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23 mars 2023

G.BAD-LE CAPITAL FICTIF,L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE,LE CAPITAL FIXE, LE SERPENT SE MORD LA QUEUE.

 

au_dela_du_salariat

G.BAD-LE CAPITAL FICTIF,L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE,LE CAPITAL FIXE, LE SERPENT SE MORD LA QUEUE.

 Voila un sujet qui va faire couler beaucoup d' encre, en effet si jusqu'à présent l'outil était dans le prolongement de la main et la je pense aux premiers tailleurs et sculpteurs de pierre qui nous ont laissé leurs œuvres il y a plus de 3000 ans avant JC. Depuis, l'instrument de travail ne cessera de se perfectionner pour aboutir au système de la machinerie.

 L' émergence du système des machines ou machinerie.

 Voici ci dessous ce que Marx explique en mettant l' accent sur le fait que la valeur d' usage et sa nature physique vont muter de capital variable à capital fixe. Aussi cette évolution fait que la domination du capital qui n' était que formelle devient réelle.

 « Étant ainsi accueilli dans le procès de production du capital, l'instrument de travail subit encore de nombreuses métamorphoses, dont l'ultime est la machine, ou mieux le système automatique des machines, mû par un automate qui est la force motrice se mettant elle-même en mouvement. (Le système de la machinerie : ce n' est qu'en devenant automatique que la machinerie trouve sa forme la plus achevée et la plus adéquate, et qu' elle se transforme en système) (312).

Cet automate se compose de nombreux organes mécaniques et intellectuels, ce qui détermine les ouvriers à n' en être plus que des accessoires conscients.

Dans la machine - et davantage encore dans le système de la machinerie automatique- le moyen de travail est transformé, jusque dans sa valeur d'usage et sa nature physique, en un mode d' existence correspondant au capital fixe et au capital en général. La forme revêtue par l' instrument de travail immédiat, au moment où il a été recueilli dans le procès de production capitaliste, est abolie elle est désormais conforme au capital lui-même, et son produit. La machine n' a plus rien de commun avec l' instrument du travailleur individuel . Elle se distingue tout à fait de l' outil qui transmet l' activité du travailleur à l'objet. En effet, l'activité se manifeste bien plutôt comme le seul fait de la machine,l'ouvrier surveillant l' action transmise par la machine aux matières premières et la protégeant contre les dérèglements. » (Marx « Grundrisse » 3, Chapitre du Capital ,ed.10/18, p.326)

 Aussi la grande révolution industrielle va t' elle par strates successives et dans de nombreux secteurs remplacer la force physique des hommes par celle des machines. A partir de ce moment il sera possible de faire travailler femmes et enfants1. Le « système des machines » va se perfectionner en permanence donnant naissance à des types d' exploitation de plus en plus productif sous le nom de taylorisme, fordisme, toyotisme...2tous dans le prolongement de la main. Puis va poindre une nouvelle invention , l' ordinateur, un grand calculateur qui ne semblait pas véritablement dangereux, il était même devenu la cible première des grévistes en cas d'occupation des locaux. Il faudra attendre la dite révolution informatique des années 1970 pour que la micro-informatique vienne bouleverser le travail du tertiaire et apparaître comme une machinerie dans le prolongement du cerveau humain.

 L'intelligence artificielle (IA) ou le cerveau humain assisté par ordinateur.

 Il s' agit maintenant d'un outil dans le prolongement du cerveau humain, nous pouvons certainement trouver des traces historiques de cette volonté humaine de suppléer aux limites du cerveau. Par exemple l' écriture fut à ce niveau une tentative de mémoriser l'histoire. Puis l'économie se développant l'homme se devait de tenir une comptabilité d’où des systèmes de calculs qui au final vont donner la calculette et les ordinateurs (les premiers assistants du cerveau humain). Dés lors ce n' est plus seulement la classe prolétaire qui va se trouver potentiellement hors jeu, mais une grande partie du secteur tertiaire et de travailleurs indépendants...Ce que l'on appelle la classe moyenne.

Le monde du précariat et des surnuméraires allait dorénavant s'étendre à ces classes moyennes comme nous le verrons plus loin. A ce stade il semble qu'il ne sera plus possible au capitalisme de trouver une porte de sortie productiviste, le serpent se mort la queue les forces productives ne sont plus que des forces destructives (les guerres comme débouché) . Sur ce point nous sommes d' accord avec N Trenkle qui fait cette distinction.

« Cette crise se distingue de toutes les grandes crises capitalistes précédentes en ce qu’elle ne peut, cette fois, être surmontée par une expansion accélérée de la base industrielle : le niveau de productivité actuel, qui continue d’augmenter constamment, fait que même l’ouverture de nouveaux secteurs de production (téléviseurs à écran plat, téléphones mobiles etc.) ne crée aucun besoin supplémentaire de force de travail, mais permet tout au plus de freiner quelque peu l’expulsion massive du travail vivant hors de la production. » (Norbert Trenkle, Le travail à l' ère du capital fictif.)

 C' est ce que le premier State Of The World Forum,constatera en 1995. Sa conclusion était que 80% des producteurs n'était plus nécessaire pour faire tourner l' économie monde , Z. Brzezinski à San Francisco.3 et son tititainement.

 Ce n'est certes pas une nouveauté de constater que la machinerie exclue la force de travail des usines. Dés le début de son œuvre critique du capitalisme Marx se prononce pour dire que la machinerie est l' ennemi de la classe ouvrière. Alors que durant toute la période de la manufacture le travailleur se trouve sous la domination formelle du capital, avec l' ère de la grande industrie, il va subir la domination réelle de celui-ci. De ce fait il va voir sa force de travail qui n' est qu'une marchandise se dévaloriser car en concurrence permanente avec la machinerie, l' homme n' est plus rien il n' est plus que la carcasse du temps écrira Marx. A ce stade il déclare :

« Le travail ne semble plus vraiment faire partie du processus de production ; au contraire, l'être humain devient davantage un surveillant et un régulateur de ce processus. (…) Il se retire du processus de production au lieu d'en être l'acteur principal. Dans cette transformation, ce n'est ni le travail humain direct qu'il réalise lui-même, ni le temps pendant lequel il travaille, mais plutôt l'appropriation de son propre pouvoir productif en général, sa compréhension de la nature et de sa maîtrise par lui-même comme un ensemble social – c'est, en un mot, le développement de l'individu social qui apparaît alors comme la pierre angulaire de la production et de la richesse. Le vol du temps de travail de l'autre, sur quoi la richesse actuelle est basée, apparaît comme une base misérable comparée à cette nouvelle fondation, crée par la grande industrie elle-même. (Marx « Grundrisse » 3, Chapitre du Capital ,ed.10/18, p.342)

