit son livre majeur sur la grève de masse et met en évidence l’importance de chaque initiative des prolétaires dans le processus révolutionnaire face à la dépossession de ces luttes par ceux qui prétendent le représenter. Elle voit dans la fête du 1er mai une manifestation importante en tant qu’elle est l’une des seules manifestations directes des masses et multipliera les articles, textes pour la défendre.

 

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