Le temps de travail ne servirait plus à mesurer la richesse, et la production de richesse ne serait plus créée en premier lieu par le travail humain direct, le processus de production dominé par le travail vivant s'effondre et le travail mort le remplace :

 « L'accumulation du savoir, de l'habileté ainsi que toutes les forces productives générales du cerveau social sont alors absorbées dans le capital qui s'oppose au travail : elles apparaissent désormais comme une propriété du capital, ou plus exactement du capital fixe, dans la mesure où il entre dans le procès de travail comme un moyen de production effectif. La machinerie apparaît donc comme la forme la plus adéquate du capital fixe... » Grundrisse

 Ce qui veut dire que la part du travail humain qui se cristallisait dans la production d' objets devient de plus en plus petite voir inexistante,de plus en plus d' entreprises sont entièrement non seulement automatisées mais incluses dans une globalité mondiale ( exemple l'entreprise Lego). A ce stade le capitalisme est face à lui même et ne peut valoriser son capital qu'en détruisant ses concurrents, la dite course aux parts de marché.

 « Dès lors que le travail sous sa forme immédiate a cessé d’être la grande source de la richesse, le temps de travail cesse et doit nécessairement cesser d’être sa mesure et, par suite, la valeur d’échange d’être la mesure de la valeur d’usage. Le surtravail de la masse a cessé d’être la condition du développement de la richesse générale, de même que le non-travail de quelques-uns a cessé d’être la condition du développement des puissances universelles du cerveau humain.

Cela signifie l’écroulement de la production reposant sur la valeur d’échange, et le processus de production matériel immédiat perd lui-même la forme de la pénurie et de la contradiction. C’est le libre développement des individualités, où l’on ne réduit donc pas le temps de travail nécessaire pour poser du surtravail, mais où l’on réduit le travail nécessaire de la société jusqu’à un minimum, à quoi correspond la formation artistique, scientifique, etc., des individus grâce au temps libéré et aux moyens créés pour eux tous.(Grundrisse, Fragment sur les machines Karl Marx,  Manuscrits de 1857-1858 (« Grundrisse ») Les Éditions sociales, Paris, 2011, p. 660-662 Traduction de Jean-Pierre Lefebvre (modifiée)

Depuis la parution des « Adieux au prolétariat » d' André Gorz de nombreux débats se font autour de la loi de la valeur et de la disparition à court et moyen terme du prolétariat. Cependant force est de constater que depuis Marx, la classe prolétarienne n' a cessée de se développer. Actuellement la classe prolétarienne est en expansion relative dans le monde. Mais son amenuisement et sa disparition en tant que classe productrice de valeur d' échange (marchandises et services) est inscrite sur les tables de la loi du capitalisme et l' IA qui est notre sujet n' est qu'un clou de plus au cercueil du prolétariat et du capitalisme qui sans extraction de plus-value cesse d' être du capital.

 Comme le soulignait la Gazette des mines, en 2015, tant au niveau du capital global qu' au niveau de la France, il n'est pas constaté une chute du salariat.

 « Le travail “à la tâche” est aujourd’hui de plus en plus visible :livraison, prestations intellectuelles, services à la personne, etc. L’essor des plateformes, dont la plupart font appel au travail non-salarié, conduit d’ailleurs certains à parler d’ ubérisation de l’économie. Pourtant, le salariat est loin de disparaître. Il n’a même presque jamais été aussi majoritaire : il représentait 6 % de l’emploi total en 1900, 65 % en 1950, 85 % en 1989 et 89,65 % au 31 décembre 2015. Durant les vingt-cinq dernières années, la proportion des non-salariés dans l’emploi total n’a pas évolué de manière significative, même si, après 2009, on peut observer un très léger regain (8,79 % de l’emploi total, point bas historique, en 2001, contre 10,35 % en 2015) . Si on considère les pourcentages par secteurs d’activité, on observe que ce faible mouvement est essentiellement lié à la contribution du secteur tertiaire à l’emploi non-salarié : 5,30 % de l’emploi total en 2001, 7,11 % en 2015. » (La Gazette des mines N°94-Novembre 2017)

 Voyons si depuis 2015 la part des non salariés et auto-entrepreneurs se développe, selon

L 'observatoire des auto-entrepreneurs

« Les statistiques de l’INSEE en ce début d’année montrent l’intérêt toujours croissant des créateurs pour ce régime, caractérisé par sa simplicité et son accessibilité. Les chiffres, arrêtés à la fin du 2e trimestre 2022, montrent tous les indicateurs au vert, et à l’échelle de toute la France métropolitaine. Si nombre d’entre vous dégagent de leur entreprise un revenu modeste, en baisse d’après notre sondage de fin d'année 2022, la croissance du chiffre d’affaires moyen des microentreprises grimpe pourtant, d’après l’INSEE, à un niveau encore jamais atteint dans l’histoire du régime ! » 

Ces 2,5 millions de microentrepreneurs actifs recensés par l’INSEE fin juin 2022 représentent sur un an :

  • 12,2 % d’entreprises actives supplémentaires (272 000) ;

  • 692 000 immatriculations.

  • Immatriculations en hausse

Le nombre de nouvelles immatriculations représente 34,1 % de plus qu’à la même période en 2019, avant la crise sanitaire de la Covid-19. 

Même si cette croissance est ralentie de 4,4 % par comparaison avec l’année précédente, marquée par le fort rebond engendré par la sortie de la crise sanitaire. 

Si l'on en juge par l' INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2424696

 

stats



Note : pour chaque année, l'emploi est mesuré en fin d'année, c'est-à-dire lors de la dernière semaine de décembre.

  • Lecture : fin 2021, 26 583 500 personnes occupent un emploi salarié et 3 282 100 personnes occupent un emploi non salarié.

  • Champ : France hors Mayotte, au lieu de travail ; données brutes.

  • Source : Insee, estimations d'emploi.

Nous voyons, rien qu' avec le tableau ci dessus que la fin du salariat n' est pas pour demain, mais ce qui change c' est la nature des emplois,la démultiplication des contrats de travail en CDI précaires comme le zéro heure.

Les branches économiques qui seront touchées par l' IA.

 Jusqu’à présent le capitalisme a surmonté ses crises par des « destruction créatrice » et les pertes d'emplois ont été tant bien que mal compensées par la création de nouveaux métiers. Les « dégâts du progrès »4 se sont de ce fait limités à la composition organique des emplois, par exemple dans les assurances, les services archives, central dactylos5 et mécanographique ont disparu après avoir généré des grèves importantes. De nouveaux métiers sont venus compensés ces disparitions d' emplois, alors que le rapport Nora Minc (dec 1977) sur l'informatisation de la société prévoyait une baisse des effectifs de 30% , des années après les effectifs dans les assurances sont restés stables, seules les banques accusent un repli.

  "Avec la télématique, le secteur des services va connaître dans les années à venir un saut de productivité comparable à celui qu'on vécu depuis vingt ans l' agriculture et l'industrie" (Rapport Nora Minc,Mai 1978,page 35)

 Si nous nous référons à l'observatoire des emplois de la banque et celui de l' assurance, seuls les organismes financiers ont depuis 2007 amorcés une chute des effectifs. Voir le tableau ci-dessous :

 

Evolution des effectifs Banques Assurances 1980 -2020

Année

Assurances

Banques

Année

Assurances

Banques

1980

140 000

427 000

2005

143 700

 

1985

155 000

462 000

2010

147 500

371 400

1990

160 000

461 000

2015

147 100

371 600

1995

156 000

446 000

2020

149 100

354 000

2000

 

354 000

2021

153 000

 

Les effectifs de la Banque de France ont été réduits de plus de 12% sur les dix dernières années. En 2005, elle comptait près de 14.000 salariés.(avec AFP)

 

 

Le tableau révèle une baisse nette des effectifs dans les banques de 118 000 salarié depuis 1985, dans les assurances les effectifs restent stables sur la même période. Ce qui a changé c'est la structure des emplois dans les assurances et la banque, tous les emplois de petites catégories ont été supprimés ou externalisés, la proportion de cadres est devenue majoritaire. Confrontées aux taux bas qui rognent leurs marges, à l'émergence de nouveaux acteurs, à l'essor du numérique et à la pression réglementaire, plusieurs banques se restructurent, dont Société Générale, Natixis ou HSBC France.La fusion (interne au groupe Société Générale) entre les réseaux Société Générale et Crédit du Nord va se solder par la suppression de 600 agences. Et les syndicats redoutent jusqu'à 5.000 suppressions de postes à horizon 2025.

 Les banques étrangères ne sont pas en reste.

 En Allemagne, entre fin 2010 et 2019 , le plus important secteur bancaire de l' UE a perdu

78,500 emplois (657.100 en 2010 contre 578,596 en 2019) selon la Fédération bancaire européenne (EBF)

Aux Pays-Bas, c'est plus de 61.000 emplois qui seront supprimés entre 2010 et 2019, soit près d'un sur deux.

En Espagne Le contexte est aussi très perturbé en Espagne où se multiplient les fusions entre banques, mais aussi les suppressions de postes. Dans ce pays touché de plein fouet par les deux crises de 2007 et 2011, la réduction a été de 90.268 emplois, faisant tomber l'effectif total à 173.447 personnes à fin 2019.

En Italie, Selon ces mêmes données, celle-ci a perdu 38.730 emplois sur la période.

Dans les assurances

Les effectifs du secteur ont crû d'un peu plus de 2 % entre 2020 et 2021, à 153.000 salariés, malgré l'augmentation du nombre de départs sur la période.

Le CDI est devenu lui même un contrat précaire.

Comme nous l' avions mentionné dans Salariat et contractants de « la nouvelle économie ».

du 17 août 2020, le Contrat à Durée Indéterminé CDI est devenu lui même un contrat précaire. Actuellement 40% des CDI durent moins d'une année, c' est de plus en plus l' exploitation flexible, sans temps mort, voir à la tâche. Les jeunes de 15-25 ans, vivent directement les mutations en cours : ils ne sont plus que 45 % à avoir un CDI, alors qu’ils étaient plus de 77 % dans les années 1980. Ils enchaînent les petits jobs précaires moins de trois mois en CDD ou intérim qui représentent actuellement neuf embauches sur dix.

L’INSEE confirme d’ailleurs que le taux de conversion de CDD en CDI est passé de 62 % en 1982 à 25 % en 2011 : alors qu’en 1982, plus d’un salarié en CDD sur deux se voyait proposer une embauche en CDI, ils n'étaient plus qu’un sur cinq en 2011.

La part des travailleurs CDI à temps partiel a également progressé . En 2015, 18,8 % des travailleurs sont à temps partiel alors qu’ils n’étaient qu’à peine 8 % en 1975. Même si le CDI est toujours prédominant, celui-ci prend de plus en plus un virage de contrat précaire ; CDD d’usage, CDD senior, CDI intermittent, portage salarial, groupements d’employeurs, temps partagé, prêt de personnel, détachement de salariés…via le travail à la petite semaine et le fameux Zéro heure, et le développement de la pluriactivité pour survivre..

La pluriactivité se développe.

Selon les statistiques de la (DARES) le nombre de travailleurs qui déclarent travailler pour plusieurs employeurs ou exercent plusieurs professions était de 1,4 million en 2014. Parmi eux, 1,2 million sont salariés dans leur profession principale et 200 000 se déclarent pluriactifs en exerçant une activité non-salariée à titre principal. Cette pluriactivité est majoritaire chez les temps partiels.

L' embauche exclusivement à temps partiel, contraint les salariés à se trouver un job complémentaire pour avoir de quoi vivre. Le secteur de l' agriculture et ses emplois saisonniers, comptait fin 2018, 43 000 travailleurs à temps partiel pluriactifs.

La précarité et la loi El Khomri dite loi travail.

Un important mouvement social contre la loi Travail, va se manifester en mars 2016 contre la dite loi El Khomry du nom de la ministre du travail. Cette loi va malgré de nombreuses manifestations6 passer en force. Elle sera adoptée le 21 juillet, après que Manuel Valls Premier ministre, ait eu recours pour la troisième fois, à l' article 49,3 de la Constitution, il permet l' adoption d'une loi sans vote parlementaire. Cette loi qui précarise les contrats de travail a été publiée au Journal Officiel le 9 août 2016.

L' adoption en force de la loi travail, engendre une scission parmi les socialistes, une partie qui sera qualifiée de « frondeurs », s'oppose à cette loi .

Les Républicains et l'UDI déposent une motion de censure, rejetée. Quand aux "frondeurs"ils ne parviendront pas à déposer leur propre motion de censure, ne réunissant que 56 signatures sur les 58 nécessaires. La loi El Khomri sera définitivement adoptée le 20 juillet 2016.

Les actions dorénavant se poursuivront pour le retrait de la loi travail 7, nous assistons au même scénario aujourd'hui avec la loi pour la retraite à 64 ans.

La loi Travail, fait suite aux directives européennes, qui veulent une dérégulation du monde du travail, une désinflation salariale. La loi El Khomri,va soulager les entreprises de leurs charges fiscales, fera chuter le coût du travail (diminution du paiement des heures supplémentaires et du travail nocturne et réduction du coût des licenciements). Cette offensive du capital se poursuit actuellement avec la retraite à 64 ans.

DE LA LOI EL KHOMRI AU RAPPORT BADINTER VIA LES ORDONNANCES MACRON ET LA LOI SUR LE TÉLÉTRAVAIL

Destruction créatrice : l’IA va-t-elle créer de l’emploi ?

De nombreuses interrogations font débat sur ce sujet, bien qu'il soit évident que l' IA va créer des emplois la question est bien plutôt de savoir si elle va en créer plus qu' elle ne va en détruire.

Selon les experts d'Accenture et McKynsey, l'IA va engendrer une création massive de nouveaux métiers. Ceci étant ces nouveaux métier se payent, un ingénieur en intelligence artificielle8 peut prétendre toucher un salaire mensuel brut de 3300 euros à 4200 euros en début de carrière. Il est peu probable que les prévisions d'embauche du World Economic Forum se réalisent selon un rapport , l'IA serait créatrice de 97 millions d' emplois d'ici 2025. Il ne faut pas perdre de vue que les nouvelles technologies agissent principalement dans la sphère de circulation du capital, celle de sa dévalorisation et de ses faux frais, que l' IA pense pouvoir réduire.

Selon Pascal Bianchi de Télécom Paristech, «  l’IA est une lame de fond qui provoque une mutation très profonde des métiers et des compétences » . Tous les secteurs auront besoin de spécialistes de l’intelligence artificielle : transport, santé, énergie, banques, assurances…Seulement il y a un nouveau concurrent qui fait son apparition, le consommateur.

Le travail du consommateur ou économie collaborative.

Dans une brochure « la sphère de circulation du capital » publié en l' an deux mille nous avons mis en garde d'une tendance nouvelle qui devrait s' accentuer avec les nouvelles technologies.

 « La société self service à le pouvoir de déguiser la soumission, l’exploitation et même la servitude en liberté. Le libre-service, ce système a, à première vue, un immense avantage, il supprime les domestiques ( illustration le poinçonneur des lilas). Plus besoin de serveurs, de vendeurs, de contrôleurs. Le problème ( sans charges sociales) est reporté sur le consommateur qui devient un domestique, « libre » et « payant » qui va effectuer un travail gratuit  et même qu’il devra payer pour ce travail les accès au Minitel, internet.... Nous devenons des serveurs, des vendeurs, des banquiers, des assureurs, des pompistes, des poinçonneurs, des téléphonistes, des portiers, des assembleurs Kilt, des hôteliers...plus le travail devient simple, plus il est possible de l’externaliser sur l’utilisateur. »

Dans le même temps Marie-Anne-Dujarier élaborait sa thése sur le « travail du consommateur » puis son livre du même nom en  2014.

« Nous assistons à l'essor d'une deuxième configuration de coproduction. Il s'agit d’un modèle collaboratif dans lequel l'entreprise procède à une captation d'activités à valeur ajoutée, que

le consommateur consent, éventuellement avec enthousiasme, à fournir gratuitement. Il travaille ici volontairement et bénévolement à créer de la valeur pour l'entreprise en lui offrant des informations,comportements, inventions, productions personnelles et même des œuvres. Ici, hors cas de captation extorquée, le consommateur coproduit pour vivre l'expérience du travail comme occasion de développement pratique, social et subjectif.

Les technologies numériques et en réseau ont permis l'invention et la mise en œuvre du « crowdsourcing ». Ce néologisme inspiré de « outsourcing » (la sous-traitance) signifie littéralement « approvisionnement par la foule ». Le procédé a été ainsi baptisé par Jeff owe en 2006 dans la revue californienne Wired [20]. Alors que le premier modèle de coproduction consistait à «repousser » vers le consommateur des tâches standardisées et répétitives, le crowdsourcing,à l'inverse, consiste à « aspirer » dans la foule de consommateurs des informations et productions à forte valeur ajoutée. Comme le précise J. Howe, cette « main-d’œuvre » non rémunérée (ou très modestement) coûte moins cher que le moins bien payé des salariés,« qu’il soit indien ou chinois ». Les talents servent à inventer des biens, tester des idées d'entreprises ou de produits, faire de la recherche ou créer des bases d'images libres de droits…Nous connaissions déjà ce type de coproduction avec les « biens conviviaux » traditionnels. Pour certains loisirs (vacances en groupe, clubs thématiques.…), comme dans l'usage des transports publics,typiquement, les consommateurs contribuent à produire le service qu'ils achètent. Ce modèle de coproduction connaît un développement exponentiel depuis qu'il est soutenu et organisé par les technologies en réseau et le marketing collaboratif. Il est émergent et encore tout à fait instable. Tentons néanmoins d’en examiner la forme organisationnelle et sociale. (P 87-88 Dujarier)

Afin de poursuivre le débat sur ce nouveau type d'exploitation, il faut absolument lire le livre de Marie Anne Dujarier.

 

En conclusion : Nous ne partons pas de rien sur le plan tant théorique que pratique. Des 1981 Loren Goldner dans son Précis d'analyse marxiste du mode de production va s' en prendre au marxisme ricardien, il expliquera comment lire et étudier le Kapital. Nous avons aussi tout le monumental travail de Lewis Mumford sur le développement de la machinerie à mettre en rapport avec les nouvelles technologies aujourd'hui. Toute l' étude de Chris Harman « Une histoire populaire de l' humanité » une base solide pour le matérialisme dialectique. Voir l' apport de joao Bernardo sur le prolétariat « Classe ouvrière…ou travailleurs fragmentés ? »  « Transnationalisation du capital et fragmentation du prolétariat (chapitre 1) ». Le monumental travail de Moishe Postone « Temps de travail et domination sociale ».

Aussi celui de Anne Marie Dujarier sur le travail du consommateur, c'est à dire le travail gratuit. Celui de Tom Thomas, bien qu'il reste attaché au « marxisme léninisme maoiste ». Nous avons un nouveau venu le groupe Orage très perspicace dans ses études, mais que nous critiquons par ailleurs. Pour le moment nous continuons à considérer que le capitalisme se trouve dans la situation ou chaque progrès technique appliqué dans une branche d'industrie, visant à augmenter la plus-value relative a pour conséquences de dévaloriser toute une partie de capital fixe rendu de facto obsolète, c'est à cela que nous assistons à grande échelle actuellement avec le « capitalisme dit de plateforme et l'IA ». Celui-ci se présente comme un sauveur qui est en mesure de liquider les faux frais du capital en s' attaquant à la sphère de circulation, celle de la dévalorisation permanente du capital.

Gérard Bad Marx 2023

NOTES

1Voir le livre premier du Kapital ed. De Moscou, p.38 , l' appropriation des forces de travail supplémentaires. Le travail des femmes et des enfants.

2Actuellement certains parlent de Teslisme.Modèle organisation industrielle inspiré par l’organisation mise en place par Elon Musk au sein de l’entreprise Tesla, caractérisé par une forte hybridation entre le monde numérique et le monde industriel.

 

3Du 27 septembre au 1er octobre 1995 , à l'hôtel Fairmont de San Francisco se tient le premier State Of The World Forum, l'objectif de la rencontre étant de déterminer l'état du monde, de suggérer des objectifs désirables, proposer des principes d'activité pour les atteindre et d'établir des politiques globales .

4En référence au livre de la CFDT « les dégâts du progrès » éditions Points, à l' époque où la CFDT avait des velléités révolutionnaires

5-L’année 1975: la grève des dactylos des AGP

En novembre 1975,la Compagnie d'assurance "les AGP" est aux prises avec une importante grève des dactylos qui va durer plus de six semaines. Un comité de grève très actif édite jour après jour une feuille sur les événements qui portait le titre de "En Lutte". Après 5 semaines de grève, les employés des AGP se voient donner pour toute réponse l'intervention des CRS. Ceux ci envahissent l'entreprise, immédiatement, de nombreux employés descendent dans le hall pour manifester leur soutien aux grévistes. Très rapidement une manifestation s'organise à laquelle se joignent des travailleurs d'autres compagnies. Le lendemain la Direction se déclare prête à recevoir les grévistes. Le jeudi 15 novembre 1975 comme prévu la réunion va se tenir, comme elle traîne en longueur, les grévistes pénètrent en force dans la salle et une bagarre éclate à coups de pieds et de poings avec la direction et ses chiens de garde. Le lendemain la police occupe de nouveau l'entreprise et chasse tout le personnel (gréviste et non gréviste). Spontanément une nouvelle manifestation est organisée dans tout le quartier pour protester contre l'intervention policière et le Look out.

Le 17 novembre,  5000 personnes sont dans la rue et tout au long de la semaine des actions diverses seront entreprises.

 6A partir du début mars 2016, les syndicats organisent plusieurs journées d'action nationales. Ainsi le 9 mars à Paris et dans les grandes villes entre 224 000 personnes selon la police et 500 000 personnes selon les organisateurs défilent contre le projet de loi Travail. La mobilisation culmine le 31 mars 2016 : de 390 000 à 1,2 million de personnes manifestent dans toute la France.

7Plusieurs journées d'action nationales seront organisées pour obtenir le retrait du projet de loi. Le 26 mai 2016, 153 000 à 500 000 manifestants défilent, le 14 juin de 125 000 à 1,3 million et le 28 juin de 64 000 à 200 000. Un mouvement de grève débute également à partir du 19 mai 2016, touchant en particulier les raffineries et les dépôts de carburants qui sont bloqués pendant dix-huit jours. Les incidents violents se multiplient par ailleurs en marge des manifestations : des individus s'en prennent, parfois très violemment, aux forces de l'ordre.

8En 2018, Airbus a recruté 250 personnes dans les métiers du digital dont des rôles d’ingénieurs en intelligence artificielle ou d’experts en Machine Learning. La digitalisation et l’intelligence artificielle impactent en profondeur la robotique, la maintenance, l’architecture industrielle ou l’automatisation.

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Si dessous le texte très intéressant du groupe Orage, d'autant qu'il explique comment Les IA financières sont en voie de produire l’étincelle qui déclenchera la prochaine crise économique majeure.L'étincelle vient de se produire :

« Les autorités américaines ont pris la décision, vendredi 10 mars, de fermer la Silicon Valley Bank (SVB), en grande difficulté. La banque régionale californienne, devenue l’établissement privilégié des start-up et des fonds de capital-investissement du secteur technologique, est dans la tourmente et a connu des retraits massifs qui menacent sa survie. Les difficultés qu’elle connaît ont affecté d’autres banques de taille moyenne vendredi, en particulier First Republic (− 31,19 %), 14e établissement américain. Son profil inquiète particulièrement car sa clientèle est majoritairement composée de personnes fortunées et d’entreprises dont les dépôts dépassent les 250 000 dollars garantis. Egalement malmenées, la banque de Salt Lake City (Utah) Zions Bancorporation (− 6,26 %), Huntington (− 4,80 %), dont le siège se trouve dans l’Ohio, ou Signature Bank (− 18,19 %), qui a des activités en Californie » .Source  courrier International du 11 mars 2023.

La généralisation de l’automatisation des échanges de capital fictif grâce aux IA financières (sources Orage)

Les investisseurs ont désormais massivement recours à des robots programmés selon des modèles statistiques pour décider où placer leur capital. En 2016, 90% des transactions boursières étaient estimées pilotées par des algorithmes[11]. Dans ces formes de trading automatisé aujourd’hui dominant, ce sont des programmes informatiques qui déterminent seuls les moments où acheter ou vendre et en quelle quantité, le tout sans intervention humaine. Comme n’importe quel autre secteur économique, le trading a subi un processus d’automatisation au cours des années 2000-2010 jusqu’à atteindre des proportions difficilement imaginables. En 2018, le président de Citigroup, une importante société financière, estimait que dans les cinq années à venir les robots seraient amenés à remplacer plus de 10 000 emplois de traders[12]. En 2000 la banque d’affaire Goldman Sachs employait environ 600 personnes comme traders en actions. En 2017, ils n’étaient plus que deux, remplacés par l’embauche de plus de 200 ingénieurs informatiques chargés de programmer les algorithmes[13].

Les calculs d’estimation des risques existaient déjà dans les années 1990-2000, mais ils demeuraient alors limités, car demandant des infrastructures gigantesques pour effectuer des calculs complexes. Les avancées technologiques ont permis de passer un échelon au cours des années 2010 avec le développement des Intelligences artificielles financières. Les plus importantes sociétés de trading de la planète se retrouvent ainsi presque entièrement automatisées. La société Blackrock, première entreprise de gestion de portefeuille au monde, a par exemple développé une plateforme algorithmique de gestion des risques nommée Aladdin (pour Asset, Liability, Debt and Derivative Investment Network) (Lehalle, 2019[14]). Cette Intelligence artificielle utilise plusieurs milliers de serveurs situés dans plusieurs data-centers pour permettre « d’analyser les risques d’investissement dans n’importe quelle action, de mettre en évidence où il faut vendre des obligations pour en tirer le meilleur prix, de suivre toutes les transactions, de combiner toutes les données pour trouver les informations essentielles pour les investisseurs »[15]. En 2019 c’est plus de 18 000 milliards de dollars d’actifs qui se trouvaient gérés de manière automatisée en fonction de l’analyse d’Aladdin.

La modélisation et son impact sur les dynamiques de marché

Prendre en compte la place qu’occupe aujourd’hui le trading automatisé dans les échanges de capital fictif est vital pour comprendre les évolutions de marché, l’importance des données statistiques, mais également les dynamiques des crises financières à venir. En effet, bien qu’il existe de nombreux algorithmes différents dont le fonctionnement exact demeure un secret industriel, ils se basent tous sur une analyse systémique des données des marchés et des entreprises pour effectuer leurs choix : soit ils analysent les mêmes données, soit ils copient les choix de certains autres algorithmes (on appelle cela du mimétisme informationnel (A. Orléan 1986[16])). Ainsi ils ont tendance à suivre un comportement standard, amplifiant les dynamiques haussières comme baissières. Dès lors, il suffit de quelques statistiques jugées insuffisantes par certains algorithmes pour déclencher une réaction en chaine faisant rapidement dégringoler le cours d’un titre, parfois de manière catastrophique. Cette dynamique se trouve également amplifiée par ce qu’on appelle les effets de seuil : pour se protéger de pertes trop importantes, des systèmes de vente automatique sont mis en place par les investisseurs et se déclenchent lorsque le cours de l’action passe un certain palier. La vente entraine la vente et l’achat entraine l’achat. Là encore, les paliers définis par des investisseurs différents sont souvent très proches les uns des autres, ce qui a tendance à amplifier les hausses comme les chutes vertigineuses.

A ce constat il est nécessaire de rajouter que déjà en 2011, 65% des échanges boursiers états-uniens avaient lieu sous forme de trading à haute fréquence (THF) (Goupil, 2011[17]) ; c’est-à-dire qu’achats et ventes d’actions se font en quelques microsecondes seulement, ce qui permet d’exploiter les variations infimes du cours d’un titre. Si chacune de ces transactions engrange seulement quelques centimes, les algorithmes étant programmés pour les répéter des millions de fois par jour, les sommes dégagées deviennent rapidement importantes. A l’instar des effets de leviers, le développement du THF participe également à amplifier les phénomènes de réaction en chaine haussier ou baissier. La multiplication des robots traders et des IA signifie qu’une part croissante du marché pense et agit exactement de la même manière : « Les acheteurs, les vendeurs et les régulateurs s’appuient tous sur les mêmes hypothèses, simplement parce qu’ils consultent tous Aladdin »[18]. Le parallèle avec la précédente crise d’importance est criant : en 2008 les investisseurs faisaient confiance aveuglement aux agences de notations (Moddys, Fitch, S&P) qui indiquaient les crédits hypothécaires à risques comme sûr. Aujourd’hui les IA financières ont repris le flambeau[19]. Il y a 12 ans comme aujourd’hui, l’objectif pour les organismes tentant de vendre des objets financiers risqués reste de les faire passer pour plus solides qu’ils le sont.

Dès lors, on comprend aisément l’enjeu pour les entreprises que revêt le fait de présenter des chiffres exempts de tout défaut, quitte à ce qu’ils soient plus ou moins trafiqués. C’est dans ce cadre que le taux de profit statistique prend tout son sens et l’emporte sur le taux de profit réel. L’objectif reste d’être considéré comme rentable par les algorithmes d’investissement pour que les robots financiers continuent d’acheter plus souvent le titre qu’ils ne le vendent et ainsi fassent monter le cours de l’action.

Ce faisant, les entreprises ont largement inscrit leurs activités dans la perspective d’améliorer ces statistiques et se conforment donc à des modèles pour contenter les investisseurs. Au lieu de courir après le profit, les entreprises se retrouvent à courir après l’amélioration des notations statistiques qui y sont liées. L’impact de ces changements est significatif puisque le choix des indices utilisés pour évaluer une entreprise peut ainsi modifier sa perception par le marché. Parfois elle se trouve même à transformer sa production réelle pour produire les chiffres qu’elle pense être attendus par ces algorithmes.

C’est ce processus où l’activité réelle d’une structure se trouve orientée dans le but d’améliorer artificiellement ses statistiques en vue de satisfaire certaines évaluations (algorithmiques ou autre) que nous avons choisi de nommer « capitalisme de modèle ». Ce phénomène issu du monde financier, s’est étendu bien au-delà de cette seule sphère et impacte aujourd’hui largement les décisions de secteurs économiques extrêmement variés comme les politiques publiques. (Cf. Gestion pandémique chapitre 2 à paraitre).

Restons pour le moment dans le secteur de la finance : le cas de Tesla est là encore un exemple parlant. L’entreprise a en effet décidé en 2019 de tourner la majeure partie de son développement vers l’augmentation du nombre de véhicules produits pour améliorer ses statistiques. Elle a également utilisé diverses astuces de comptabilité créative pour lui permettre de publier des comptes bénéficiaires durant quatre trimestres d’affilé[20], ce qui lui a valu d’intégrer le S&P 500 et de multiplier par deux sa capitalisation boursière en moins de deux mois (novembre-décembre 2020).

Les IA financières en voie de produire l’étincelle qui déclenchera la prochaine crise économique majeure 

L’utilisation du Big Data par les IA va-t-il rappeler le capital fictif à la loi de la valeur ? 

Si les entreprises cotées peuvent avoir une certaine maitrise des statistiques comptables qu’elles publient, elles n’en ont aucune sur les évolutions extérieures et les dynamiques globales de marché. Les milliers ordinateurs d’Aladdin ne se contentent pas d’analyser les bilans comptables des sociétés, ils intègrent des types de données très variées pour produire quotidiennement des milliards de simulations en fonction de tous les scénarii imaginables (pour Aladdin par méthode de Monte-Carlo[21]). Ils en tirent des probabilités et définissent ainsi le risque que revêt chaque investissement. Les risques sont ainsi déterminés aussi bien par la santé statistique de l’entreprise que par les environnements géopolitiques, climatiques ou législatifs dans lesquelles elle évolue. Par la suite, les probabilités de variation du cours des actions produit par des algorithmes comme Aladdin sont utilisées comme si elles prédisaient les cours de la bourse, les investissements étant sélectionnés en conséquence par les robots gestionnaires de portefeuille.

Dès lors, les types de données analysées sont de plus en plus importants à mesure que les capacités de calcul augmentent. De plus, ces IA ont la particularité d’être autoapprenantes, c’est-à-dire que leurs choix sont influencés par les statistiques qu’elles parviennent à générer en analysant ces sommes de données. In fine, elles décident elles-mêmes quels indices et variables sont les plus pertinents pour définir les risques d’investissements. Il devient alors impossible de connaitre avec certitudes les statistiques choisies comme déterminantes par ces intelligences artificielles. En conséquence, il est même possible qu’elles finissent à terme par considérer les chiffres comptables maquillés comme « peu significatifs » et décident de les écarter faisant ainsi s’écrouler le château de cartes.

Cette possibilité est à envisager sérieusement et à court terme car la multiplication des volumes et des sources de données (Big Data) permet de plus en plus aux IA financières d’aller chercher ce qui se cache derrière les chiffres comptables. En effet, Aladdin par exemple intègre de plus en plus de données dites « alternatives » dans ses calculs. Ce sont les « données non financières, mais qui reflètent une réalité économique, liée à la valorisation des produits financiers. Les images satellite, […] permettent d’évaluer la qualité des cultures, de mesurer la luminosité des villes (et donc leur activité), de compter les véhicules sur les parkings, etc. Les transcriptions des discours des dirigeants des sociétés devant leurs assemblées générales, des communications aux analystes financiers, ou les textes déclaratifs obligatoires pour les entreprises, sont aussi disponibles, souvent gratuitement. Les textes des brevets déposés par les entreprises, les offres d’emplois, ou le trafic sur leurs pages web, font aussi partie de ces “nouvelles données” qui permettent d’évaluer ou de réévaluer de nombreuses variables économique » (Lehalle, 2019).

Les réalités statistiques de l’activité et du profit d’une entreprise continueront-elles à faire sens économiquement si l’analyse de ses « données alternatives » affirme qu’elles sont fausses ? Rien n’est moins sûr. Une entreprise automobile affirmant produire 500 000 véhicules en un an a intérêt à consolider ses chiffres s’il est possible de vérifier par satellite combien en sont exactement sortis de ses usines. A l’identique, une entreprise affirmant sur son bilan comptable avoir augmenté sensiblement son capital constant, mais dont on ne constate par satellite ni nouvelle construction de bâtiments, ni augmentation de la consommation électrique paraîtra plus que suspecte. Des plateformes algorithmiques comme Aladdin risquent de décider en conséquence d’augmenter l’indice de risque de cette société, entraînant ainsi une baisse drastique des investissements et donc du cours de l’action de cette dernière.

Le problème s’impose à nous dans toute son ampleur lorsqu’on constate que la majorité des capitalisations boursières les plus importantes se trouvent surévaluées par rapport à la valeur réelle de leur capital productif (cf. jusqu’où ?). La course en avant pouvait continuer tant qu’il restait possible de masquer la réalité par des chiffres maquillés et autres « faits statistiques alternatifs », mais comment les algorithmes autoapprenants réagiront-ils lorsque les données qu’ils collectent leur permettront de voir par-delà le voile ? Personne n’est aujourd’hui en mesure de répondre précisément à cette question. Quelques décisions automatisées pourraient suffire à déclencher une réaction en chaine provoquant une dévaluation massive de la plupart des actifs boursiers, entrainant par la suite une crise économique majeure.

Le danger de contagion que fait courir le recours massif aux robots traders et aux IA financières est bien connu des investisseurs. Nul besoin d’être marxiste pour se rendre compte de ce qui saute aux yeux : 

« La probabilité que de nouvelles crises liées à l’utilisation du THF surviennent semble également élevée. La perte de contrôle d’un algorithme ou encore une défaillance technique d’un système de trading sont, entre autres, des risques opérationnels concrets susceptibles de mettre en danger la stabilité du système financier. Par ailleurs, le taux de corrélation élevé entre les stratégies déployées par les traders à haute fréquence laisse également entrevoir la possibilité qu’un choc financier frappe tous ces investisseurs au même moment et déclenche par la même occasion une véritable panique boursière. La capitalisation de la plupart de ces firmes étant relativement limitée, un tel événement engendrerait une vague de faillite de ces sociétés, qui pourrait se propager rapidement sur l’ensemble du marché, suite au problème de contrepartie » (Biais & Wooley, 2011[22])

Les sociétés chargées du développement de ces algorithmes garantissent l’existence de protocoles de désactivation d’urgences en cas de krach. Mais, rien n’assure que ces garde-fous seront réellement effectifs en cas de crise. En effet, quel intérêt personnel y aurait-il, pour un investisseur, à désactiver un robot traders qui gagne des millions de dollars en spéculant à la baisse sur les valeurs des titres en chute libre ? Même si l’ensemble des actionnaires était tout d’un coup saisi d’une soudaine grandeur d’âme ou si des législations restrictives les y contraignaient, il a fort à parier que ces sécurités interviendraient bien tard. Avec des robots effectuant des milliers de transactions à la seconde (THF), la crise financière aura largement eu le temps de s’amorcer lorsque les protocoles d’urgences seront enfin déclenchés. De plus, ces derniers étant responsables de 90% des échanges boursiers, stopper leur fonctionnement équivaudrait à bloquer l’ensemble des marchés boursiers. Le processus d’accumulation du capital productif étant rendu possible par la captation de capital fictif pour une large part des entreprises cotées, cela correspondrait à paralyser les plus importants acteurs du système économique. Une part significative de capital cesserait au moins temporairement « de fonctionner et d’agir comme capital »[23], entrainant pour partie sa destruction. « La destruction principale, dans sa forme la plus aigüe, frapperait le capital en tant qu’il possède le caractère de valeur, donc les valeurs des capitaux »[24]aboutissant ainsi à « des dévalorisations soudaines et forcées ».

Pour reprendre la métaphore du capitalisme drogué, le sevrage brutal provoqué par un krach financier risque d’être violent. Il menace d’ouvrir la voie à une crise économique de grande ampleur qui durera tant que le système économique sera privé de sa came.

Wall Street, la crise, Marx et nous

Finalement, il est probable que les IA financières autoapprenantes, créées pour maximiser les profits fictifs en minimisant les risques, finissent par rappeler le capital fictif à la loi de la valeur et déclenchent involontairement la prochaine crise économique. Il est impossible d’affirmer pour le moment s’il s’agira d’une simple correction ou d’une crise majeure conduisant à une grande dévalorisation, mais nous pouvons d’ores et déjà et sans détour affirmer que cette crise financière aura bien lieu.

« Les contradictions [du capitalisme] provoqueront des explosions, des cataclysmes et des crises au cours desquels les arrêts momentanés de travail et la destruction d’une grande partie des capitaux ramèneront, par la violence, le capitalisme à un niveau d’où il pourra reprendre son cours. Les contradictions créent des explosions, des crises au cours desquelles tout travail s’arrête pour un temps tandis qu’une partie importante du capital est détruite, ramenant le capital par la force à un point où, sans se suicider, il est à même d’employer de nouveau pleinement sa capacité productive. Cependant ces catastrophes qui le régénèrent régulièrement, se répètent à une échelle toujours plus vaste, et elles finiront par provoquer son renversement violent »[25].

Comme nous l’avons démontré au cours de nos précédents articles, il nous semble que ces contradictions demeurent plus que jamais à l’œuvre. La profusion de capital fictif, loin de rendre les lois du capital caduques, joue le rôle de catalyseur et amplifie leurs conséquences. L’écart entre profit et accumulation de capital porteur d’intérêt atteint aujourd’hui des proportions difficilement imaginables diminuant par la même le taux de profit réel. Cet échafaudage bancal ne tient encore debout que parce que ses fondations se sont établies sur la confiance envers des statistiques maquillées et des modélisations déformées. Mais jusqu’à quand ?

La question qui demeure en suspend n’est donc pas de savoir si la crise aura lieu mais quand… Lorsqu’on scrute attentivement les indicateurs et autres indices statistiques couramment utilisés par les algorithmes pour déterminer la santé des marchés, on constate de fortes probabilités pour qu’une crise survienne à court terme. La profusion de capital fictif, renforcée massivement par le recours aux plans de relance financiers anti-pandémiques, a permis aux capitalisations boursières de nombreuses sociétés de s’envoler jusqu’à atteindre des sommets déconnectés de toute production actuelle ou future. Le retour sur terre risque d’être brutal… et semble imminent.

Pour finir notre série d’articles nous nous plongerons dans l’analyse des indices permettant d’envisager une réponse à cette problématique brûlante : Jusqu’à quand, vers la fin de l’accumulation inversée, la crise à venir ? Nous y aborderons cette question à travers l’étude des indicateurs statistiques permettant de présager le surgissement d’une crise économique systémique.  

Benjamin Lalbat pour L’orage.org

AI-DA Cartesian Painting 1, 2019 (Peinture réalisée par une IA robotique humanoïde)


[11] N. Ait-Kacimi, « Trading, les robots rechignent à livrer leurs secrets au régulateur », LesEchos du 14 nov. 2019.

[12]   Wil Martin : « Robots could replace as many as 10,000 jobs at Citi’s investment bank », Business insider du 12 juin 2018.

[13] Etienne Combier, « Quand les traders sont remplacés par des robots », LesEchos du 9 février 2017

[14] Charles-Albert Lehalle, La finance de marché à l’ère de l’intelligence bon marché, Revue d’économie financière, nov. 2019.

[15] « BlackRock: ce Léviathan de la finance qui pèse sur les choix européens » Médiapart du 18 mai 2019. Extrait cité tiré du Financial Times

[16] A. Orléan (1986), « Mimétisme et anticipations rationnelles : une perspective keynésienne », Recherches économiques de Louvain, vol.52, n° 1, mars 1986, 45-66.

[17] Goupil Luc, « Trading à haute fréquence : empreinte de marché et enjeux de régulation », Revue d’économie financière, 2013/2 (N° 110), p. 277-294.

[18] « BlackRock, The monolith and the market », The Economist du 7 décembre 2013, traduction du rédacteur.

[19] Ibid.

[20] Quentin Soubranne, « Que cache les résultats de Tesla ? », BFM Bourse du 23 juillet 2020.

[21] Il s’agit d’une famille de méthodes algorithmiques qui permet de produire les probabilités d’évolution de certaines dynamiques en multipliant les simulations à partir de données tirées aléatoirement. « En tirant de grands échantillons aléatoires des variables de marché et en calculant les vraies valeurs du portefeuille, tirées des modèles d’évaluation, pour chacun de ces tirages aléatoires », la méthode stochastique Monte Carlo permet de produire les probabilités de hausse ou de baisse en fonctions de chaque actif en fonction des évènements aléatoire analysés.  P. Pradier, (2006). La notion de risque en économie. Paris : La Découverte. P.90

[22]Biais et Wooley (2011) High Frequency Trading, Preliminary Comments cité par Olivier Host, l’impact du trading à haute fréquence sur la stabilité et l’intégrité des marchés financiers, mémoire de recherche Louvain & Brussel Management School.

[23] K Marx Capital livre III p1598.

[24] Ibidem

[25] K Marx Grundrisse T 4, Plus-value et profit

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LIRE AUSSI L ARTICLE DE COMMUNIA

QUI A PEUR DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?

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